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8 mars : portraits
Publié le 08 mars 2018
Justine, éducatrice de la PJJ
Justine Bouchet est éducatrice de la Protection judiciaire de la jeunesse. Elle travaille depuis 2016 dans une unité éducative en milieu ouvert (UEMO) à la Garenne Colombes (Hauts-de-Seine) au sein d’une équipe pluridisciplinaire composée d’éducateurs, d’un psychologue, d’un assistant de service social... Cette jeune femme intervient auprès de 23 mineurs sous main de Justice qu’elle voit en moyenne toutes les trois semaines. Elle conduit des investigations, élabore les projets individuels et en assure le suivi. Un mardi sur deux, Justine se rend à la maison d’arrêt de Nanterre au quartier des mineurs. Elle y anime, avec une collègue psychologue, un atelier de philosophie. Rencontre.
Que proposez-vous à ces mineurs incarcérés dans cet atelier de philo ?
L’atelier de philo reçoit individuellement ces mineurs. C’est une démarche volontaire, on ne les force jamais. Au début, on leur demande ce que signifie la philosophie pour eux. Puis, on leur propose d’imaginer une île sans société et sans loi. A eux de construire leur société idéale en énonçant cinq droits et cinq devoirs. Ils choisissent ce qu’ils veulent... à condition d’argumenter. On les oriente en évitant un discours trop moralisateur et on les met parfois face à leurs incohérences pour les forcer à argumenter. Nous leur proposons parfois de choisir un thème à aborder. Comme c’est souvent difficile pour eux de choisir, on les invite à répondre à des questions telles que « La violence peut-elle être une bonne chose ? » ou « Que faire face à un dilemme ?». Parfois on travaille même sur des textes de Descartes.»
Ces ateliers rencontrent-ils du succès et ont-ils des résultats positifs ?
Les mineurs se prêtent au jeu avec beaucoup d’intérêt et adhèrent généralement bien au projet. J’ai même été surprise que ça prenne aussi facilement. Certains préfèrent venir en atelier philo qu’aller à la promenade. C’est plutôt bon signe ! Cela veut dire qu’ils y prennent goût. Quant aux bienfaits pour eux, je ne suis pas leur éducatrice référente donc je ne les vois pas forcément évoluer à côté. Mais, je trouve que cela leur permet de prendre du recul sur pas mal de choses. Le but est de développer leur esprit critique, de les aider à se remettre en question, de leur apprendre à argumenter... Cela leur servira forcément plus tard. Et, pour eux, c’est une vraie bouffée d’oxygène. En prison, leur parole n’est pas forcément prise en compte. L’atelier philo est un espace qui leur appartient où ils ne sont pas jugés, où l’on donne de l’importance à ce qu’ils disent, sans jugement sur eux.
Le fait d’être une femme dans votre profession, est-ce un sujet ?
Le milieu des éducateurs de la PJJ est moins féminisé que les métiers du social bien qu’il y ait, d’une manière générale, plus de femmes que d’hommes. Je ne pense pas que ce soit un avantage ou un inconvénient d’être une femme dans mon métier tant qu’on est à l’aise avec ce qu’on est et ce qu’on renvoie. Comme femme, on peut très bien faire preuve d’autorité sur les mineurs et leur imposer un cadre. Je n’ai jamais été en difficulté particulière et je ne pense pas qu’on exerce différemment ce métier. En revanche, ce qui est plus compliqué pour moi, c’est le moment où on les remet en cellule et qu’on referme la porte, qu’on les laisse là.. Ce sont des enfants ! L’univers carcéral est dur pour les professionnels car on est également enfermé. Pour aller au quartier des mineurs de Nanterre, on passe 11 portes blindées. On traverse le quartier majeurs. Il y a peu de lumières. Il y a des cris tout le temps. Voir des mineurs incarcérés, c’est dur parce qu’ils pleurent beaucoup. En prison, tout est décuplé. Les conditions de travail peuvent y être pesantes. Mais, globalement, je passe de très bons moments. C’est très agréable de les voir réfléchir. Il se passe des choses émotionnellement très fortes. Cela m’apprend aussi beaucoup sur les jeunes et sur ma pratique.