[Archives] Assises Nationales des Commissaires aux Comptes

Publié le 01 décembre 2005

Intervention du Garde des Sceaux

Temps de lecture :

8 minutes

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,


C’est avec un grand plaisir que je me joins à vous ce matin, à l’occasion de vos assises nationales.

Vous consacrez celles-ci au rôle du commissaire aux comptes dans la croissance des entreprises, en abordant notamment la question de l’audit des PME. Je suis particulièrement sensible à ce choix.
Je suis en effet attaché au maintien du contrôle légal des comptes dans les PME et je tiens à ce que la fonction d’audit y soit préservée, non seulement dans son principe, mais encore dans sa mise en œuvre.

Je considère en effet que le commissaire aux comptes a un rôle important à jouer auprès de ces entreprises.

Pour être crédible, sa mission ne doit pas faire l’objet d’adaptations ou de simplifications au prétexte que les sociétés concernées seraient de moindre taille. Une telle approche ne pourrait que nuire à la crédibilité de l’audit en laissant penser à l’existence d’un contrôle légal des comptes minoré. Aussi, à une époque où certains cherchent à privilégier des options de simplification, il me paraît plus que jamais nécessaire de réaffirmer l’indispensable unité du commissariat aux comptes.

Au-delà de cette question, notre rencontre me paraît importante à deux égards. Elle marque d’abord le lien naturel entre votre profession et le ministère de la justice, qui en assure la tutelle et constitue, à ce titre, votre interlocuteur privilégié. Elle l’est également parce que, dans une période charnière pour le commissariat aux comptes, elle nous donne l’occasion de regarder ensemble le chemin parcouru depuis vos dernières assises et d’aborder les enjeux pour les mois à venir.

Cette année fut, de fait, particulièrement riche en réformes pour votre profession. Trois textes d’envergure sont venus compléter le dispositif mis en place par la loi de sécurité financière.

Le décret du 12 août 1969, qui réglemente le commissariat aux comptes, a tout d’abord été modernisé par le décret du 27 mai 2005. Je me félicite de la collaboration entre la Compagnie nationale et mes services dans la conduite de cette réforme, qui a permis l’élaboration d’un texte équilibré dont l’application ne soulève aucune difficulté.

L’ordonnance du 8 septembre 2005 a quant à elle réformé le code de commerce afin d’assurer, par un travail de codification, une meilleure lisibilité des dispositions relatives au contrôle légal des comptes. Elle permet ainsi d’affirmer les règles sur le contrôle légal des comptes pour toutes les sociétés, associations et autres personnes auprès desquelles le législateur a souhaité vous donner la mission essentielle de certification. A cette occasion, les règles d’indépendance du commissaire aux comptes ont été reconnues.

Ce texte a également reconnu au Haut Conseil du commissariat aux comptes la possibilité de passer des accords de coopération avec les autorités étrangères exerçant des compétences analogues.

Ces accords permettront de vous assurer une meilleure sécurité juridique à l’égard des autorités des autres Etats.

Cette ordonnance a également ouvert la voie à une réforme de la formation, en créant le certificat d’aptitude aux fonctions de commissaire aux comptes.

Enfin, le décret du 16 novembre 2005 a approuvé le Code de déontologie de votre profession. Il est venu préciser de façon concrète les conditions de l’indépendance du commissaire aux comptes, que celui-ci exerce individuellement ou en réseau.

Ce texte a fait l’objet d’une vaste concertation. Il tient compte de l’avis très détaillé rendu par le Haut Conseil du commissariat aux comptes. Il a fait l’objet d’un examen attentif par le Conseil d’Etat, qui a confirmé sa parfaite conformité à la loi et au projet de directive en cours d’adoption sur le contrôle légal des comptes.

Ce Code constitue un outil pratique qui permettra aux professionnels de mieux apprécier les contours et les modalités de mise en œuvre de leurs missions.

Il définit les principes généraux de comportement que doit respecter tout commissaire aux comptes. Il précise les situations interdites et prévoit une approche responsable du professionnel qui, face à une situation à risque, doit prendre les mesures de sauvegarde qui s’imposent.

