[Archives] Réformes judiciaires à venir

Publié le 29 octobre 2013

Discours de Madame Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice à la cour d'appel de Lyon

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  Christiane Taubira, Garde des Sceaux, ministre de la Justice – Monsieur le Premier, Monsieur le Procureur général, saluer Mesdames et Messieurs les Présidents et Procureurs de tribunaux de grande instance de Bourg-en-Bresse, de Rouanne, de Lyon, de Saint-Étienne, de Villefranche-sur-Saône. Je n’ai oublié personne ? Évidemment, je salue les présidents des tribunaux d’instance qui sont une dizaine dans le ressort. C’est cela ? Mesdames et Messieurs les Directeurs de greffe, Mesdames et Messieurs les Magistrats et Fonctionnaires, donc greffiers en chef, greffiers, secrétaires administratifs, adjoints administratifs, adjoints techniques, donc tous serviteurs du service public de la Justice, ce seul ministère qui porte un nom de valeur, et quelques témoignages ont rappelé à quel point votre engagement dans ce service public n’est pas le fruit du hasard, mais bien un choix à la fois de vie et de profession, un choix de dévouement, un choix de service.

Je sais bien que les mots ne suffisent pas. J’ai entendu aussi ces propos qui interrogent très précisément sur les revalorisations d’indices, sur la reconnaissance pécuniaire du travail fourni et sur les conditions matérielles de travail. J’entends tout cela et je souhaiterais pouvoir y répondre à la mesure de vos demandes. Mais si je viens jusqu’à vous, c’est d’abord par respect pour vous. Et par respect pour vous, je vous dirai ce qu’il en est et ce qu’il est possible de faire. Je sais bien que cela va susciter très probablement quelques déceptions. Mais je n’ai pas l’intention de jouer avec vous. S’il fallait le faire, j’aurais déjà commencé à le faire. Cela fait seize mois que je suis en responsabilité. Dans tous mes propos, j’ai veillé à marquer le respect que l’exécutif, que le pouvoir politique doit à l’institution judiciaire. J’ai veillé à rétablir des relations apaisées. J’ai veillé à prendre en considération les contentieux qui s’étaient installés, qui s’étaient noués entre l’institution judiciaire et l’exécutif. Et aujourd'hui, c’est dans la même logique que je viens jusqu’à vous.

Alors je viens jusqu’à vous entendre. Vous avez entendu, j’ai mis en place des groupes de travail. Un premier rapport a déjà été remis, celui de l’Institut des hautes études pour la justice. Ce rapport circule puisque j’ai tenu – le secrétaire général de l’IHEJ est avec nous – circule parce que j’ai tenu qu’il soit rapidement à votre disposition. Deux groupes de travail fonctionnent depuis février 2013, c’est-à-dire pratiquement une dizaine de mois aujourd'hui. Ils remettront leur rapport d’ici à la fin du mois de novembre. L’un de ces groupes travaille sur les magistrats du XXIe siècle. Il est dirigé, présidé par le premier président Delmas-Goyon qui était jusqu’à récemment premier président de la cour d’appel d’Angers. L’autre groupe de travail travaille sur les juridictions du XXIe siècle, y compris le tribunal de première instance, son contenu, son périmètre d’intervention, sa conception, sa répartition sur le territoire, mais jusqu’à la cartographie des cours d’appel puisque ces réflexions sont de fond pour une juridiction qui soit adaptée aux besoins du XXIe siècle, à l’exigence de service vis-à-vis du justiciable, à l’efficacité, à l’accessibilité de l’institution judiciaire. Ce groupe est présidé par le premier président Didier Marshall, qui est premier président de la cour d’appel de Montpellier. Et comme l’a rappelé le procureur général, une commission réfléchit aux missions, à l’organisation, au périmètre d’intervention du ministère public, à l’organisation des équipes autour des magistrats. Cette commission est présidée par le procureur général Jean-Louis Nadal, le procureur général honoraire de la Cour de cassation.

