[Archives] Inauguration du centre pénitentiaire de Riom, 17 octobre 2016

Publié le 18 octobre 2016

Discours de Monsieur Jean-Jacques URVOAS, garde des Sceaux, ministre de la Justice

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Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Préfet,

Mesdames et Messieurs les élus,

Monsieur le Directeur de l’Administration Pénitentiaire

Madame la Directrice interrégionale,

Monsieur le Directeur de l’établissement,

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux d’être parmi vous pour inaugurer ce nouveau Centre pénitentiaire. 

J’en remercie chaleureusement la députée Christine PIRES BEAUNE qui, l’a première dès le mois de février, m’y incita.

Heureux aussi d’y retrouver Alain NERI qui guida mes premiers pas à l’Assemblée nationale, il y a presque 10 ans.

Et content de saluer Jacques Bernard MAGNIER que je retrouve régulièrement au Sénat.

Et naturellement, une telle manifestation est aujourd’hui doublement symbolique.

D’abord parce qu’hier encore, pour la 6ème fois depuis ma prise de fonction, une tentative de mutinerie a éclaté dans un établissement pénitentiaire.

C’était à Aiton en Savoie.

Heureusement, il n’y a pas eu de blessés parmi les personnels de surveillance, grâce au sang-froid de chacun et à leur professionnalisme.

Et grâce à l’efficacité des ERIS (équipes régionales d'intervention et de sécurité), en 4 heures, la situation a été maitrisée et les fauteurs de trouble ont été pris en charge et donc transférés.

Monsieur le Directeur, merci de transmettre à nouveau aux ERIS ma considération et ma gratitude.

Ce type de comportement me conforte dans ma détermination à faire de la sécurité dans nos établissements une préoccupation constante.

Celui dans lequel nous sommes est, de ce point de vue, intéressant puisqu’il est « à sureté adaptée ».

J’ai notamment trouvé particulièrement passionnant la manière dont la sécurité périmétrique a été conçue avec un système de balises.

Pour le moment, d’ailleurs il semble tenir ses promesses puisque l’établissement n’est pas atteint par les projections qui sont dans d’autres sites une calamité.

Pour autant des dysfonctionnements ont été signalés par l’administration. C'est d'autant moins tolérable dès lors qu’ils concernent directement la sécurité des bâtiments. J'en appelle donc aux partenaires qui sont responsables de ces malformations. J'entends utiliser tous les moyens contractuels à ma disposition pour obtenir que rapidement la situation devienne conforme au cahier des charges.

De plus, depuis cette semaine, cet établissement - comme tous ceux de l’administration pénitentiaire - va pouvoir utiliser les nouvelles possibilités de fouilles permises par le parlement.

En effet, et j’en suis gré aux élus, le Sénat et l’Assemblée nationale ont accepté de modifier l’art 57 de la loi pénitentiaire pour lutter avec plus d’efficacité contre la prolifération d’objets illicites en détention.

Vendredi dernier, le Directeur de l’Administration Pénitentiaire a ainsi diffusé la note d’application qui avait été étudiée par une récente commission administrative.

Il était essentiel pour moi d’améliorer vos conditions de travail et de tenir compte de la réalité du métier de surveillant pénitentiaire.

Il fallait tout à la fois, respecter scrupuleusement la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et trouver les moyens de mieux protéger les personnels.

Faut-il rappeler que l’an passé, 31 000 téléphones et 1 402 armes ont été saisi en détention ? Et que ces chiffres augmentent tous les ans ?

Dans cet établissement depuis le début de l’année pas moins de 21 violences physiques ont été recensé.

Le nouveau cadre d’action augmente ainsi, sous la responsabilité du chef d’établissement, les capacités d’action.

Il permet plus de souplesse et plus de réactivité comme vous savez déjà en faire preuve.

La découverte le 14 octobre dernier d’une arme factice à l’occasion d’un parloir famille le démontre, et sonne en même temps comme un appel à la vigilance.

De plus, dans le Projet de Loi de Finances de 2017, je vais proposer au Parlement d’augmenter les crédits dédiés à la sécurisation des établissements.

Ainsi, 40 millions y seront consacrés, soit 10 millions de plus que l’an passé.

La seconde raison pour laquelle cette inauguration est symbolique, c’est en raison du récent discours du Premier ministre à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) à Agen.

Il a lancé un grand chantier, celui de l’agrandissement de notre parc carcéral.

