[Archives] inauguration des nouveaux locaux de la cour de justice des CE

Publié le 04 décembre 2008

Discours de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, ministre de la Justice

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Altesses Royales,
Monsieur le Président de la Cour,
Madame la vice-présidente du Parlement européen,
Monsieur le Président de la Commission européenne,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et messieurs les membres de la Cour,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

C'est un grand honneur et aussi un grand plaisir pour moi, au nom du Conseil de l'Union Européenne, d'assister aujourd'hui, à l'inauguration du nouveau Palais de la Cour de justice des communautés européennes. Je salue tout particulièrement l'action de son Altesse Royale, le Grand duc de Luxembourg, dont le pays accueille la Cour de justice des communautés européennes depuis 1952.

Pendant de longues années, l'Europe a souffert. Elle a connu les guerres, la violence, l'atrocité, la barbarie. Elle a oublié qu'elle portait en elle un message de paix, de civilisation et d'unité.

Grâce à des hommes d'exception, l'Europe est parvenue à surmonter ses haines et ses divisions. Je pense notamment au Général de Gaulle, à Konrad Adenauer, Robert Schuman, Jean Monnet ou Paul-Henri Spaak...

Le projet européen a fait revivre les valeurs de la civilisation européenne : l'humanisme, la démocratie, le respect des droits de l'homme et la justice. Il a aussi rapproché les peuples de ce continent, leur histoire et leur vie.

C'est cela l'idéal européen.

Ce sont ces valeurs qui nous ont été transmises par les Pères fondateurs de l'Europe et que des hommes de conviction comme Jose-Manuel Barroso font vivre aujourd'hui.

Ce sont ces valeurs que la Cour de justice des communautés européennes protège et défend depuis sa création par le Traité de Paris.

Je veux vous dire aujourd'hui ma fierté d'être parmi vous pour l'inauguration des nouveaux bâtiments de la Cour de Justice.

 

L'architecture joue un rôle majeur dans notre société : elle exprime une conception du monde et véhicule des symboles ou des représentations. Elle dessine aussi les contours de nos aspirations ou de nos idéaux.

L'Union européenne s'est construite progressivement, au fur et à mesure des nouvelles adhésions et des nouveaux chantiers.

Les architectes des nouveaux locaux de la CJCE se sont très largement inspirés de la méthode de construction communautaire. Ils ont conservé l'Ancien Palais de la Cour qui est l'identité historique de la Cour. Puis, ils ont ajouté un bâtiment de deux étages, deux tours et enfin une galerie qui assure l'unité de l'ensemble.

De la même façon, l'Europe se construit progressivement, pas à pas, étage par étage avec conviction et engagement.

Ces nouveaux bâtiments donnent une impression d'équilibre, de transparence et de sérénité. Ils sont le lien entre la tradition et la modernité de l'Europe. Ils sont aussi le signe de la Justice pour nous tous.

 

La Cour de justice des communautés européennes devait disposer d'un palais à la mesure de la place qu'elle occupe dans l'Union et des défis qui l'attendent dans les prochaines années. Il lui fallait de nouveaux locaux, pour un nouvel élan et une nouvelle confiance.

Le rôle déterminant de la Cour de justice des communautés européennes dans la construction communautaire n'est plus à démontrer.

L'Union européenne est avant tout une communauté de droit fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'Homme, des libertés fondamentales et de l'Etat de droit.

Cette communauté s'est forgée non pas sous la contrainte des armes, mais par la seule force du droit, librement et démocratiquement consenti.

C'est la Cour de justice précisément, qui est la garante de cette force du droit.

 

 

Je veux rendre hommage à l'action des magistrats et des personnels de cette grande institution et en particulier au Président Skouris dont l'autorité et la compétence sont reconnues au-delà des frontières des Etats-membres.

Par son action, la Cour a donné de la cohérence au système communautaire. Elle a sans cesse veillé au respect des traités et à la répartition des compétences et des pouvoirs entre les institutions et les Etats membres.

Mais surtout, la Cour a contribué à rapprocher les citoyens européens de l'Europe, en les rassemblant autour de valeurs fondamentales. La Cour a jugé que le droit communautaire avait vocation à s'adresser pleinement et directement aux citoyens. Elle a placé les femmes et les hommes de nos pays au cœur de ses préoccupations. Elle a permis d'effacer les frontières juridiques.

