[Archives] Assemblée Générale de la Conférence des Bâtonniers

Publié le 30 janvier 2004

Discours du Garde des Sceaux

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14 minutes

Monsieur le Président,
Monsieur le Bâtonnier,
Mesdames et Messieurs,

Je veux d'emblée vous remercier de m'accueillir à nouveau à votre assemblée générale statutaire.

J'en suis d'autant plus heureux que c'est aujourd'hui l'occasion de saluer le Président CHAMBEL, au terme de son mandat, et de vous dire ma volonté de poursuivre avec vous, Monsieur le Président WICKERS, le dialogue engagé avec lui.

Au nom de la communauté des Bâtonniers, vous avez su, monsieur le président CHAMBEL, porter haut la parole d'une profession vigilante, attentive à préserver ses valeurs, au premier rang desquelles l'éthique.

C’est animé de cet idéal que, tout au long de votre mandat, vous avez entretenu avec moi une concertation soutenue, avec la volonté d’initier ou d’accompagner les changements nécessaires.

Nous avons eu à débattre de sujets difficiles, vous l'avez fait sans concessions dans le respect d'un dialogue sincère et véritable. Soyez-en remercié.

Nous avons également connu ensemble des moments forts, je pense bien évidemment tout particulièrement au centenaire de votre Conférence, célébré avec éclat.

Monsieur le Président Wickers, vous ouvrez votre mandat par une interpellation exigeante.

Je ne me déroberai pas.

Avec le même souci d'un dialogue franc et constructif, nous sommes appelés ensemble à travailler à l'amélioration des services de la justice.

Avant toute autre chose, je veux donc vous présenter mes vœux de pleine réussite dans vos nouvelles fonctions.

Vous l'avez dit les préoccupations de votre profession sont nombreuses, mais bien des réalisations positives sont désormais acquises.

Je rappellerai en quelques mots que la réforme du statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, au premier rang desquelles les avocats, définitivement adoptée hier par le Parlement sans opposition, marque un progrès décisif dans l'adaptation de votre profession aux exigences de notre temps.

Comme je l'ai dit hier devant la représentation nationale au Sénat, ce texte est le pivot d'une compétence accrue et d'une confiance renouvelée.

Compétence accrue : la formation est adaptée aux évolutions du droit.

Confiance renouvelée : la déontologie et la discipline sont renforcées.

Le défi est bien pour votre profession de s'adapter, sans perdre son identité, ni renoncer à ses valeurs. La loi nouvelle vous donne les moyens d'y faire face.

Cette double exigence était également au cœur des réflexions qui nous ont guidés pour la transposition de la directive anti-blanchiment, que la loi vient de réaliser : je souhaite m’y arrêter quelques instants.

SUR LE BLANCHIMENT D'ARGENT

J’évoquais déjà devant vous, l’année dernière, la lutte indispensable que nous devons mener contre le blanchiment des capitaux issus de la criminalité et la nécessaire transposition de la directive du 4 décembre 2001, qui associe à cette lutte diverses professions non financières.

J’évoquais également les difficultés de cette transposition, d'une particulière acuité compte tenu de la spécificité du secret professionnel qui prévaut dans la relation entre l’avocat et son client.

J’ai donc engagé avec vous une intense concertation afin que ces impératifs soient conciliés.

Le texte qui vient d’être adopté réalise un juste équilibre. Il atteint les objectifs fixés par la directive tout en tirant profit des latitudes qu’elle offre pour aménager un régime particulier aux avocats.

Un nouvel article est ainsi introduit dans le code monétaire et financier, qui fixe le cadre, les modalités et, surtout, les limites de la déclaration de soupçon que les professionnels pourront être conduits à souscrire.

Les catégories d’activité pouvant donner lieu à déclaration sont limitativement énumérées et nettement circonscrites.

S’agissant de la profession d’avocat, seule la rédaction d’actes entre dans le champ d’application de ce texte. Sont de ce fait exclues non seulement les informations recueillies à l’occasion de l’activité judiciaire de l’avocat, mais aussi celles qui le sont dans le cadre d’une consultation juridique.

Les bâtonniers que vous êtes ont en outre été placés au cœur de ce processus puisqu’ils ont compétence pour recueillir les déclarations de soupçons et apprécier leur transmission à TRACFIN.

Enfin, comme le permettait la directive et conformément aux souhaits exprimés par votre profession, les avocats ont été exclus du champ d’application de l’article L574-1 du code monétaire et financier qui pénalise le fait de porter à la connaissance d’un client l’existence d’une déclaration de soupçon faite à son sujet.

