[Archives] Examen du projet de loi de finances 2008

Publié le 16 novembre 2007

Assemblée nationale

Le budget de la Justice pour 2008 est ambitieux. Vous nous l’avez très bien montré dans votre exposé, Monsieur le député René Couanau. Je vous remercie pour l’examen très approfondi que vous avez effectué.

Temps de lecture :

10 minutes

Monsieur le Président,

Madame et Messieurs les Rapporteurs,

Mesdames et Messieurs les Députés,

 

La Justice est l’une des plus grandes missions de la République. C’est une priorité pour les Français.

 

C’est aussi une priorité pour le gouvernement.

 

Le budget de la Justice pour 2008 est le seul à bénéficier d’une forte augmentation à la fois de ses crédits et de ses emplois :

 

·      son budget augmente de 4,5 % alors que le budget de l’Etat ne progresse que de 1,6 %.

 

·      1.615emplois y sont créés. Ils viendront s’ajouter au remplacement de tous les départs en retraite.

 

C’est un effort important qui vous est proposé aujourd’hui.

 

Vous le savez, ceux qui animent la Justice au quotidien, les magistrats, les greffiers, les fonctionnaires, agissent avec beaucoup de dévouement. Pour faire leur métier, ils ont la passion de la justice.

 

Le Gouvernement vous demande de leur donner des moyens à la hauteur de leur engagement.

 

Mais je souhaite aussi être claire. L’effort financier qui est demandé à la Nation ne peut être dissocié d’un autre effort : celui de la réforme de la justice.

 

Nous voulons une justice qui répond aux préoccupations des Français. Nous voulons une justice qui fonctionne mieux. Le budget pour 2008 est consacré à la réalisation de ces objectifs.

 

1. Tout d’abord, nous voulons une justice qui répond aux préoccupations des Français.

 

La justice répond concrètement à leurs préoccupations :

-        lorsqu’elle est plus ferme,

-        lorsqu’elle est plus attentive aux victimes,

-        et lorsqu’elle est plus humaine.

 

La première mission de la justice est d’assurer la sécurité de tous et le respect de la loi. Lajustice doit être ferme quand elle punit. Elle doit être ferme pour protéger nos concitoyens.

 

C’est pourquoi vous avez adopté la loi du 10 août 2007. Elle renforce la lutte contre la récidive. 2.231 décisions ont été rendues à ce jour sur son fondement. 1.227 décisions ont condamné des récidivistes à une peine plancher. La loi est appliquée. Elle respecte le pouvoir d’appréciation des juges et le principe d’individualisation des peines. Elle rappelle que la violation répétée de la loi doit être effectivement réprimée.

 

Chacun est responsable de ses actes. C’est aussi vrai pour les mineurs. Nous ne pouvons les laisser s’ancrer dans la délinquance. Nous ne pouvons pas laisser se développer un sentiment d’impunité. Nous ne devons pas attendre qu’il soit trop tard pour réagir.

 

J’ai posé un principe clair : « Une infraction, une réponse pénale. » Nous voulons une prise en charge plus rapide et plus efficace des mineurs délinquants. Le projet de budget s’inscrit dans cette volonté.

 

Les centres éducatifs fermés ont montré leur efficacité. 61% des adolescents qui en sortent ne récidivent pas. En leur donnant les repères qui leur ont manqué, nous leur donnons une nouvelle chance.

 

10nouveaux centres ouvriront en 2008. Nous en aurons donc au total 43 fin 2008.

 

Cinq centres à dimension pédopsychiatrique, Madame la députée Tabarot, seront en effet opérationnels. J’ai bien noté, Madame la députée, votre intérêt pour ces centres. Je vous inviterai à venir les voir fonctionner.

 

100 emplois supplémentaires permettront de renforcer l’action de la protection judiciaire de la jeunesse dans les centres fermés et dans les établissements pour mineurs. L’accompagnement éducatif des jeunes y gagnera encore en qualité.

 

Pour protéger les Français, il est également essentiel de prévoir des mesures de sûreté contre les pédophiles et les délinquants dangereux en fin de peine. Ce sera l’un des objets du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la culpabilité civile. Je souhaite que vous puissiez l’examiner avant la fin de l’année.

