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Un séminaire sur la traite des êtres humains

Publié le 04 mars 2017

Un séminaire sur le traitement judiciaire de la traite des êtres

Temps de lecture :

6 minutes

Les 2 et 3 mars 2017, la direction des affaires criminelles et des grâces organisait à Paris un séminaire d’échanges et de sensibilisation sur la traite des êtres humains afin de tirer un premier bilan de la mise en œuvre de la circulaire du 22 janvier 2015 et d’échanger entre acteurs concernés par le sujet, notamment les magistrats qui siègent au sein des JIRS.

Une assistance d’une quarantaine de personnes -magistrats du parquet et du siège, notamment des JIRS, et experts français et étrangers- s’est déplacée à Paris pour échanger durant deux jours sur ce phénomène complexe de traite des êtres humains (TEH) qui peut revêtir de multiples formes.

Ouvrant les travaux aux côtés d’Elisabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), Robert Gelli, directeur des affaires criminelles et des grâces, a rappelé que la lutte contre la TEH constituait un axe de travail prioritaire pour sa direction et que de nombreuses actions avaient été conduites ces dernières années.

La DACG a ainsi directement contribué au renforcement de la réponse judiciaire face au phénomène : « La publication de la circulaire du 22 janvier 2015 encourageant les magistrats à recourir de manière plus fréquente à la qualification de traite des êtres humains a constitué une étape importante de cette action et constitue encore aujourd’hui la pierre angulaire à partir de laquelle la politique pénale en matière de traite des êtres humains doit être pensée et évaluée. »

Une réponse judiciaire à la hauteur des enjeux

Au-delà des échanges de bonnes pratiques et des bilans des politiques menées, Robert Gelli a souhaité que ce séminaire favorise « l’impulsion d’une réponse judiciaire à la hauteur des enjeux, aussi bien en terme de répression des auteurs que de protection des victimes ».

Dans son état des lieux de la TEH et de son traitement judiciaire, le directeur des affaires criminelles et des grâces a précisé qu’il « s’agit dans leur grande majorité de faits de traite des êtres humains aux fins de proxénétisme, venant des quatre coins du monde : du Nigéria, des pays de l’Est (comme la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie, des pays des Balkans comme l’Albanie ou la Bosnie) mais aussi de Russie, de Chine et d’Amérique du Sud. ». Il a également rappelé deux autres formes  que peut prendre ce phénomène : la traite aux fins de délinquance forcée ou d’exploitation de la mendicité et la traite aux fins de travail forcé, esclavage et servitude.

Les principales évolutions législatives et de politique pénale

Passés ces premiers constats, le directeur des affaires criminelles et des grâces a évoqué les évolutions législatives et de politique pénale qui ont marqué ces dernières années la question de la TEH et permis une meilleure réponse judiciaire. L’incrimination de TEH est née de la loi du 18 mars 2003, révisée en 2007. Elle a été revue en profondeur par la loi du 5 août 2013 à la lumière de la directive européenne du 5 avril 2011. Enfin, la circulaire du 22 janvier 2015 a appelé les magistrats à utiliser davantage cette qualification qui permet une appréhension plus globale de la chaîne logistique criminelle et une meilleure entraide pénale internationale. Malgré cet arsenal législatif, il y a encore des difficultés et des résistances tant au niveau de l’enquête et des poursuites pénales qu’au niveau de l’identification et de la protection des victimes. Si on assiste à une augmentation importante du nombre d’affaires traitées sous cette qualification, l’activité des JIRS en matière de traite des êtres humains apparaît encore trop faible. Pour rappel, 75 personnes ont été condamnées en 2015 pour traite des êtres humains, contre 16 en 2011.

Cécile Augeraud, commissaire de police au Service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique de la criminalité organisée (SIRASCO) et Jean-Michel Cailliau, avocat général à la Cour de cassation ont ensuite complété cet état des lieux à travers leur analyse du phénomène.