Comme vous l’avez souligné, la question du secret professionnel est celle de la relation de confiance entre l’avocat et son client.

Ces nouvelles dispositions permettront de maintenir cette relation de confiance mais également d’instaurer la nécessaire distance avec un client qui chercherait à faire de son avocat l’instrument d’une opération délictueuse.

SUR L'ENVIRONNEMENT EUROPEEN

Plus largement, si la transposition de la directive « anti-blanchiment » a conduit à engager une réflexion sur la conception du rôle de l’avocat, cette réflexion doit être poursuivie à l’aune des initiatives européennes et internationales récentes.

Vous avez exprimé les inquiétudes qu'ont suscité d'une part la publication, par la Banque mondiale, de l’étude "doing business" et d'autre part les déclarations récentes du commissaire européen Mario Monti.

C’est prioritairement la volonté affichée de la Commission Européenne, et plus précisément de la Direction Générale "Marché Intérieur", d'atteindre les objectifs fixés lors du Conseil de Lisbonne en matière d’achèvement du marché intérieur des services, qui doit concentrer notre attention et mobiliser notre réflexion commune.

Le collège des commissaires européens a en effet adopté, le 13 janvier dernier, une proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur.

Cette proposition fait suite au rapport de la Commission, publié le 30 juillet 2002, qui a dressé l’inventaire des frontières qui subsistent dans ce marché intérieur près de dix ans après la date prévue pour l’achèvement de ce marché.

Applicable à l’ensemble des services fournis par les prestataires établis dans un Etat membre, cette directive cadre concernera sans aucun doute les avocats.

Je connais votre attachement au caractère libéral de votre profession et votre volonté de garantir aux usagers du droit des services de qualité.

Je connais également votre souci d’adapter votre profession aux modifications de l’environnement économique et plus particulièrement à ses aspects internationaux.

Les exigences du marché ne nous feront pas faire oublier les valeurs d’une profession qui appartient depuis toujours à la famille judiciaire. Au contraire, les errements qui ont conduit à certains scandales financiers rendent plus que jamais nécessaire le renforcement de la déontologie dont les ordres sont les gardiens.

C’est pourquoi j’ai souhaité que soit dès maintenant engagée, autour du directeur des affaires civiles et du Sceau, la concertation qu'appelle l'examen de ce projet de la Commission. Une première réunion a déjà eu lieu, associant l'ensemble des professions judiciaires et juridiques.

Il est convenu que chacun approfondisse l'analyse des répercussions de ce projet sur nos réglementations professionnelles. D'autres réunions suivront, car la négociation de cette proposition de directive nécessitera un travail de longue haleine.

Tout au long de cette négociation, notre objectif sera clair : il conviendra qu' un juste équilibre puisse être trouvé entre nos engagements européens et la défense des fondements même de votre éthique professionnelle.

Vous avez souhaité évoquer la question du périmètre du droit.



SUR LE PERIMETRE DU DROIT

J'ai eu l'occasion de m'exprimer sur ce point, mais je veux aujourd'hui vous rappeler qu'en ce qui concerne les experts-comptables, seul l’article 2 de l’ordonnance du 19 novembre 1945 qui réglemente la profession d’expert-comptable sera modifié. Il consacrera le rôle de l’expert-comptable auprès du créateur d’entreprise « sous tous ses aspects comptables ou à finalité économique et financière ».

En revanche les dispositions de l’article 22 de cette même ordonnance, qui encadrent les conditions dans lesquelles les experts-comptables peuvent accessoirement donner des conseils juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, ne seront pas modifiées dans leur aspect juridique.

Je suis convaincu que la sécurité juridique est un des facteurs essentiels de réussite de la démarche entrepreneuriale, même si celle-ci obéit bien sûr largement à une logique économique.

Votre profession a très tôt compris que la confiance, qui est au cœur de son activité, est un vecteur de sécurité juridique et, par conséquent, de compétitivité des entreprises.

L’avocat est, plus que jamais, sollicité comme conseil par tous les acteurs économiques et, par son activité, il témoigne aussi de ce que l’économie doit demeurer soumise à la règle de droit.


SUR LA CLAUSE DE RECLAMATION DE LA VICTIME

Enfin, vous avez traduit les préoccupations de vos confrères relatives à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions du code des assurances introduites par la loi du 1er août 2003, dite de sécurité financière, qui légalisent les clauses fondées sur la « réclamation de la victime ».