Cet établissement :

Ø A été décidé en 2010, par Michèle ALLIOT-MARIE et confirmée par Michel MERCIER puis Christiane TAUBIRA.

Ø Et mis en service le 31 janvier de cette année.

Il aura donc fallut 4 gardes des Sceaux et 6 années pour le construire, un quasi record de rapidité.

Même si le chantier lui-même n’a duré que 26 mois.

Dans l’avenir, nous devons modifier nos méthodes.

L’urgence est là comme j’ai cherché à le démontrer dans le rapport sur l’encellulement que j’ai remis au Parlement le 20 septembre dernier.

C’est pourquoi, le Premier ministre a-t-il mandaté les préfets pour que les recherches foncières soient engagées avant le 16 décembre.

Nous avons besoin de construire, ne serait-ce que pour lutter contre la vétusté des équipements existants.

Comme ici où nous avons pu fermer la vieille prison, elle-même ancien couvent du 11ème siècle, devenu établissement pénitentiaire en 1821.

Mais il faudra en parallèle, et cela contribuera à raccourcir les délais, que l’Administration pénitentiaire se dote d’une doctrine architecturale.

L’architecture d’un bâtiment a des effets sur celles et ceux qui l’habitent.

Sur nos comportements, sur nos manières de nous mouvoir dans l’espace ; peut-être même sur notre état d’esprit.

Je suis certain que les architectes de ce centre pénitentiaire seront sensibles à ces propos !

Nous avons donc besoin d’une architecture pénitentiaire plus humaine, davantage tournée vers la réinsertion, qui facilitera le retour vers la société.

Ainsi je suis radicalement en désaccord avec la définition que Valéry Giscard d’Estaing (un auvergnat pourtant) donna de la prison, lors de son déplacement à Lyon en 1974 :

Il avait en effet déclaré que la prison est « la privation de la liberté d’aller et de venir… et rien d’autre ».

Cette définition a malheureusement imbibé l’inconscient collectif ; elle est presque devenue un paradigme.

Non, la prison n’est pas qu’un lieu de privation de liberté, elle doit aussi être un lieu de réinsertion.

Je ne vous apprends rien, puisque vous avez mis en place un régime autonome, en maison d’arrêt.

C’est un dispositif innovant, parce qu’il est particulièrement propice au maintien de la sociabilité et à la responsabilisation du détenu.

Il faut donc dire et redire que la prison n’est pas la peine ; elle est le lieu où s’exécute la peine et l’architecture de ce lieu peut contribuer à lui donner du sens.

J’ai donc été particulièrement sensible, lors de la visite aux formes des bâtiments, aux choix des matériaux :

·         à la création d’une place centrale, autour de laquelle s’organise la vie carcérale,

·         à la végétalisation des espaces à l’intérieur de l’enceinte,

·         à la création de nefs dans les quartiers d’hébergement.

·         J’ai aussi constaté avec plaisir l’existence de couloirs de lumière…

Ce genre de détails, que l’on croit anodins, jouent en réalité un rôle très important.

Ø Pas seulement pour les détenus,

Ø Mais aussi pour ceux qui y travaillent, qui y passent leurs journées et leurs nuits.

Je n’oublie en effet jamais que la prison n’est pas seulement un lieu de détention ; elle est aussi un lieu de travail, votre lieu de travail.

Voilà pourquoi je n’oppose jamais les conditions de détention et les conditions de travail.

Nous allons avoir dans quelques minutes un échange avec les organisations syndicales comme je le fais dans tous mes déplacements, et je ne doute pas que nous en parlerons.

Evidemment, je sais qu’il faudra l’épreuve du temps pour valider les choix faits.

Je souhaite d’ailleurs que les quelques désagréments qui obèrent encore un fonctionnement optimal de l’établissement puissent rapidement trouver une solution.

****

Mesdames, messieurs,

Ce nouvel établissement contribue à l’exercice d’une mission fondamentale dans la République.

La République, comme le rappelait Jean Jaurès, ce n’est pas une doctrine, c’est avant tout une méthode.

Et il n’y a pas de plus beau métier que celui qui participe à l’apaisement de la société, à la préservation de la paix publique et à la protection de tous !

J’émets donc le vœu que ce nouveau centre pénitentiaire puisse remplir sa mission de réinsertion, sa fonction de charnière ouvrant vers la société.

Je vous remercie de votre attention.

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