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Les audiences conjugales, « un effet pédagogique »

Publié le 17 juin 2020

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En mai 2019, Pascal Carlier et Cécile Gressier, respectivement président et procureure de la République du Tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe (59), ont décidé de créer des audiences spécialisées pour juger les faits de violences conjugales, afin de permettre une meilleure information de leurs victimes et de faciliter la prise de conscience chez leurs auteurs.

Pouvez-vous nous présenter le principe des « audiences conjugales » ?

Cécile Gressier : elles sont consacrées uniquement aux affaires relevant de la formation en juge unique pour des prévenus convoqués pour des faits de violences conjugales. L'association d'aide aux victimes est présente à ces audiences afin de les renseigner sur leur déroulé. Elle les accompagne en amont et les informe de leurs droits.

Pascal Carlier : compte tenu de la taille de cette juridiction, cette audience est fixée ponctuellement (à raison de 4 par an) et n'a donc pas pour objectif de juger toutes les affaires de violences conjugales.

Quels en sont les objectifs et les avantages ?

Pascal Carlier : l' objectif d'une telle audience est double:

  • un objectif de pédagogieet de prise de conscience à l'égard des prévenus mais également des victimes concernant leurs droits. Cet effet pédagogique se poursuit au delà de l'enceinte judiciaire puisque ces audiences sont relayées par la presse.

  • un objectif devisibilité au sein du tribunal et à l'exterieur de celui-ci concernant cette problématique.

Cécile Gressier : le caractère spécialisé de l'audience offre au parquet la possibilité de développer ses réquisitions sur cette forme particulière de délinquance et ses conséquences.

Ainsi, en introduction de cette audience, le ministère public prend la parole pour :

  • évoquer la gravité intrinsèque des faits de violences conjugales et leur effet dévastateur sur les victimes (leur sentiment de honte, leur difficulté à dénoncer les faits, les effets d'emprise, etc.) mais aussi leurs conséquences sur les enfants, en dénoncant l'idée souvent exprimée à l'audience qu'ils n'ont pas été témoins directs car ils étaient dans leur chambre ou trop petits pour comprendre.

  • rappeler ou indiquer que chacun des prévenus encourt, outre la peine principale, une peine complémentaire de retrait de l'autorité parentale – une information qui semble avoir un réel effet sur les prévenus.

  • enfin, rappeler que c'est le ministère public qui a décidé des poursuites et que le retrait de la plainte est sans effet (les victimes exprimant souvent leur culpabilité d'être à l'origine d'une procédure à l'encontre de leur conjoint par ailleurs souvent père/mère de leurs enfants).

Pascal Carlier : Ensuite, l'examen successif de plusieurs situations, souvent similaires, se révèle porteuse d'un réel effet pédagogique dans la mesure où:

  • les victimes peuvent constater qu'elles ne sont pas seules dans cette situation ( ce qui peut être de nature à diminuer leur sentiment de culpabilité ou de honte)

  • les prévenus peuvent, ainsi se placer en situation de témoins de situations ressemblant à la leur, et constater les conséquences des faits commis voire demesurer l'absurdité des justifications parfois données à ceux ci. L'existence de situations de réitération ou de récidive ayant entrainé le prononcé de peines fermes est également de nature à marquer les esprits.

©Sami Belloumi/DICOM/MJ

Les autres entretiens :

· le TJ de Toulouse, qui peut aujourd'hui anticiper la sortie du condamné pour mieux évaluer sa dangerosité et accompagner les victimes à préparer cet événement anxiogène ;

· le TJ de Colmar, où les auteurs de violences se voient imposer un stage auprès d'éducateurs pour les aider à prendre la mesure de leurs actes ;

· le TJ de Valenciennes, qui a mis en place un dépôt de plainte simplifiée dès l'hôpital afin de démarrer l'enquête au plus vite et soulager la victime de la culpabilité de se déplacer devant les forces de l'ordre.