TEH : défis et bonnes pratiques

Durant ces deux journées de séminaire, plusieurs tables rondes se sont succédées. La première a porté sur le traitement judiciaire de la TEH avec des interventions des chefs de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), de l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) puis de deux magistrats des JIRS de Bordeaux et de Paris. La deuxième a abordé la question de la traite des êtres humains dans le contexte actuel de crise migratoire, insistant sur l’importance d’éviter l’écueil de confondre la TEH avec l’aide à l’immigration irrégulière.

La troisième table ronde a été consacrée à l’entraide pénale internationale, permettant de rappeler l’importance de recourir aux outils de l’entraide dans les dossiers de TEH, à travers notamment les équipes communes d’enquête. La quatrième table ronde a réuni plusieurs acteurs impliqués à différents niveaux dans la lutte contre la traite des mineurs. Enfin, la dernière table ronde a porté sur la protection et la prise en charge, notamment psychologique, des victimes de TEH avec la présence de plusieurs représentants associatifs.

« Un problème d’importance majeure »

La présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), Christine Lazerges, a clôturé ce séminaire en insistant sur la nécessité de renforcer plus particulièrement la lutte contre la TEH aux fins d’exploitation économique « qui est encore plus cachée et silencieuse ».

Pour la présidente de cette institution, « il faut tout faire pour que le silence des victimes n’entrave pas le cours normal de la justice. Pour éviter ce silence, nous avons terriblement besoin des associations et des acteurs de la prévention et de la répression. »

La présidente de la CNCDH a également insisté sur la question de la sensibilisation et la formation des professionnels de la justice et plus généralement des professionnels susceptibles d’être confrontés à des cas de TEH. « S’agissant d’atteinte à l’égale dignité des personnes humaines, soyons tous convaincus que ce n’est qu’en diffusant autour de nous le fait que la traite n’est pas un micro-problème mais, que pour une démocratie comme la nôtre, c’est un problème d’importance majeure. » a-t-elle conclu.

En savoir plus : La circulaire du 22 janvier 2015Les principales formes de TEH

  • TEH aux fins de proxénétisme

  • TEH aux fins de délinquance forcée ou d’exploitation de la mendicité

  • TEH aux fins de travail forcé, esclavage et servitude

La 3e forme de trafic la plus lucrative

Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la traite des êtres humains constituerait la troisième forme de trafic la plus lucrative du monde (après les trafics de stupéfiants et d’armes) et génèrerait au moins 32 milliards de chiffre d’affaires par an.

L’incrimination de traite des êtres humains

  • Une action : celle de recruter, transporter, transférer, héberger ou accueillir une personne.

  • Un moyen : par exemple la menace, la contrainte, la violence, l’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité.

  • Et une finalité qui est l’exploitation de la personne, sans exiger cependant que celle-ci ne soit réalisée. La finalité d’exploitation se caractérise par la mise à disposition de la personne à son profit ou à celui d’un tiers en vue de commettre des faits de proxénétisme, d’agressions ou d’atteintes sexuelles, de travail, services, délinquance ou mendicité forcés, de conditions de travail ou d’hébergement indignes, de réduction en esclavage ou servitude ou encore de prélèvement d’organes.

La réunion de ces trois éléments, action, moyen et finalité, permet de caractériser l’infraction de traite des êtres humains.

Lorsque les victimes de TEH sont mineures, l’élément relatif aux moyens n’est pas requis. Seules l’action et la finalité peuvent suffire à considérer que la TEH est constituée.

2 et 3 mars 2017 - Séminaire sur le traitement judiciaire de la traite des êtres humains © DICOM/MJ

2 et 3 mars 2017 - Séminaire sur le traitement judiciaire de la traite des êtres humains © DICOM/MJ

2 et 3 mars 2017 - Séminaire sur le traitement judiciaire de la traite des êtres humains © DICOM/MJ

2 et 3 mars 2017 - Séminaire sur le traitement judiciaire de la traite des êtres humains © DICOM/MJ

2 et 3 mars 2017 - Séminaire sur le traitement judiciaire de la traite des êtres humains © DICOM/MJ

2 et 3 mars 2017 - Séminaire sur le traitement judiciaire de la traite des êtres humains © DICOM/MJ