[Archives] Journée des référents "frais de justice" des cours d’appel
Publié le 21 mars 2007
Discours de Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la Justice
Lorsque j'ai pris mes fonctions de Garde des sceaux il y a bientôt deux ans, l'un de mes premiers dossiers a été celui des frais de justice qui connaissaient depuis plusieurs années une progression de 20% par an.
Seulement six mois plus tard, le 1er janvier 2006, ces crédits devenaient limitatifs.
L'augmentation de ces dépenses dans un contexte de réduction des déficits publics risquait de peser sur les autres postes de dépenses du ministère.
Pour autant, cette extrémité n'était pas acceptable. Il n'était pas plus acceptable de porter atteinte à la liberté de prescription des magistrats.
Les premières études menées m'avaient convaincu que faute d'avoir été attentif à ce type de dépenses, le ministère de la justice subissait des tarifs excessifs imposés par certains prestataires et supportait également des charges étrangères aux procédures judiciaires.
J'ai compris que ce défi ne pourrait se relever sans une mobilisation des acteurs de la chaîne de la dépense et surtout sans une concertation très étroite entre l'administration centrale et les juridictions.
En conséquence, j'ai demandé au Secrétaire général :
- de créer une mission frais de justice,
- de fédérer l'action des directions (DSJ, DACG, DACS et DAGE),
- de mobiliser sur le terrain les magistrats et les fonctionnaires des juridictions ainsi que les services de police et de gendarmerie.
Ensuite, j'ai placé le budget 2006 des frais de justice sous contrainte très forte, pour créer, en quelque sorte un "électrochoc" salutaire et des changements de pratiques. Le pari était audacieux puisque dans budget 2006, la dotation consacrée aux frais de justice était réduite de 24% par rapport à 2005; la dotation 2006 s'élevait à 370 millions d'euros pour une dépense 2005 de 487 millions d'euros.
Vous vous souvenez que les réactions furent des plus vives: lors des audiences de rentrée, plusieurs chefs de cour avaient exprimé leurs craintes d'une "cessation des paiements" des juridictions avant la fin de l'année.
Je suis très fier aujourd'hui de pouvoir dire que l'institution judiciaire a su relever ces défis et faire de la maîtrise des frais de justice l'une des plus grandes réussites administrative de ce ministère. Nous avons su ensemble démontrer que magistrats et fonctionnaires pouvaient en une année seulement révéler leurs compétences de gestionnaires sans affecter en rien, au contraire, la qualité de la justice.
Dans votre fonction de référents frais de justice des 35 cours d'appel vous avez été les relais indispensables de ce succès. Vous avez su faire preuve d'imagination et d'audace pour développer localement des pratiques innovantes. Pour tout cela je vous adresse toutes mes félicitations.
En effet, rien n'aurait été possible sans les magistrats et fonctionnaires des juridictions qui ont compris les enjeux de cette réforme budgétaire et ont su s'y adapter sans crainte et avec détermination.
Je sais aussi qu'il y a dans cette salle des représentants des ministères de l'Intérieur et de la Défense. Sans vous non plus ce succès n'aurait pas été possible. Vous avez été nos relais auprès des officiers de police judiciaire qui ont compris que la maîtrise des frais de justice c'était aussi pour eux un enjeu majeur : celui de pouvoir continuer à bénéficier de tous les moyens d'investigation indispensables à la recherche de la vérité. Merci donc également à vous.
Le bilan de l'année 2006 est éloquent :
- une baisse de 22% de la dépense de frais de justice sur un an alors que la dépense augmentait de 20% chaque année depuis plus de 3 ans,
- une dépense 2006 qui s'établit 379,4 millions d'euros pour 487 millions d'euros dépensés en 2005.
Et certains domaines sont encore plus éloquents :
- 44% de baisse dans le domaine de la téléphonie qui est l'un des domaines dans lequel l'institution c'est le plus mobilisée.
- 14% également de baisse dans le domaine des empreintes génétiques en 2006 alors que le nombre d'expertises dans ce domaine est en pleine expansion (le coût moyen à l'acte est passé de plus de 300 € à 50 € en 2 ans).
Dans ces deux domaines les négociations tarifaires ont produit tous leurs effets, preuve s'il en était que jusque là les tarifs étaient manifestement excessifs.
Pour autant, il vous reste à consolider ces acquis et à développer de nouvelles actions pour que la maîtrise des frais de justice s'inscrive dans la durée. Il ne faudrait pas crier victoire trop vite même si les résultats obtenus sont particulièrement satisfaisants. Les 390 M€ prévus au budget 2007 pour les frais de justice tiennent compte de ces résultats.
Le plan d'action 2007 devra notamment porter sur les points suivants :
- poursuite des négociations tarifaires notamment des frais postaux qui représente plus de 50 millions d'euros de dépense, mais également recours aux fax et aux e-mèls pour notifier certains actes aux avocats,
- expérimentation d'un nouveau circuit de la dépense plus efficace. Nous le savons, le circuit mis en place en 2006, s'est révélé trop complexe et source de retards de paiement.
Je sais que dans ce domaine vous pourrez compter sur le concours des responsables du département comptable et ministériel qui ont toujours été à vos côtés pour vous aider à franchir les caps difficiles ; mais il faut aussi, que l'institution judiciaire sache rémunérer à leur juste valeur les prestations qui lui sont fournies par des experts de très grande qualité. Ainsi, j'ai donné des instructions pour que dès cette année, soit notamment étudié la revalorisation des tarifs d'expertises, des rémunérations des traducteurs-interprètes, des administrateurs ad hoc, et des mesures alternatives aux poursuites.
Tous ces points vont être évoqués au cours de cette journée de travail qui fait suite à celle organisée l'année dernière à la même époque avec vous.
Encore merci à tous, magistrats et fonctionnaires de l'administration centrale et des juridictions pour les efforts déployés en 2006; les résultats ont été au rendez-vous; vous avez contribué à donner de l'institution judiciaire une nouvelle image : celle de gestionnaires compétents et efficaces soucieux de préserver la liberté de prescription des magistrats, leur indépendance et les deniers publics.
Vous aurez à poursuivre ces efforts en 2007 et dans les prochaines années pour consolider et renforcer ces acquis.