Ces préoccupations portent notamment sur le risque, pour des avocats et donc pour leurs clients, de se voir opposer des refus de garantie, par exemple en cas de changement d’assureur, ou après un départ à la retraite.

Pour répondre aux légitimes interrogations des professionnels, face à une situation nouvelle, le Gouvernement travaille dans deux directions : d’une part, l'adaptation des délais de prescription en matière de responsabilité civile, d’autre part, la définition du délai de la garantie subséquente prévue par loi « sécurité financière ».

Comme vous le savez, l’assureur doit garantir les sinistres se révélant après l’expiration ou la résiliation du contrat liant, par exemple, l'avocat à son client. Le délai minimum de cette garantie subséquente a été fixé par la loi à cinq ans. Or, dans le domaine des professions judiciaires ou juridiques, il arrive que la découverte du sinistre soit tardive.

C’est pourquoi, le Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie élabore actuellement, en concertation avec mes services, un projet de décret, concernant notamment les avocats, afin de porter ce délai de garantie à dix ans.

S’agissant de la prescription des actions en responsabilité civile professionnelle, je suis loin d’être opposé à une réforme allant dans le sens de l’alignement du délai existant en matière de prestations juridiques, sur celui prévu par l’article 2277-1 du code civil, en matière judiciaire. Cependant, un tel sujet qui touche à une question fondamentale de notre droit des obligations mérite, vous en conviendrez avec moi, une réflexion plus globale. C’est pourquoi, j’ai demandé à une commission composée de hauts magistrats de me faire des propositions de réforme, dans le sens d’une meilleure harmonisation des délais de prescription.

Nous aurons donc l’occasion d’en reparler ensemble dans les prochaines semaines.
Cette pressante invitation à réfléchir sur la réglementation des professions libérales, avec les interrogations qu’elle fait naître, constitue sans doute l’élément de contexte qui vous a déterminé, Monsieur le Président, à situer l’indépendance de l’avocat au premier rang de vos préoccupations.

Attribut essentiel de la profession, l’indépendance est le principe sur lequel repose, dans sa plénitude, l’exercice du métier d’avocat.
Mais, comme vous le soulignez, ce principe ne renvoie pas à un privilège, il exprime un devoir fondamental de l’avocat, celui de défendre son client en toute indépendance.

Vous citez à cet égard l’un des attendus de la Cour de justice des communautés européennes qui confirme de son autorité l’idée selon laquelle tout avocat, par son indépendance, sert et garantit l’intérêt exclusif du client.

LE TARIF MINIMUM

Or, dans un marché régi par les seules règles de la concurrence, le principe de l’honoraire libre peut faire échec, dans certaines situations, à l’indépendance économique de l’avocat.

Cette constatation paradoxale en rejoint une autre : en raison même de l’indépendance attachée à son statut, l’avocat est placé dans une situation de moindre résistance vis-à-vis d’acteurs économiques qui, détournant ce principe à leur profit, imposent à de nombreux cabinets de travailler aux limites de la rentabilité.

Dès lors, pour remédier à la pratique de ces rémunérations imposées en vertu de la seule loi du marché, vous estimez que l’intervention des pouvoirs publics définissant un tarif minimum réglementaire, serait opportune.

Vous invoquez à cet égard l’opinion exprimée majoritairement par les barreaux « en faveur d’un dispositif protecteur venant limiter les dangers de la liberté de l’honoraire ».

En effet, des voix se sont élevées parmi vous pour réclamer une réforme globale du système de rémunération des prestations des avocats, dont l’axe consisterait à demander aux pouvoirs publics l’instauration d’un minimum légal garanti, sans sacrifier le principe de liberté de l’honoraire.

Or, plusieurs d’entre vous s’inquiètent des effets collatéraux qu’aurait une telle réglementation. Quoique minimum, ce tarif constituerait rapidement un tarif maximum, ou à tout le moins une référence attractive pour la détermination de l’ensemble des honoraires.

En tout état de cause, vous entendez que la réflexion sur ce thème, entreprise au sein du Conseil national des barreaux, se poursuive et s’achève afin qu’une position unitaire soit exprimée auprès des pouvoirs publics.

Soyez assuré, Monsieur le président, que j’attends avec intérêt le résultat de ces travaux et que les propositions qui me seront présentées seront accueillies avec la plus grande attention, de manière à donner une issue satisfaisante à ce dossier très délicat.

SUR L’AIDE JURIDIQUE

Vous soulignez à juste titre que votre nécessaire indépendance ne peut être considérée indépendamment des conditions économiques de votre activité.

