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Modernisation de l'organisation des juridictions
Publié le 06 janvier 2020
« La création du Tribunal judiciaire permet d'assurer une plus grande lisibilité »
La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice modifie en profondeur l'organisation et le fonctionnement des juridictions. Peimane Ghaleh-Marzban, Directeur des services judiciaires au ministère de la Justice, détaille les principales dispositions de ce texte en matière judiciaire.
En quoi cette loi améliorera-t-elle les conditions de travail des greffiers et des magistrats ?
Peimane Ghaleh-Marzban (PGM) : Ce texte permet de sanctuariser les moyens au bénéfice de l'institution judiciaire. Ainsi, 932 emplois de magistrats et de fonctionnaires de greffe seront créés ou transformés. Parallèlement au renforcement des effectifs, la Direction des services judiciaires met en place des schémas d'organisation pour promouvoir le travail en équipe entre magistrats, personnels de greffe, juristes assistants et assistants spécialisés.
Le Tribunal judiciaire est une innovation majeure de ce texte. Quel sera son champ de compétence ? Quel sera le gain pour le justiciable ?
(PGM) : La création du Tribunal judiciaire est une grande innovation pour le justiciable car cela assure une plus grande lisibilité. Il y a désormais un Tribunal judiciaire, composé de différents sites appelés tribunaux de proximité. En clair, un justiciable pourra, dans certaines matières, déposer une requête devant n'importe quel tribunal, requête qui sera ensuite examinée par le Tribunal judiciaire.
La nouvelle loi prévoit la possibilité, quand il existe plusieurs tribunaux de grande instance au sein d'un même département, de créer des pôles spécialisés au sein d'un tribunal judiciaire. Quel est l'intérêt de cette mesure ?
(PGM) : Je rappelle d'abord que tous les sites judiciaires sont maintenus pour assurer de la proximité aux justiciables. La loi offre également la possibilité de spécialiser certains tribunaux. En effet, quand il existe plusieurs Tribunaux judiciaires dans le département, il sera désormais possible de prévoir qu'un de ces tribunaux connaîtra des contentieux techniques en matière civile ou pénale. Ces contentieux sont fixés par décret. Cette disposition permet de garantir une plus grande sécurité juridique et d'assurer au justiciable que son problème sera examiné par des magistrats qui ont l'habitude de traiter ces contentieux.
Une cour d'appel pourra également être spécialisée sur un ou plusieurs contentieux...
(PGM) : La nouvelle loi rend en effet possible cette expérimentation dans deux régions. Le texte offre également la possibilité aux chefs de Cour d'appel de porter une politique partenariale, je pense notamment à la politique d'aide aux victimes ou en ce qui concerne l'accueil du justiciable dans les juridictions.
La loi simplifie la saisine des tribunaux en matière civile. Qu'est-ce qui est prévu pour les justiciables les plus fragiles, notamment ceux qui n'ont pas accès à l'internet ?
(PGM) : Le justiciable aura toujours la possibilité de bénéficier d'un accueil personnalisé dans toutes les juridictions grâce aux services d'accueil du justiciable (SAUJ). Le SAUJ lui permet d'être accueilli par des personnels de greffe formés et compétents et qui pourront l'accompagner dans sa demande de Justice.
Le texte crée également une juridiction nationale de traitement dématérialisé des injonctions de payer. Quel sera le gain pour le ministère et pour le justiciable ?
(PGM) : A compter du 1er janvier 2021, les requêtes en injonction de payer, qui sont actuellement examinées dans les tribunaux d'instance et de grande instance, deviendront de la compétence d'une seule juridiction : la juridiction nationale de traitement dématérialisé des injonctions de payer (JUNIP). Grâce à cette juridiction nationale, la jurisprudence en matière d'injonction de payer sera stabilisée et uniformisée. Je précise que les droits des débiteurs seront préservés puisque les juridictions territorialement compétentes aujourd'hui continueront à connaître des oppositions formées par les débiteurs.
Un juge dédié aux victimes de terrorisme (JIVAT) sera aussi instauré. Quel sera son rôle ?
(PGM) : Avant la loi du 23 mars 2016, les victimes d'actes de terrorisme, quand elles sollicitaient la réparation de leurs préjudices, se voyaient confrontées à un parcours procédural complexe. C'est pour cela que la loi simplifie la procédure d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme en donnant compétence exclusive au juge civil du tribunal de Paris pour traiter du contentieux de l'indemnisation de leurs préjudices. La création du JIVAT permet d'assurer l'égalité de traitement entre les victimes.
La loi propose, à titre expérimental, que les crimes soient jugés devant une Cour criminelle départementale. Qu'est-ce que cela va changer par rapport à la situation actuelle ?
(PGM) : Je précise que la cour départementale ne sera pas compétente pour tous les crimes mais seulement pour juger, en première instance, les majeurs ayant commis un crime puni de 15 ou 20 ans de réclusion criminelle lorsque le crime n'est pas commis en état de récidive légale. C'est un dispositif expérimental pour trois ans. Un arrêté de la ministre a déterminé sept départements où cette expérimentation est mise en place (Ardennes, Calvados, Cher, Moselle, Réunion, Seine-Maritime et les Yvelines). Cette réforme doit permettre de lutter contre l'engorgement des cours d'assises et la correctionnalisation d'affaires criminelles graves, notamment les affaires de viol.
Interview réalisée par le ministère de la Justice - SG - DICOM - Damien ARNAUD
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