Des règles spécifiques déterminent les situations dans lesquelles l’indépendance du commissaire aux comptes est affectée lorsqu’il appartient à un réseau. Je sais que ces règles ont suscité des interrogations, voire des craintes de la part de certains. Elles n’en sont pas moins nécessaires alors que la presse se fait l’écho de nouveaux scandales. Dans ce contexte, nous nous devons de promouvoir une approche exigeante. Il en va de la crédibilité de la fonction d’audit.

Pour autant, la discussion doit se poursuivre entre les professionnels et notamment ceux de votre département APE avec la chancellerie. Mon objectif est que les attentes des commissaires aux comptes, celles de tous les commissaires aux comptes, soient prises en considération.

Le Code a enfin procédé à la stricte transposition du droit européen pour encadrer le recours à la publicité individuelle. Cette réforme a été faite en s’entourant de toutes les garanties compatibles avec nos obligations communautaires.

La rédaction retenue précise que la publicité ne doit pas porter atteinte à l’indépendance, à la dignité et à l’honneur de la profession, pas plus qu’aux règles du secret professionnel, et à la loyauté envers les clients et les autres membres de la profession. Le démarchage est quant à lui formellement interdit. Ces orientations sont proches de celles existantes pour les avocats.

Je souhaite également répondre à deux interrogations de la profession. S’agissant de l’article 14, il laisse entière la possibilité offerte à la compagnie de publier des éléments de doctrine. Dénués de valeurs normatives mais forts de l’autorité de la compagnie, ceux-ci contribuent à améliorer l’autorité des professionnels.

S’agissant de la définition des réseaux, je crois nécessaire qu’elle n’englobe pas les associations techniques de commissaires aux comptes, c'est ce que précise le décret portant code de déontologie.

Au total, ce code constitue une étape essentielle pour votre profession dont il devrait contribuer à accroître la crédibilité.
Les prochains mois nous permettront d’évaluer sa mise en œuvre. A cette fin, un groupe de suivi sera mis en place, sous l’égide du Directeur des affaires civiles et du sceau, afin d’observer la mise en œuvre de ce dispositif et d’en étudier le cas échéant les conséquences. Là encore, je souhaite que toutes les composantes de votre profession y trouvent leur place.

Voici le chemin parcouru durant cette année, particulièrement riche en réformes. Qu’en est-il maintenant de l’avenir et des perspectives pour les prochains mois ?

Sur bien des points, nous vivons une période de transition. Cette observation est particulièrement vraie s’agissant des normes d’exercice professionnel. La loi de sécurité financière a prévu leur homologation par arrêté du Garde des sceaux, après avis du Haut Conseil du commissariat aux comptes.

Une première norme vient de faire l’objet d’un avis favorable par le Haut Conseil. C’est la première d’une longue série, puisque le Haut Conseil a été saisi de 47 normes sur lesquelles il devrait prochainement se prononcer.

Pour éviter tout vide juridique dans l’attente de la publication des nouvelles normes, le Code de déontologie a prévu un régime transitoire. Il reconnaît une valeur d’usage à l’ancien référentiel normatif rédigé par la Compagnie. Cette valeur d’usage est reconnue jusqu’à leur remplacement par de nouvelles normes et au plus tard jusqu’au 30 septembre 2006, date à laquelle les anciennes normes cesseront de pouvoir être prises comme référence.

Il convient donc que les normes homologuées les remplacent rapidement. Pour ce faire la Compagnie nationale doit s’attacher à permettre l’élaboration de ce référentiel afin de me permettre de le soumettre à l’avis du Haut Conseil. Le Haut Conseil doit alors instaurer un dialogue étroit avec la Compagnie notamment avec son président et la commission des normes.

C’est de ce dialogue que naîtra une compréhension mutuelle de nature à ce que les avis rendus appréhendent pleinement les projets de normes. Grâce à ce dialogue et cette commune volonté d’aboutir, je serai, fort de l’avis du Haut Conseil, en mesure d’homologuer les normes.

Cette question ne peut être dissociée du contexte international, puisque la Huitième directive sur le contrôle légal des comptes a prévu la reconnaissance au plan européen des normes internationales d’audit – les ISA.

