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Violences: le stage «  est une porte d’entrée sur des soins  »

Publié le 17 juin 2020

Pour Catherine Sorita-Minardet et Nathalie Kielwasser, respectivement procureure et vice-procureure de la République du tribunal judiciaire de Colmar, la lutte contre les violences conjugales et sexistes est un véritable combat qui passe aussi par la prise en charge des auteurs.

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Quels dispositifs avez-vous mis en place sur le ressort de Colmar  ?

Catherine Sorita-Minard  : le dispositif EVVI(1) est mis en place pour les violences conjugales depuis octobre 2019 à Colmar, afin de bénéficier d’une évaluation fine du besoin de protection de la victime, effectuée par une association spécialisée en matière d’aide aux victimes . Que la victime porte plainte ou pas, l’audition est transmise à l’association en temps réel  : elle va contacter la victime, la recevoir, l’entendre afin de déterminer son besoin de protection et la nécessité de mettre en place un téléphone grave danger par exemple. Cette évaluation est ensuite transmise au parquet. En cas de danger imminent, le magistrat de permanence est contacté. Le TJ de Colmar en enregistre 20 à 25 par mois.

Il existe aussi, depuis 2016, des stages à l’attention des auteurs et des victimes  ?

Nathalie Kielwasser  : oui et nous avons étendu ces stages aux auteurs de violences sexistes. Les violences conjugales, c’est une question de genre. Dans 80 % des cas, ce sont les hommes qui frappent. Proposés en alternative à une audience correctionnelle, à des auteurs en sursis probatoire ou à des détenus, ces stages concernent des délits mineurs qu’il faut traiter le plus tôt possible. On ne banalise rien, surtout pas la première claque.

Catherine Sorita-Minard  : un auteur de violences conjugales qui n’est pas soigné fait en moyenne 4 victimes dans sa vie.

Comment un stage auteur se déroule-t-il  ?

Nathalie Kielwasser  :sur 3 jours par groupe de 6-8 personnes. Nos partenaires organisent le contenu avec des éducateurs, des psychologues, des juristes… Un stage, c’est une porte d’entrée sur des soins. On aide l’auteur à définir ce qu’est une violence pour qu’il se situe dans ce qu’il fait. Pour certains, la violence c’est «  le coup de boule  »  ; une claque, ce n’est pas de la violence.

On va aussi leur parler du cycle de la violence: passage à l’acte, phase de justification où la responsabilité est inversée («  si j’ai été violent c’est parce que tu m’as provoqué  »), promesse de changement, passage à l’acte  ; expliquer comment on peut transformer le conflit en échange.

Quel est le rôle du parquet dans le domaine des violences  ?

Catherine Sorita-Minard : le parquet fait l’enquête et mène une politique pénale en prise avec les enjeux de la société. Ici, nous avons décidé avec la présidente du tribunal de mener une politique de juridiction car les magistrats du siège sont aussi confrontés à ces violences.

Enquêteurs, policiers, avocats doivent aussi être impliqués. Comme l’a révélé le Grenelle des violences conjugales, le traitement de ces violences est particulier et nécessite l’engagement et la formation de tous à cette singularité.

1 – dispositif prévu à l’art 10-5 du code de procédure pénale

©MJ/DR

Les autres entretiens :

· le TJ de Toulouse, qui peut aujourd'hui anticiper la sortie du condamné pour mieux évaluer sa dangerosité et accompagner les victimes à préparer cet événement anxiogène ;

· le TJ d'Avesnes-sur-Helpe, où les audiences consacrées à ces violences sont réunies au sein d' « audiences conjugales » qui permettent également aux prévenus ainsi groupés de prendre collectivement conscience des souffrances endurées par leurs victimes ;

· le TJ de Valenciennes, qui a mis en place un dépôt de plainte simplifiée dès l'hôpital afin de démarrer l'enquête au plus vite et soulager la victime de la culpabilité de se déplacer devant les forces de l'ordre.