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Une prise de plainte des victimes dès les urgences

Publié le 17 juin 2020

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Avec une hausse de 28% par rapport à 2018, la juridiction de Valenciennes n’est pas épargnée par le fléau des violences conjugales. Jean-Philippe Vicentini et Xavier Douxami, respectivement procureur de la République et président du Tribunal judiciaire de Valenciennes, nous présentent 3 projets dont deux instaurés en partenariat avec le Centre hospitalier de la ville.

Quelles sont les 3 initiatives mises en place pour lutter contre les violences conjugales ?

Jean-Philippe Vicentini : depuis un an, il y a l’examen psychologique du mis en cause et de la plaignante au cours de la garde à vue. Ensuite, il y aura à partir de début juillet, le dépôt de plainte simplifié à l'hôpital et l'accompagnement renforcé du conjoint ayant commis des violences conjugales et ayant une addiction.

Xavier Douxami : via ces projets, le but est d'éviter la récidive et de favoriser la détection des situations à risque

En quoi consiste l’examen psychologique du mis en cause pendant la garde à vue ?

Jean-Philippe Vicentini : cela permet d’appréhender au mieux sa dangerosité et aide le magistrat à avoir une meilleure appréciation de la réponse pénale à donner. A l'hôpital de Valenciennes, un pool de 10 psychologues, très disponibles à tout moment, rencontrent le mis en cause durant sa garde à vue et versent à l’enquête leur rapport. La constitution de cette liste de professionnels volontaires a permis de faciliter le travail des enquêteurs.

Xavier Douxami : la victime est aussi examinée. Cela permet de mieux appréhender son préjudice et de détecter les situations de« conjugopathie ». Ce trouble peut s’illustrer par le fait qu’une victime reste totalement attachée à son bourreau malgré des faits de violences.

Qu’est-ce que le dépôt de plainte simplifié ?

Jean-Philippe Vicentini: se déplacer au commissariat ou dans une brigade gendarmerie pour déposer plainte n’est pas simple pour les victimes de violences conjugales. Il y avait donc un travail à faire dès l'hôpital pour mieux recueillir leur parole.

Xavier Douxami : en pratique, la victime pourra soit être immédiatement prise en charge par le service d’enquêtes dans les cas les plus graves, soit rédiger au service des urgences avec l’aide d’un professionnel de santé, un signalement accompagné d’un certificat médical qui sera immédiatement transmis par mail à la police et au parquet afin de démarrer l'enquête dès le lendemain.

Comment fonctionne l'accompagnement renforcé du conjoint ayant commis des violences conjugales et ayant une addiction ?

Jean-Philippe Vicentini : dans beaucoup de cas, le mis en cause présente une addiction (alcool, stupéfiants, ou les deux) etla plupart des couples ne veulent pas forcément se séparer. On entend souvent la victime dire « quand il n’a pas bu, c’est un bon mari, un bon papa, il faut qu’il se soigne». Il faut donc mettre en place immédiatement un accompagnement qui ne sera pas un contrôle judiciaire (pris en charge par ailleurs) mais un soutien permettant au mis en cause d’évoluer pour éviter la récidive.

Xavier Douxami : cet accompagnement se fait dans le cadre d’une convocation par procès-verbal avec contrôle judiciaire (CPPV-CJ). Il permet une prise en charge individualisée, par un professionnel spécialement recruté et formé, de toutes les difficultés qui peuvent amener le mis en cause à commettre des violences conjugales. Durant 4 moisenviron, un professionnel va l’aider dans ses démarches pour se soigner, s’insérer professionnellement…

Jean-Philippe Vicentini : cela permet aussi de garder le contact avec la victime pour savoir si tout se passe bien. Cet accompagnement individuel renforcé pourra éventuellement se poursuivre dans le cadre de la peine (sursis probatoire par exemple).

©MJ/DICOM

Les autres entretiens :

· le TJ de Toulouse, qui peut aujourd'hui anticiper la sortie du condamné pour mieux évaluer sa dangerosité et accompagner les victimes à préparer cet événement anxiogène ;

· le TJ de Colmar, où les auteurs de violences se voient imposer un stage auprès d'éducateurs pour les aider à prendre la mesure de leurs actes ;

· le TJ d'Avesnes-sur-Helpe, où les audiences consacrées à ces violences sont réunies au sein d' « audiences conjugales » qui permettent également aux prévenus ainsi groupés de prendre collectivement conscience des souffrances endurées par leurs victimes.