L’amélioration de la rétribution des avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle demeure une des priorités de la législature. Je veux le rappeler, sur ce plan, la situation de votre profession ne peut être appréciée qu’à la lumière des actions entreprises et des résultats atteints.

Conformément aux objectifs que je m’étais fixés et aux principes posés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, les travaux engagés en vue d’une meilleure rémunération des missions d’aide juridictionnelle se sont poursuivis en 2003.

Ils ont donné lieu au décret du 5 septembre 2003 qui met en œuvre la majoration du nombre d'unités de valeur pour quinze procédures qui ne figuraient pas dans le protocole du 18 décembre 2000. Il s’agit de domaines aussi importants que les instances au fond devant le tribunal de grande instance, le tribunal de commerce ou la Cour d’assises par exemple.

D’autres dispositions valorisant vos interventions ont été adoptées au cours de l’année 2003. En raison de leur importance, j’ai d’ailleurs tenu à vous en informer personnellement, en fin d’année.

Permettez-moi, Monsieur le Président, de rappeler quelques résultats qui contredisent les chiffres que vous indiquez.

L’effort budgétaire résultant du décret du 5 septembre 2003 représente à lui seul 11,3 Millions d'Euros ; s’y ajoutent les 4,5 Millions d’Euros que j’ai fait inscrire au projet de loi de finances pour 2004, pour une première revalorisation de l’unité de valeur. Ce qui aboutit à une amélioration de plus de 50% depuis fin 2000 de la rétribution des avocats.
Par ailleurs, on ne peut raisonner uniquement à partir des données budgétaires ; il faut également considérer le montant des sommes versées par l’Etat aux C.A.R.P.A au titre de l’aide juridictionnelle.

Entre 2000 et 2003, les dotations d’aide juridictionnelle versées aux C.A.R.P.A. ont augmenté de 47%, passant de 143 Millions d’Euros en 2000 à 210 Millions d’Euros en 2003 (la hausse atteignant 25% pour la seule année 2003) tandis qu’au cours de ces trois années, les admissions à l’aide juridictionnelle n’ont progressé que de 9,6%.

Pour autant, ces avancées n’épuisent pas la nécessité de poursuivre, en concertation étroite avec votre profession, la modernisation du dispositif d’aide juridictionnelle.
A cet égard, je n’ignore pas que certains d’entre vous peuvent être confrontés, aux difficultés résultant des délais d’instruction des demandes par quelques Bureaux d’aide juridictionnelle.

Afin de réduire ces délais, des mesures de simplification ont d’ores et déjà été adoptées : suppression de l’évaluation de l’hébergement gratuit comme avantage en nature, harmonisation des pratiques en matière d’admission des mineurs délinquants, unification du traitement des allocations logement dans l’appréciation des conditions de ressources.

Il ne s’agit là que d’une première étape. Une voie beaucoup plus vaste nous est ouverte par le projet de loi habilitant le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance en vue de simplifier les conditions d’attribution et les effets de l’aide juridictionnelle. Par les mesures qu’il permettra, le texte à venir, devrait concourir à alléger les contraintes du dispositif.

Je voudrais dissiper un autre malentendu sur le thème que vous avez évoqué de l’admission à l’aide juridictionnelle des copropriétés en difficultés.

Il ne s’agit en aucun cas d’une admission sans condition de ressources, celle-ci ne pouvant intervenir qu’à titre exceptionnel et dans des hypothèses strictement encadrées, comme l’ont souhaité d’ailleurs vos représentants au Conseil national de l’aide juridique.

SUR LE PROJET DE LOI PORTANT ADAPTATION DE LA JUSTICE AUX EVOLUTIONS DE LA CRIMINALITE

Vous avez enfin souligné avec vigueur les préoccupations des barreaux à l’égard du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, en relevant qu’il y avait là matière à débat.

Je ne vous contredirai pas sur ce dernier point, moi qui ai précisément pris l’initiative d’ouvrir ce débat il y a maintenant plus d’un an, je le rappelle, en décembre 2002.

La concertation avec les partenaires naturels de la Chancellerie, le débat pluraliste devant l’opinion, quatre lectures successives du projet devant le Parlement, ce sont là à mes yeux autant de formes du débat républicain et démocratique dont on ne peut pas, Monsieur le Président, balayer l’existence d’un seul mot.