 

L’attention portée aux victimes est aussi une forte attente des Français.

 

Les victimes ont souvent le sentiment que l’institution judiciaire gère en priorité la situation des condamnés. Elles m’ont souvent dit que la Justice les délaisse.

 

Nous devons mieux les entendre. Nous devons mieux les accompagner tout au long de la procédure judiciaire. Il faut leur garantir que les peines prononcées seront bien exécutées. Il faut améliorer les conditions de leur indemnisation.

 

Les trois quarts des victimes ne sont pas éligibles à la commission d’indemnisation des victimes d’infractions. On ne s’assure pas réellement de leur indemnisation effective. J’ai annoncé une série de mesures. Elles seront mises en œuvre en 2008.

 

Nous créerons un service d’assistance au recouvrement des indemnisations. Il aidera les victimes non éligibles à la commission d’indemnisation. Elles n’auront aucun frais à avancer pour obtenir les dommages et intérêts auxquels elles ont droit. Elles n’auront plus à assumer seules toutes les démarches. Elles ne seront plus obligées d’être en contact avec l’auteur des faits. Elles n’auront pas besoin de lui donner leurs coordonnées.

 

La commission d’indemnisation sera réformée. Elle sera rendue plus accessible. Le magistrat qui la préside recevra les attributions dejuge délégué aux victimes.Les victimes et leurs avocats pourront le saisir. Un décret sera prochainement publié. Il entrera en vigueur le 2 janvier 2008.

 

L’action des associations d’aide aux victimes sera davantage soutenue. Les crédits qui leur sont destinés s’élèveront à 10,9 millions d’euros. Ils augmenteront de près de 15 %.

 

L’accès au droit est une nécessité pour tous. L’an passé, 905 000 justiciables ont été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle. 327,1 millions d’euros seront disponibles en 2008.

 

La justice est humaine quand elle accorde de l’attention aux victimes et aux justiciables.

 

La justice est humaine quand elle garantit aussi la dignité des personnes détenues.

 

Cette volonté, vous l’avez exprimée : la loi du 30 octobre 2007 a institué un contrôleur général des lieux de privation de liberté.  Vous avez voté la semaine dernière son budget. Il est inscrit dans le programme « coordination du travail gouvernemental » qui relève du Premier ministre. Le contrôleur général disposera d’un budget de 2,5 millions d’euros.

 

Le projet de loi pénitentiaire redéfinira le rôle des prisons. Il améliorera les conditions de prise en charge des détenus. Il est en cours d’élaboration.

 

Le comité d’orientation restreint doit me remettre prochainement une deuxième série de propositions concernant les missions des personnels. Tous s’acquittent de missions essentielles. Leurs conditions de travail sont souvent difficiles, parfois dangereuses. Je tiens à leur rendre hommage.

 

Le budget prévoit la création de 1.100 postes supplémentaires dans l’administration pénitentiaire. Je suis aussi attentive à la sécurité des personnels. Des mesures sont prises. J’ai signé le 12 septembre une convention avec les représentants des exploitants d’hélicoptères. Ce partenariat devrait permettre de réduire le nombre de tentatives d’évasion par voie aérienne. Parallèlement, des travaux de sécurisation continueront à être réalisés dans les établissements.

 

En 2008, 7 nouveaux établissements ouvriront leurs portes. Trois seront des établissements pour mineurs. 

 

La politique pénitentiaire doit aussi améliorer la réinsertion des détenus. C’est ainsi que nous lutterons efficacement contre la récidive. Cela passe par l’aménagement des peines. Il faut les développer. Il faut éviter les « sorties sèches ».

 

Nous allons consacrer 5,4 millions d’euros au financement des bracelets électroniques fixes ou mobiles. 3 000 bracelets seront disponibles dès 2008.

 

Enfin un million d’euros sera destiné au financement des associations qui accueillent des condamnés. Elles les accompagnent tout au long de leur aménagement de peine. En leur offrant un logement et un travail, elles augmentent considérablement leurs chances de réinsertion.

