[Archives] Congrès de SOS Attentats

Publié le 11 mars 2006

Discours de Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux

Temps de lecture :

6 minutes

Madame la Déléguée Générale,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux et ému de clôturer l’assemblée générale de « S.O.S. Attentats ».

Il y a vingt ans, votre association, notre association dirai-je même tant vous poursuivez un but d’intérêt général, était créée par des victimes du terrorisme.

Il y a vingt ans, le terrorisme frappait la région parisienne.

Il y a un peu plus de dix ans, le terrorisme s’attaquait de nouveau à la France.

Depuis 2001, il frappe partout, avec la même haine, avec la même absence de respect pour les hommes et les femmes, touchés dans leur chair, sans raison, au moment où ils s’y attendent le moins. Nos ressortissants, en particulier à Karachi, en ont été victimes.

En cette date symbolique, je voudrais d’abord rendre hommage à toutes les victimes du terrorisme.

Je voudrais saluer ceux qui, malgré leurs souffrances personnelles, ont œuvré jour après jour pour venir en aide à ces victimes.

SOS Attentats a apporté beaucoup aux victimes, présent dans les moments difficiles, comme dans les périodes d’accalmie, interlocuteur exigeants des pouvoirs publics, attentif aux droits et à l’indemnisation de tous ceux qui ont souffert.

Vous avez toujours fait preuve de courage et de dévouement. Devant vous, mon seul sentiment est celui de l’admiration.

C'est pourquoi, je tiens à vous exprimer, Mme RUDETZKI, M. PEYRAT, ainsi qu'à tous ceux qui accompagnent chaque jour l’activité de SOS ATTENTATS, la gratitude de la République.

En effet, vous rappelez sans cesse, au-delà des modes, les devoirs de la République à l’égard des victimes du terrorisme.

Devoir de mémoire bien entendu.

Des années après, les familles des victimes savent qu’elles peuvent compter sur vous tous pour ne pas laisser dans l’oubli ceux qui ont payé de leur vie l’aveuglement et le fanatisme de quelques uns. La cérémonie d’aujourd’hui n’est pas un congrès ordinaire, elle n’est pas seulement organisée autour d’une cause, elle est dédiée à toutes les victimes du terrorisme.

Devoir d’assistance, ensuite.

Lorsqu’un attentat survient, il est essentiel que les victimes puissent être immédiatement soutenues et accompagnées.

Votre association assure cette indispensable présence auprès des victimes, dès la survenance d’un attentat. En fournissant une assistance psychologique, une assistance juridique et un soutien aux familles, vous avez été des précurseurs, à une époque où la protection des victimes était moins développée qu’aujourd’hui.

Désormais, votre engagement est complémentaire de l’action des pouvoirs publics. Mais vous continuez à alerter l’Etat, notamment dans le respect de son devoir de solidarité nationale à l’attention de ceux qui en ont le plus besoin.

Vous le savez, il existe un régime spécifique d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme par le biais d’un fonds de garantie. Cet outil est précieux puisqu’il permet de secourir très rapidement les victimes d’attentats terroristes, de leur permettre de subvenir aux premiers frais auxquels elles sont confrontées et ensuite d’indemniser intégralement leur préjudice.

Votre association a d’ailleurs constamment enrichi les débats présidant à l’adoption des textes concernant l’indemnisation des victimes. Tout récemment encore, lors des travaux de la loi du 23 janvier 2006, vous vous êtes mobilisés en faveur des ayants-droit des victimes françaises d’actes de terrorisme commis à l’étranger. Celles-ci, lorsqu’elles n’avaient pas la nationalité française, se voyaient exclus de notre dispositif. Désormais, elles auront droit à une juste indemnisation.

Vous êtes tout aussi attentifs au devoir de diligence de la Justice dans les procédures criminelles et délictuelles liées au terrorisme, pourtant très complexes.

Le code de procédure pénale a d’ailleurs consacré l’action de SOS ATTENTATS puisque votre association est habilitée à se constituer partie civile dans les procédures engagées contre les auteurs de crimes de terrorisme et contre les membres des réseaux terroristes arrêtés en France.

Votre vigilance, votre souci de la vérité, votre exigence de Justice accompagnent positivement l’action publique.