Par sa jurisprudence, la Cour a également participé à la construction du Marché intérieur en posant les principes de reconnaissance mutuelle, de libre circulation des personnes, des marchandises et des services dans l'Union. Ces principes sont les fondations de l'espace judiciaire européen.

 

Je veux aussi souligner la contribution majeure de la Cour à la protection des droits fondamentaux.

En effet, elle a toujours rappelé que les institutions de l'Union, et les Etats lorsqu'ils agissent dans le champ d'application du droit communautaire, devaient respecter les droits fondamentaux.

La jurisprudence de la Cour a consacré de nombreux droits : la liberté de religion, le droit de propriété, le principe d'égalité, la liberté d'expression et d'information, la protection de la vie privée....

Votre jurisprudence a désormais une influence très large, et pas seulement au niveau européen. Votre autorité représente à ce titre un atout incomparable pour l'Union européenne. On ne peut qu'être admiratif devant ces réalisations accomplies dans l'esprit des traités et avec pour seul objectif l'intégration européenne et le respect des individus.

Avec la mise en œuvre de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, un nouveau champ d'intervention s'est ouvert à la Cour.

 

La Cour de Justice a toujours su s'adapter aux situations nouvelles et au besoin de justice grandissant de nos concitoyens.

L'augmentation constante du nombre d'affaires traitées, les élargissements 2004 et de 2007 ont amené votre Cour à évoluer et à moderniser sa façon de travailler.

Je veux souligner l'excellent fonctionnement de la Cour. Chaque année, il y a autant d'affaires jugées que d'affaires enregistrées. C'est un exemple de célérité et de qualité de la Justice.

Les affaires relevant de l'espace de justice, de liberté et de sécurité constituent sans nul doute le nouveau défi pour la Cour de Justice.

Il s'agit de questions sensibles qui exigent une rapidité particulière pour leur traitement.

L'intervention de la Cour de Justice des communautés européennes dans le champ pénal, ce droit porteur de valeurs morales, constitue une étape fondamentale.

 

Elle interviendra en effet toujours plus sur des champs tels que la défense des victimes, la garantie des droits fondamentaux.

Dans cette perspective, l'entrée en vigueur le 1er mars 2008 de la procédure préjudicielle d'urgence, constitue une étape décisive permettant à la Cour de relever ces nouveaux défis.

Les juges nationaux qui soulèvent une question préjudicielle peuvent désormais obtenir une réponse de la Cour dans un délai de trois mois. Avant, il fallait attendre en moyenne dix-neuf mois. Au final, ce sont tous les justiciables de nos pays qui bénéficieront de cette nouvelle procédure. La Justice sera mieux rendue.

Pour que nos concitoyens aient confiance en l'Europe, il faut que l'Europe de la Justice fonctionne et qu'elle simplifie leur vie quotidienne. Pour cela, il faut que tous les magistrats des juridictions nationales, internationales et communautaires travaillent ensemble. La coopération judiciaire est le pilier de l'Europe de la Justice : la faire progresser a été un des engagements de la présidence française du Conseil de l'Union européenne.

 

Cette présidence, avec le renforcement des réseaux judiciaires, l'approfondissement du principe de reconnaissance mutuelle ou la réflexion sur la formation des magistrats et des personnels de justice, aura fait progresser de façon importante la coopération judiciaire.

La réforme de la procédure préjudicielle d'urgence est à mettre en lien avec l'extension de la compétence de la Cour sur l'ensemble de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, voulue par le Traité de Lisbonne.

Le rôle régulateur de la Cour, plus que jamais, doit s'exercer dans les domaines qui touchent au plus près des préoccupations des citoyens et répondre à leurs exigences les plus concrètes.

Vos nouveaux bâtiments jouent sur la transparence et la modernité : il est tout aussi important pour les citoyens européens de pouvoir comprendre et connaître le fonctionnement de votre Cour et son importance pour l'Union européenne.

 

** *

 

Au moment où s'ouvre une nouvelle ère pour la Cour de justice des communautés européennes et où l'Union européenne cherche une nouvelle confiance, je repense à ses propos de Jean Monnet : « Lorsque nous bâtissons l'Europe, nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes ».

C'est un vœu que nous devons formuler ensemble aujourd'hui : je souhaite que votre Cour permette de le réaliser définitivement.

Je vous remercie.