 

Vous le voyez, les chantiers engagés sont nombreux. Ils sont indispensables. Ce sont des réformes attendues des Français.

 

La justice doit aussi se réformer de l’intérieur.

 

II – Nous voulons que la justice fonctionne mieux.

 

Elle fonctionnera mieux :

- en s’appuyant sur une véritable politique des ressources humaines,

- en utilisant les outils de son temps,

- en modernisant son organisation.

 

Nous avons commencé à mettre en place une véritable politique des ressources humaines.

 

La gestion des carrières des magistrats et des greffiers doit être modernisée.

Il y a de nombreux talents dans les juridictions : talents dans l’organisation, talents dans certains contentieux, talents dans les perspectives d’une fonction en administration centrale ou à l’international. Il faut les valoriser. Il faut aussi que nous puissions utiliser au mieux ces compétences. C’est l’intérêt de tous.

 

En 2008, 400 emplois supplémentaires vont être créés au profit des juridictions. Des emplois de magistrats sont destinés aux pôles anti-discrimination, au secrétariat général de tribunaux de grande instance, aux futurs pôles de l’instruction ; d’autres seront utilisés pour des missions de magistrats placés, qui remplacent leurs collègues absents. Une bonne gestion des ressources humaines, c’est mettre les bonnes personnes aux bonnes fonctions. J’ajoute, car vous l’avez souligné, Monsieur le député Garraud : il y aura autant d’emplois nouveaux de greffiers que d’emplois nouveaux de magistrats. La qualité du travail judiciaire, c’est aussi l’assistance qu’apporte le greffier au magistrat.

 

Je souhaite donc que nous mettions en œuvre une véritable politique des ressources humaines. J’ai créé cet été un service qui y veillera avec deux sous-directions. Une pour les magistrats. L’autre pour les greffiers.

 

Il faut également que la magistrature s’ouvre davantage à la société. Elledoit en refléter la diversité.

 

L’Ecole nationale de la magistrature sera modernisée. C’est la mission de son nouveau directeur. L’Ecole doit former des magistrats efficaces, responsables, ouverts sur le monde. Elle doit développer chez les auditeurs de justice les qualités humaines indispensables à l’exercice de leurs futures fonctions. La formation des magistrats et des personnels judiciaires sera l’un des chantiers de la présidence française de l’Union européenne.

 

La Justice prendra sa part à la politique d’égalité des chances. Une classe préparatoire intégrée à l’ENM ouvrira en janvier 2008. Elle est destinée à accueillir 15 étudiants d’origine modeste qui veulent préparer le concours de la magistrature. Nous avons déjà plus de 120 candidats. La condition sociale ne doit pas être un frein à l’ouverture de la magistrature.

 

Je souhaite également que les femmes soient mieux représentées dans le corps judiciaire et notamment au plus haut niveau de responsabilités. Je me suis engagée à renouveler et à assurer la parité dans les nominations : le Président de la République a nommé hier 10 nouveaux procureurs généraux. Parmi eux, il y a cinq femmes.

 

Un autre volet essentiel concerne les personnels : ce sont les conditions de travail.

 

Nous allons consacrer, en 2008, 121 millions d’euros à la rénovation de certains tribunaux, ainsi qu’à la mise aux normes de sécurité incendie et d’accessibilité pour les handicapés.

 

Pour les personnels comme pour les justiciables, nous renforçons la sécurité des palais de justice. Nous avons tous en tête les drames de Metz et de Laon. Ils ne doivent pas se reproduire. Cet été, j’ai débloqué 20 millions d’euros de crédits qui avaient été gelés. Grâce à ce plan de sécurisation, 209 juridictions ont maintenant un portique de sécurité ; 92 % des équipes de surveillance sont aujourd’hui en place. Notre effort sera poursuivi en 2008. Nous y consacrerons 39 millions d’euros.

 

Pour améliorer son fonctionnement, la justice doit utiliser les outils de son temps.

