[Archives] 29ème Congrès national des huissiers de justice

Publié le 09 juin 2011

Discours de Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés

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8 minutes

Monsieur le Président,

Monsieur le Préfet,

Monsieur le député et président du Conseil général des Alpes-Maritimes

Monsieur le député et maire de Nice,

Messieurs les élus,

Madame, Messieurs les hauts magistrats,

Mesdames et messieurs les représentants de la profession,

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais vous remercier de m’avoir convié à votre Congrès, car c’est un moment important dans la vie d’une profession. Le moment de se rassembler, d’affirmer son unité, tout en évoquant les grandes questions auxquelles elle se trouve confrontée. La qualité des intervenants laissent présager des débats approfondis et riches.

Je veux saluer, Monsieur le président, la franchise et la « loyauté » (pour reprendre votre expression) avec laquelle vous avez exprimé les points forts de cette année, qui est une année d’aboutissement de bien des réformes gouvernementales pour les professions réglementées et pour les huissiers notamment. Je vous remercie d’avoir soulevé aussi les difficultés, et je m’attacherai à y répondre avec précision.

De nouveaux textes sont désormais en vigueur, qui sont autant d’avancées pour votre profession. Et, je vous rejoins absolument Monsieur le président, pour saluer la capacité des huissiers de justice à relever les défis de la modernité.

Je me suis engagé dès mon arrivée pour que les textes très attendus par votre profession puissent aboutir au Parlement : c’est désormais chose faite, la loi dite « Béteille » du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires et la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires et juridiques vous ont ouvert de nouvelles perspectives.

Je mettrai le même engagement à soutenir les projets en cours qui participent au  renforcement de la sécurité juridique, de la simplification des procédures et de la modernisation des professions.

I. Ces deux lois majeures répondent à nombre de vos aspirations pour la modernisation de votre profession et renforcent l’efficacité de votre action pour le plus grand bénéfice des justiciables.

 

1. L’État a le devoir de garantir aux citoyens l'exécution des décisions de justice ; et, je veux le rappeler, la contribution des huissiers de justice à cette mission est essentielle.

Il fallait impérativement remédier aux obstacles, qui en pratique vous empêchaient d’exercer pleinement vos compétences de signification et d’exécution en vous autorisant à accéder aux parties communes des immeubles d'habitation ou encore  en vous permettant de solliciter les administrations pour connaître l’adresse d’un débiteur sans plus avoir besoin d’une autorisation du procureur de la république. C’est chose faite.

La loi dite « Béteille » a simplifié les procédures pour vous permettre de procéder à des mesures conservatoires après un décès ou de reprendre des locaux abandonnés par leur locataire.

Vous êtes donc plus que jamais les maîtres d’œuvre de l’exécution forcée.

Le mouvement en faveur de la dématérialisation de la signification constitue un pas supplémentaire dans ce sens. La loi confie à votre Chambre nationale la tenue du nouveau système central de recueil des consentements des destinataires des actes électroniques. Et je ne doute pas de la réussite du futur Réseau privé sécurisé des huissiers, car la communication électronique est au cœur de votre action, Monsieur le Président.

Ces avancées sont primordiales. Elles s’inscrivent dans un mouvement plus large de réforme du droit de l’exécution souhaitée par le gouvernement.

Le droit des procédures civiles d’exécution méritait qu’un code, votre code, lui soit consacré : il devrait voir le jour d’ici la fin de l’année grâce à l’habilitation que le Parlement nous a accordée. Cette démarche en faveur de l’accessibilité et de la lisibilité est indispensable en droit de l’exécution et je sais combien elle est chère à votre profession ; c’est donc très naturellement que vos représentants sont associés à ces travaux d’ampleur.

Par ailleurs, de nouvelles perspectives se dessinent pour votre profession :

- Comme je m’y étais engagé au Sénat lors de l’examen du projet de loi « Guinchard », une expertise -à laquelle vous avez contribué - est en cours qui pourrait conduire à confier à l’huissier de justice la mission de percevoir et de répartir les fonds perçus au titre d’une saisie des rémunérations. Je crois que le dispositif est réalisable mais il conviendra qu’il soit équilibré et juste pour les parties.

- Par ailleurs, vos compétences en matière comptable justifient que vous puissiez assister le greffier dans le contrôle des comptes de gestion des majeurs en tutelle ou curatelle. Le projet de décret, élaboré en étroite collaboration avec les représentants de la Chambre nationale, sera très prochainement transmis au Conseil d’Etat.

- Enfin, l'huissier de justice, professionnel expérimenté en contact permanent avec les justiciables est bien souvent amené à jouer un rôle de conciliateur : il apparaissait dès lors naturel de vous permettre d’exercer en qualité de médiateur.

2. Vous souligniez, Monsieur le président, que votre statut d’officier public et ministériel est votre première force. Je veux le dire, c’est aussi notre conviction, c’est en effet par ce statut que vous contribuez à renforcer la sécurité juridique de nos concitoyens, c’est par ce statut que les actes que vous accomplissez acquièrent toute leur autorité. Voilà pourquoi, nous avons veillé à ce que dans toutes les réformes menées, ce statut ne soit pas remis en cause, et même qu’il soit renforcé.

- Renforcement de la force probante de vos constats qui, excepté en matière pénale, fera désormais foi jusqu’à preuve contraire : il était légitime que cet acte, établi par un officier public et ministériel, soit doté d’une valeur probatoire plus importante.

- Renforcement de vos compétences et de votre déontologie avec l’obligation de formation continue et une discipline désormais régionalisée. Je me réjouis aussi que votre chambre nationale se soit engagée, comme le prévoient les nouveaux textes, dans la définition d’un règlement des usages de la profession.