Je pense enfin au devoir de respect de nos valeurs essentielles.

Chaque attentat terroriste est une atteinte insupportable à nos principes démocratiques et aux droits de l’homme. Comme en 1986, comme en 1995, vous savez pouvoir compter sur le gouvernement pour agir avec fermeté en faveur du droit à la vie et du droit à la sûreté, qui sont les premières des libertés.

En outre, la lutte contre le terrorisme s’inscrit aujourd’hui dans une dimension internationale où la voix de la France est entendue.

La France participe aux négociations engagées sur le plan international pour lutter contre le terrorisme et faire entendre la voix des victimes d’attentats.

A l’appui des textes, des coopérations nouvelles voient le jour. Je citerai à ce propos, les équipes communes d'enquête qui permettent une véritable stratégie d'investigation entre deux pays concernés par des mêmes faits.

La coopération franco-espagnole apparaît exemplaire dans le déploiement et la mutualisation de moyens afin de mieux lutter contre un fléau qui sévit des deux côtés des Pyrénées.

Très récemment encore, le 30 janvier 2006, la Chancellerie autorisait la constitution d’une équipe commune d’enquête avec l’Audienca Nacional, dans le cadre d’une information judiciaire ouverte début décembre 2005 à Paris et portant sur le démantèlement de réseaux d’extorsion de fonds organisés par l’ETA.

Je vous annonce que, depuis le 23 février dernier, une nouvelle équipe commune d’enquête vient d’être installée par la France et l’Espagne dans un très gros dossier de financement des actes de terrorisme.

Votre association est également présente sur ce terrain et œuvre pour faire progresser le droit international. La publication du "Livre noir" en 2002 a été une des étapes marquantes des relations que vous avez su développer avec l'ONU.

Depuis, l’ONU vous a conféré la qualité d'organisation non gouvernementale. Je tenais à saluer une action qui se déploie également auprès de la commission européenne, de la cour pénale internationale, et avec vos homologues internationaux.

Car, partout dans le monde, les actes terroristes doivent être combattus sans relâche et punis avec la plus grande sévérité.

Ainsi que je l’ai dit, le terrorisme est une atteinte aux droits de l'homme. Mais la lutte contre un tel fléau ne doit pas aller jusqu’à compromettre ces mêmes droits de l'homme. Les textes que nous avons adoptés montrent à l’évidence que nous pouvons prendre des dispositions efficaces et appropriées pour écarter la menace du terrorisme international tout en respectant et en sauvegardant nos valeurs.

La législation antiterroriste adoptée il y a vingt ans, (loi du 9 septembre 1986) a été régulièrement actualisée notamment, depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Très récemment, notre arsenal législatif a encore été renforcé par la loi du 23 janvier 2006.

Le terrorisme peut frapper en tous lieux. Ainsi la loi nouvelle entend privilégier la dimension préventive en autorisant le recours aux moyens modernes que sont la vidéosurveillance des zones à risques, en renforçant le contrôle des déplacements, des échanges téléphoniques et électroniques des activistes terroristes.

La loi nouvelle a criminalisé l'association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme. Les peines de réclusion criminelle sont désormais proportionnées à la gravité des actes commis par les organisateurs et les complices d’attentats terroristes.

Ce corpus législatif ne crée nullement un droit d’exception mais seulement un droit spécialisé comme il en existe en droit pénal économique et financier ou en droit de la criminalité organisée.

En outre, des règles de procédures particulières concernant la garde à vue, les saisies et perquisitions ainsi que la procédure de jugement, permettent de mieux répondre à la spécificité de ces infractions. Ainsi la loi nouvelle a porté à six jours, le délai de garde à vue en matière terroriste.

Nous sommes maintenant mieux armés pour répondre efficacement à l’imagination des réseaux terroristes.

Mais nous devons surtout, avec force et détermination, nous rassembler autour des valeurs républicaines. C’est ce qui cimente notre volonté contre le terrorisme.

Je tenais à saluer l'action que vous conduisez. Votre association est d’un grand secours pour les victimes et une vigie attentive de l’engagement des pouvoirs publics. C'est pourquoi je forme mes meilleurs vœux pour la poursuite d'une action si fidèle aux principes de notre République.

Je vous remercie.