 

Les nouvelles technologies facilitent l’accès à la justice. Elles la rendent plus rapide, plus réactive, plus efficace.La numérisation des procédures pénales (en 2008) et civiles (en 2009), la communication électronique avec les auxiliaires de justice, la visioconférence permettront des améliorations sans précédent. Des sites pilotes les utilisent déjà avec des résultats prometteurs.

 

Demain, le justiciable et son avocat pourront suivre l’avancement de leur procédure sans avoir à se déplacer. Ils pourront consulter ou compléter un dossier à distance. Ils pourront recevoir un jugement par courrier électronique. Les greffes gagneront un temps précieux, qui pourra être consacré à des travaux plus utiles que la reprographie des dossiers.

 

Plus de 67 millions d’euros seront consacrés en 2008 aux programmes informatiques de la Justice.

 

Enfin, une justice qui fonctionne mieux, c’est une justice mieux organisée .

 

L’affaire d’Outreau a particulièrement marqué les Français. Elle a montré que la solitude du juge était dangereuse. Il faut que les magistrats puissent échanger entre eux. Il faut que les magistrats les plus anciens puissent conseiller les plus jeunes.

 

C’est pourquoi le Parlement a voté la loi du 5 mars 2007. Son article 6 dispose que, « dans certains tribunaux de grande instance, les juges d'instruction sont regroupés au sein d'un pôle de l'instruction. » Dans certains tribunaux. Pas dans tous. Et le Parlement a confié au gouvernement le soin de fixer par décret la liste des tribunaux concernés.

 

Nous avons retenu les tribunaux de grande instance en mesure d’avoir une activité suffisante pour trois juges d’instruction. Cela suppose nécessairement une réflexion territoriale. Nous avons recherché un équilibre pour chaque région.

 

Messieurs les députés,

 

Vous avez évoqué le sujet de la carte judiciaire. Cela va au-delà de la question des pôles de l’instruction, qui seront mis en place le 1er mars 2008. Cela va bien au-delà de notre débat d’aujourd’hui sur le budget. La réforme sera étalée sur trois ans. Je vais bien sûr vous répondre.

 

Notre carte judiciaire date de 1958. Elle n’a pas été modifiée depuis cinquante ans. Chacun connaît les difficultés de fonctionnement qu’elle engendre. Chacun comprend que l’on ne peut pas continuer à disperser nos moyens au sein de 1 200 juridictions sur 800 sites.

 

Les Français attendent une justice de même qualité sur tout le territoire. Une Justice qui répond rapidement à leur besoin. C’est cela la justice de proximité.

 

Vous êtes victime d’une agression. Vous êtes un citoyen en détresse. Vous exprimez une souffrance. Qu’est-ce que vous attendez ? Une réponse rapide. Une réponse qui vient mettre un terme à cette situation.

 

C’est la mission de la justice : régler les litiges, juger les délits et les crimes.

 

Ce n’est pas la proximité physique du tribunal qui importe. La proximité, c’est la satisfaction rapide du besoin de justice.

 

Pour avoir accès à la justice, on peut recourir au conseil d’un avocat, ou au service d’un huissier, d’un notaire. Les associations de victimes font un travail formidable sur le terrain. On peut bénéficier de l’aide juridictionnelle. Avec Internet, vous pourrez bientôt saisir n’importe quelle juridiction en France, où que vous soyez. Nous ne sommes plus en 1958. Avoir un tribunal près de chez soi ne garantit pas une justice de proximité.

 

Mesdames et Messieurs les Députés,

 

La réorganisation de la carte judiciaire, à elle seule, ne règlera pas toutes les difficultés. Elle n’est que l’un des aspects de la réforme de la justice.

 

Tous les chantiers engagés sont essentiels pour restaurer la confiance des Français dans leur justice. Ils sont essentiels pour restaurer l’autorité et l’image de la justice.

 

Le Gouvernement a conscience des besoins et des enjeux. Il a donné clairement une priorité au budget de la justice. C’est un bon budget. Il est attendu par l’ensemble des acteurs judiciaires.

 

Je ne doute pas que vous aurez à cœur de confirmer cette priorité au service des justiciables de notre pays.

 

Je vous remercie.