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Le déconfinement, « une montée en puissance progressive »
Publié le 19 mai 2020
18 mai 2020
Après deux mois de travail continu mais de plus faible intensité, l'activité des juridictions est désormais appelée à reprendre son rythme habituel dans des circonstances toujours exceptionnelles. Rencontre avec Benjamin Deparis et Caroline Nisand, respectivement président et procureur du tribunal judiciaire d'Evry, pour aborder en détail la manière dont s'est organisé le déconfinement dans cette juridiction.
Comment s'est organisée la réouverture du tribunal sur le plan sanitaire ?
Benjamin Deparis : tout devait être prêt dès le matin du 11 mai, c'était là le plus grand challenge. Concernant les EAP [ndlr : les protections en plexiglas], nous avons fait en amont un état des lieux avec le médecin de prévention etun assistant de prévention, pour définir les besoins, bureau par bureau. En attendant de recevoir les premiers, nous avons fait comme dans certains commerces et installé de grands filmscellophanespour protéger certains agents. Nous avons dès le 7 mai diffusé une note générale de service comprenant l'ensemble des dispositions sanitaires et d'organisation des services (un document de 39 pages avec des fiches pratiques) afin que chaque agent puisse s'y référer pour savoir dans quelles conditions il reprendrait le travaill.
Pour les deux chefs de juridiction, 5 grands principes ont dicté la création de cette note :
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Limiter l'affluence : on entre dans le tribunal que pour une raison impérieuse – soit on y travaille, soit on est un justiciable qui ne peut faire autrement (convocation, recours, dépôt de dossier d'aide juridictionnelle, etc.)
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Limiter la présence à l'intérieur : on attend à l'extérieur autant que possible pour éviter les regroupements en milieu clos. Nous avons ainsi installé à l'entrée une série de barrières pour créer une ligne d'attente et canaliser le public.
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Port du masqueimposé à tous, une fois à l'intérieur :personnels judiciaires mais également avocats, justiciables, personnels de l'administration pénitentiaire, des forces de l'ordre etc. La plupart viennent dotés de telles protections, mais nous avons prévu un lot de masques supplémentaires (jetables) pour ceux qui n'en auraient pas.
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Des circuits de circulation et des zones d'attente espacées permettent de se déplacer et de stationner à distance suffisante des autres dans la salle des pas perdus.
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Un dédoublement spatial et temporel des audiences : spatial, car une deuxième salle d'audience est utilisée comme salle d'attente quand cela est nécessaire et, à l'intérieur de chacune, seul un fauteuil sur deux est accessible ; et temporel car les appels des causes sont effectués par affaire ou séquencés par tranches horaires selon les matières.
Caroline Nisand : en ce qui concerne plus particulièrement le travail des magistrats du parquetqui sont au nombre de 31 à Evry,j'ai mis fin, lorsque c'était possible,au télétravail car il était important de recréer une dynamique d'équipe. Toutefois, pour respecter les gestes barrières, j'ai remplacé notre réunion d'action publique quotidienne dans mon bureau par des audioconférences, tout aussi pratiques qu'une visio mais plus simples à mettre en place pour chacun.
Et quel est l'impact du déconfinement sur l'organisation de vos services ?
Caroline Nisand : l'activité des services pénaux connaîtra une montée en puissance progressive.en première semaine, nous avons géré les urgences, cette semaine nous reprenons les audiences collégiales, les jugementsau fonddes procédures ayant donné lieu à des contrôles judiciaires ;nousretrouveronsune pleine activité dès la semaine prochaine, mis à part les CRPC et les audiences du tribunal de police qui reprendront à partir du 2 juin.
Concernant la nature des contentieux, la priorité a été donnée pendant le confinement aux atteintes à l'intégrité physique, notamment lesviolences conjugales – 45% des dossiers déférés à parquet. Cette prépondérance relative s'explique en partie par labaisse des faitsd'atteinte aux biens, commeles cambriolages ou les vols à la tire– quise sont taris en raison de l'omniprésence des forces de l'ordredans l'espace public– lesquels semblentrepartirà la hausse avec le déconfinement.
J'ai demandé à mes collègues de se rendre de façon systématique dans les services de police et de gendarmerie pour traiter sur site les dossiers restés en attente pendant le confinement afin de prioriser le traitement des affaires les plus importantes.
De la même manière, nous avons fait le choix de nous répartir les dossiers déjà parvenus dans les services du parquet, sans procéder à un enregistrement préalable, de manière à donner immédiatement une décision concrète (poursuite, classement, investigations supplémentaires) sans perdre de temps inutilement. A court terme, les délais d'audiencement ne se sont pas aggravés, la délinquance ayant baissé pendant le confinement.
Benjamin Deparis : en matière civile également la reprise se fera de manière progressive. Il y a un importantretard à rattraper avant depouvoir retrouver le rythme d'activité antérieur, et ces trois semaines doivent servir de sas pour repartir de manière plus saine et plus sereine.
En matière familiale par exemple (+ de 55% des affaires civiles), presque 500décisions ont pu être traitées pendant le confinement par les magistrats du siège mais demandent désormais à être mises en forme et notifiées par les équipes de greffiers. Pour éviter d'avoir à porter cet arriéré comme un fardeausur le long terme, nous avons fait le choix de ne pas reprendre les procédures orales avant le 2 juin (ex : conciliations de divorce, séparations de couples non mariés) qui sont très consommatrices de greffe, afin de pouvoir apurer ce stock de décisions à notifier. Il y a aussi tout le traitement des échanges avec les avocats – les messages RPVA de la mise en état - qui n'a pu être traité hormis pour les demandesde renvoi et qui devra avoir été effectué pour le 2 juin. Cette sortie du confinement constitue un véritable sas de décompression pour ces services. En revanche, nous avons repris les référés civils dès le 11 mai ainsi que les procédures écrites en matière civile et familiale par dépôt au greffe ou selon la procédure sans audience.