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La peinture pour observer l'enfant pris en charge par la justice

Publié le 06 novembre 2019

À Reims, une éducatrice et une psychologue de la protection judiciaire de la jeunesse ont imaginé un dispositif autour des arts plastiques à destination des enfants qui ont affaire à la justice. Leur but : mieux cerner leur personnalité.

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Comment observer la personnalité, le parcours, l’environnement d’un enfant suivi par la justice des mineurs, autrement que lors d’un entretien ? Christelle Segatto, éducatrice de l’unité éducative de milieu ouvert (UEMO) de Reims Nord et Adeline Duvernier, psychologue à l’UEMO Reims Sud ont choisi comme moyen la peinture.

"Le service connaît un accroissement des prises en charge de mineurs de moins de 15 ans dans les investigations au civil sur les dernières années. Cela concerne quelques fois de très jeunes enfants, de trois à cinq ans, avec qui l’entretien oral n’est pas forcément l’outil le plus adapté", précise Christelle Segatto.

Des peintures sur de vraies toiles

L’éducatrice et la psychologue ont donc monté le projet "Petite enfance". Le dispositif imaginé dans le cadre des MJIE (mesures judiciaires d'investigation éducative) commence par une réunion avec les éducateurs référents dans le cadre de la prise en charge de la famille. Cette rencontre permet de définir ce qui sera observé pendant l’activité peinture : la concentration, l’interaction avec les autres enfants et/ou les adultes présents, l’apprentissage des techniques, le rapport au corps (notamment dans la confrontation avec la peinture "qui salit").

Puis les enfants se mettent au travail avec Christelle et Adeline. "Au départ, c’est une activité ludique, indique l'éducatrice. Donc une récréation pour les enfants. Mais nous les étonnons en proposant de peindre sur des vraies toiles et non des feuilles de papier. Il y a quelques fois une appréhension, mais elle s’estompe assez vite et les enfants en sont valorisés : ils sont comme des véritables artistes."

Faire émerger l’idée première de l’enfant

Christelle Segatto et Adeline Duvernier ont chacune leur positionnement pendant les séances : l’éducatrice est dans le "faire avec". Elle met en route l'activité, elle montre les supports, les techniques et accompagne les gestes des enfants. « En lui proposant de tester des choses nouvelles, je réveille leur aspect pulsionnel, je leur permets de se détacher du regard de l’autre. »

La psychologue, elle, est davantage dans l'observation, même si elle participe également à l'activité pour soutenir la dynamique de groupe. Elle « laisse venir les choses en ouvrant des portes, pour faire émerger l’idée première de l’enfant ».

D’un tableau sombre à un tableau lumineux

Les résultats de l’expérience sont considérés comme probants, autant par Christelle et Adeline que par les équipes éducatives et leur direction. "Le plus spectaculaire, c’est quand un enfant fait deux séances. Une en début de mesure judiciaire d'investigation éducative, une en cours ou à la fin. La première fois, on a vu des tableaux très sombres ou avec des couches et des couches de peinture comme pour cacher quelque chose. La deuxième fois, les tableaux sont lumineux, colorés, instinctifs… C’est le signe d’une mesure qui a fait progresser l’enfant et son entourage."

Une trace graphique de sa prise en charge

Les tableaux sont signés par les enfants. Une fois vernis, Christelle Segatto les redonne à l’éducateur référent, qui organise la remise définitive de l’œuvre à l’enfant. "Cela le valorise, assure Christelle. C’est aussi pour lui une trace graphique de tout ce qui s’est mis en place autour de lui, de la présence de l'instance judiciaire et des préoccupations pour son monde intérieur."

©MJ/DR