La procédure dite de comitologie, qui permettra leur adoption, est en voie de définition. Ce processus est complexe. La question est d’autant plus délicate que sa mise place se double d’une redéfinition des normes par l’IAASB, à travers le projet « Clarity ». Tout ceci montre que les normes internationales ne seront pas validées avant longtemps.

Il est donc nécessaire de travailler dès maintenant à l’homologation des normes, sans attendre l’adoption des normes internationales par la Communauté européenne, afin que les commissaires aux comptes puissent conduire leur mission en toute sécurité juridique.

Il y a là un enjeu majeur pour l’ensemble de la profession. Je sais que la Compagnie s’attachera à en faciliter l’adoption et je serai particulièrement attentif à l’évolution de ce processus.

Je souhaite également que la France, dans un contexte international difficile, adopte des positions communes fortes afin que les acquis de la loi sécurité financière soient préservés lors de l’adoption de normes internationales qui doivent assurer un niveau suffisant d’exigence en matière d’audit.

Une autre question d’importance concerne l’élaboration du cadre réglementaire qui permettra la mise en place du nouveau dispositif de formation des commissaires aux comptes prévu par l’ordonnance du 8 septembre 2005.

Je sais que ce sujet a fait l’objet de nombreuses polémiques dans le passé. Le temps de l’apaisement et de la réflexion est désormais venu.

Alors que la réforme du diplôme d’expert comptable est bien avancée, il importe maintenant de définir ensemble un projet précis et cohérent pour le certificat d’aptitude aux fonctions de commissaire aux comptes. Nous sommes convenus, avec le ministère de l’éducation nationale, d’avancer ensemble sur la réforme de la formation des deux professions.

Le résultat de cette démarche et la possibilité de consacrer des passerelles du commissariat aux comptes vers l’expertise comptable dépendra de l’avancée de nos travaux sur la formation des commissaires aux comptes.

Je souhaiterais donc que les prochains mois nous permettent d’avancer rapidement ensemble. J’attends vos propositions.

En matière de contrôles, je sais que les liens entre le haut Conseil et la Compagnie nationale sont permanents. La loi a prévu une étroite collaboration entre ces deux institutions qui doivent, ensemble, dans la plus grande transparence, assumer les missions qui leur sont confiées.

Il y va de la crédibilité des contrôles opérés, au plan national mais aussi au plan international. Cette crédibilité permettra en effet à la France de négocier des accords de réciprocité dans la reconnaissance des contrôles.

Je vous demande donc instamment de travailler avec le Haut Conseil pour que cet objectif puisse être atteint.

Pour conclure, je dirais que votre profession a, depuis 2003, accompagné de nombreuses réformes. Je l’en remercie.

Ces réformes étaient indispensables afin de maintenir et de renforcer la crédibilité du commissariat aux comptes à la française. Elles nous placent en position de force au plan international.

Votre profession dispose désormais d’un corpus de textes cohérents, qu’il conviendra de compléter dans les mois à venir par un référentiel normatif homologué.

Ce cadre ainsi défini doit désormais être stabilisé. Le temps de sa modification est achevé. Il nous faut maintenant œuvrer ensemble pour faire vivre ce nouveau dispositif. Je compte sur les 15 000 membres de la profession pour relever avec nous ce défi.

Dans ce processus, la collaboration entre le Haut Conseil et la Compagnie me paraît essentielle. Les tensions qui résultent de toute création d’un organisme de contrôle doivent être dépassées.

Il y va de l’intérêt de votre profession qui doit au moment ou de forts enjeux européens se dessinent, avoir un discours solidaire avec les institutions de contrôle et de l’état.
A défaut de positions communes, la qualité du contrôle légal des comptes que défend la France ne pourra être reconnue au plan européen, avec toutes les conséquences que cela pourra entraîner pour la crédibilité du contrôle des comptes.

Je sais que votre Compagnie est consciente des enjeux qui attendent votre profession.

Je lui fais confiance pour relever les défis qui lui sont proposés. Je veux vous dire ma détermination pour y parvenir. Je serai tout particulièrement attentif à l’évolution de ces sujets au cours des prochains mois.

Je vous remercie de votre accueil.