- Renforcement enfin de votre chambre nationale grâce notamment à la révision de vos modes de représentation et à sa capacité d’ester en justice pour défendre l’intérêt collectif de la profession.

II. Les réformes ainsi menées ont permis de consolider votre cœur de métier, elles ont aussi constitué une étape pour moderniser l’exercice de la profession et lui donner les meilleurs moyens de relever les défis de notre temps.

Je citerai trois exemples :

- La possibilité ouverte d’exercer la profession en qualité de salarié ; cette avancée était attendue car elle permet de renforcer l'attrait des jeunes diplômés et constitue un moyen efficace de promotion interne pour le personnel grâce à une valorisation des parcours et des compétences.

- L’assouplissement des modalités d’accès à votre profession : nous le savons, l’exercice des fonctions d’huissiers suppose un premier investissement qui n’est pas toujours évident pour ceux qui entrent dans la profession mais aussi des investissements ultérieurs. C’est pourquoi, la loi du 28 mars 2011 permet à la caisse de prêts de la chambre nationale d'accorder des prêts tant aux aspirants aux fonctions d’huissiers qu’aux huissiers en activité pour leur permettre d’acquérir une étude individuelle ou des parts sociales.

- L’inter professionnalité de type capitalistique sous la forme de société de participations financières de professions libérales constitue enfin une opportunité pour les professions du droit et du chiffre de mettre en commun leurs capitaux et leurs services, pour parvenir à faire des économies d’échelle tout en offrant un service plus complet aux usagers. Je crois fermement qu’une telle collaboration entre les professions est un élément indispensable à votre expansion future.

III. Comme vous pouvez le constater, beaucoup a été fait ces derniers mois pour moderniser la profession et son cadre d’action. Je sais toute votre vigilance sur ces évolutions, et toute votre contribution pour nous permettre de définir des solutions adaptées.

 

C’est pourquoi j’ai toujours accordé une grande importance à vos demandes et je me suis attaché, depuis mon arrivée au ministère il y a 7 mois, à y apporter des réponses claires.

1-  J’entends bien vos inquiétudes et vos interrogations, que vous avez d’ailleurs rappelées, Monsieur le président, sur les audiences pénales. Sachez que j’y ai accordé la plus grande attention.

J’ai ainsi demandé dès notre rencontre le 1er décembre dernier qu’un groupe de travail soit constitué afin de mettre à plat l’ensemble des difficultés que vous rencontrez en ce domaine : ces réunions ont été l’occasion de mieux définir et de revaloriser le rôle de l’huissier à l’audience. Ainsi, la rationalisation de votre temps de présence aux audiences et l’harmonisation des pratiques des juridictions ont été au cœur des réflexions. Ces travaux ont abouti, comme vous l’indiquiez Monsieur le président, et ont permis la rédaction d’une convention-cadre entre la Chancellerie et votre profession.

Parallèlement à ce groupe de travail, l’engagement pris devant vous en mon nom lors des 26èmes journées de Paris en faveur d’une revalorisation significative de la tarification des missions des huissiers audienciers a été mené à bien. J’ai en effet transmis à François BAROIN, ministre chargé du budget, le projet de décret permettant de concrétiser cette avancée. Sa publication ne devrait donc plus qu’être une question de semaines.

Je me réjouis que nous soyons parvenus sur ces deux thèmes importants à atteindre les objectifs que nous nous étions fixés.

2- Enfin, il ne m’a pas échappé que certaines dispositions de la proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ont pu vous inquiéter.

En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a choisi de ne pas figer dans la loi la définition de l’activité accessoire de ventes volontaires, que votre profession a toujours été autorisée à mener. La définition proposée par le Sénat fixant un pourcentage fixe du chiffre d’affaires de l’office, hors ventes volontaires, n’a en effet pas été maintenue. Cet équilibre, qui respecte la place de chacune des professions, me paraît des plus satisfaisants.

Pour mémoire, à compter du 1er janvier 2013 les huissiers de justice exerçant depuis moins de deux ans l’activité accessoire de ventes volontaires de meubles devront respecter une obligation de formation qui sera définie par voie réglementaire, ce qui vous permettra de travailler à nouveau avec mes services pour en définir le contenu.

Dans l’attente des résultats de la commission mixte paritaire, au début du mois de juillet, soyez assuré du soutien du Gouvernement sur ce texte.

***

La profession d’huissier occupe une place centrale dans le fonctionnement de l’institution judiciaire car l'Etat lui a confié des missions essentielles. Je veux vous exprimer toute ma reconnaissance pour votre engagement au service de la justice et pour la bonne intelligence dans laquelle nous avons mené et nous mènerons encore les réformes.

C’est grâce à ces évolutions que votre profession conservera sa vitalité, et que nous œuvrerons à la qualité et à l’efficacité de notre justice. Mais notre action ne s’arrête pas à nos frontières et je veux saluer l’esprit d’ouverture de votre profession qui n’a pas hésité à se rendre en Chine pour promouvoir le modèle français d’exécution des décisions de justice.

Depuis le 1er janvier 2011, vous participez au Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, instrument essentiel de coopération au sein de l'Union ; le portail e-justice européen est pour vous un instrument connu et incontournable. Je sais que vous participerez au sein du Réseau avec enthousiasme, afin de contribuer à la construction d’un espace de liberté, de sécurité et de justice européen.

Je me réjouis de votre dynamisme. Sachez que je soutiendrai vos actions pour la promotion de votre profession et à travers elles pour la promotion de notre droit continental.

Je vous remercie.