Ce projet, qui introduit des procédures nouvelles en matière de recherche et d’administration de la preuve pénale, repose sur deux grands principes désormais inscrits dans l’article préliminaire du code de procédure pénale :

Premier principe : la proportionnalité :
La possibilité d’utiliser certaines procédures est désormais fonction, non plus du cadre juridique (enquête de flagrance ou préliminaire, information judiciaire) mais dépend du degré de gravité de l’infraction .

C’est la raison pour laquelle la liste des infractions qui relèveront de la criminalité organisée a été établie avec le plus grand soin, les contacts nombreux avec les barreaux m’ayant d’ailleurs conduit à segmenter cette catégorie en deux : les infractions de criminalité organisée portant atteintes aux personnes et celles portant atteinte aux biens.

Deuxième principe : le contrôle du juge (la garantie judiciaire)

Le recours aux procédures d’enquête les plus coercitives devra être autorisé soit par le juge d’instruction, soit par la juge des libertés et de la détention, soit même parfois par les deux (exemple : sonorisation nécessitant l’entrée dans un domicile en dehors des heures légales : nouvel art. 706-97 alinéa 2 du CPP).

Dans vos propos, Monsieur le Président, vous avez stigmatisé le juge des libertés et de la détention, présenté comme un juge aux mains du parquet.

J’ai bien souvent entendu ces critiques sur le juge des libertés et de la détention : un juge sans pouvoirs, un juge alibi, un juge ignorant du dossier …

Mais je ne peux tolérer qu’on jette ainsi l’opprobre sur un juge et donc sur l’acte de juger et sur la justice elle-même.

Dois-je rappeler que le juge des libertés et de la détention, cette institution nouvelle de notre procédure pénale, était paré de toutes les vertus lors de son apparition le 15 juin 2000 ?

Dois-je surtout - devant vous - rappeler par qui son arrivée était le plus applaudie ?

Devrais-je ici me faire le défenseur d’un dispositif qui rend possible une pluralité de regards judiciaires sur un même dossier ?

Vous m’avez également reproché – et je relève au passage l’ironie du paradoxe – de ne pas être allé aussi loin que nos partenaires européens dans les mesures permettant de s’en prendre au patrimoine des organisations criminelles.

Il se trouve précisément que mon projet - dont je ne saurais décidément jamais trop recommander la lecture - prévoit des mesures spécifiques :

  • pour développer l’approche patrimoniale des organisation criminelles, par un recours facilité au délit de non justification de ressources, qui est étendu à l’extorsion de fonds, dont on sait le rôle qu’elle prend dans le financement de groupes mafieux ou terroristes ;
  • pour généraliser à l’ensemble des infractions entrant dans le champ de la criminalité organisée la prise de mesures conservatoires sur l’ensemble des biens de la personne mise en examen.


Vous vous êtes enfin interrogé, Monsieur le président, sur ce que venais faire l’institution de la comparution après reconnaissance préalable de culpabilité dans cet édifice consacré à la criminalité organisée.

Je vous répondrai qu’adapter notre justice pénale aux évolutions de la criminalité, c’est se consacrer à la mise à niveau de nos institutions face aux formes nouvelles de criminalité, internationales et professionnalisés, mais c’est également veiller à améliorer le fonctionnement général de la justice et la qualité du service rendu aux français.

A cet égard, la comparaison entre le volume des affaires transmises aux parquets et la capacité des juridictions correctionnelles impose de diversifier les modes de réponse pénale.

C’est là le moyen d’accroître le rôle de la justice et donc la place du droit dans notre société.


CONCLUSION

Parvenant au terme de mon propos, je veux vous redire, monsieur le président Wickers, que vous me trouverez toujours prêt à poursuivre le dialogue que j’ai souhaité placer au cœur de l’action de rénovation de la justice que j’ai entreprise.

Ministre du droit, je veux croire que ce dialogue avec les hommes de droit que vous êtes sera toujours loyal et constructif.

Je sais que ce langage commun ne garantit pas à lui seul, bien sûr, la convergence immédiate des opinions et des points de vue et, d’une certaine façon, cela va bien ainsi.

Il constitue en revanche un gage sérieux de réussite dès lors que ce dialogue s’instaure entre des hommes et des femmes de bonne volonté et je ne doute pas un instant de la vôtre. Je vous demande de croire à la mienne.

L’heure est donc venue de vous souhaiter bon courage pour la tâche qui vous attend à la tête de votre prestigieuse conférence et de vous dire à bientôt. Mon souhait : de nombreux contacts pour de fructueux échanges.

Je vous remercie.