Ces travaux me seront remis d’ici à la fin de l’année. Comme l’a présenté dans son contexte le premier président tout à l’heure dans son intervention introductive, c’est dans le cadre de ces travaux, de l’évolution de ces travaux, de la remise de ces rapports et de l’événement public que j’entends organiser à la mi-janvier, que je viens jusqu’à vous. Je viens jusqu’à vous parce que je rencontre régulièrement vos chefs de cour, je rencontre épisodiquement vos procureurs, très directement. Je rencontre également, bien sûr, vos organisations syndicales. Je me déplace dans des circonstances diverses qui me permettent de rencontrer vos chefs de juridiction, les directrices et directeurs de greffe, de rencontrer des magistrats, des fonctionnaires. Toutes ces informations qui me remontent ont besoin, à mon avis, d’être mises à l’épreuve de vos appréciations directes par rapport à l’exercice quotidien de vos fonctions.

C’est donc dans cette démarche que je suis devant vous ce matin et que j’écoute, que j’ai demandé que m’accompagnent la directrice des affaires civiles et du sceau, la directrice de l’administration pénitentiaire qui nous rejoindra plus tard, le directeur des services judiciaires qui a noté scrupuleusement de multiples observations que vous avez faites parce qu’il faudra apporter des réponses à certaines de vos demandes, ou prendre en compte certaines de vos suggestions. Certaines réponses peuvent d’ailleurs être apportées déjà puisque nous avons déjà pris un certain nombre de décisions concernant les affectations de postes, par exemple pour les juges des enfants, à la CLE, à la circulaire de localisation des emplois nous avons – rappelez-moi, alors j’ai en tête cinq, deux postes de plus – voilà, cinq au total et deux postes de plus pour les juges des enfants. C’est cela ? Donc Madame, voilà une réponse immédiate.

Nous avons… Oui, je sais que ça ne vous satisfait pas complètement, Madame. De toute façon, je sais bien que je partirai d’ici en ayant suscité plus de frustration que de satisfaction. Je connais l’ingratitude de l’exercice. J’ai le sens du risque suffisamment élaboré pour y être quand même. Mais je pense que c’est à cette condition que nous allons apporter des réponses pour un meilleur fonctionnement de l’institution judiciaire.

La première ressource, c’est évidemment ce que vous donnez tous les jours : l’énergie, l’intelligence, le dévouement, votre mobilisation personnelle, vos interrogations aussi sur le sens de l’action que vous conduisez. C’est la première ressource. Mais évidemment, nous ne devons pas esquiver les questions liées aux effectifs, les questions liées aux moyens, les questions liées aux conditions de travail. Je veille à y répondre le mieux possible dans les contraintes qui sont celles que nous connaissons.

Je fais une parenthèse rapidement pour dire, puisqu’il y a eu des interventions émanant de responsables syndicaux. Certains ont pris la précaution de dire qu’ils n’intervenaient pas en tant que responsables syndicaux, d’autres ont dit qu’ils sont bien responsables syndicaux et qu’ils prolongent les interrogations, les questions posées. Une séance de travail est prévue avec le conseiller du cabinet chargé des questions judiciaires, donc il rencontre les organisations syndicales. J’y veille aussi. À chacun de mes déplacements, le cabinet rencontre les organisations syndicales, ce qui permet de prendre en compte non seulement les revendications transversales sur l’ensemble du territoire, mais également les revendications plus spécifiques liées aux ressorts. Et nous y apportons des réponses immédiates lorsque c’est possible ; à terme, une fois revenus à la Chancellerie, lorsque nous avons besoin d’explorer davantage les choses.

Par ailleurs, la direction des services judiciaires met en place, pour répondre globalement à des questions très logistiques qui ont été posées, la direction des services judiciaires met en place une équipe qui va, à laquelle pourra s’adosser chaque juridiction, chaque ressort, sur les questions de bâtiment, de matériel. Qu’est-ce que vous me soufflez, là, Jean-François ? De maintenance en général, me souffle-t-il. Donc vous aurez… C’est la première fois que la direction des services judiciaires sera équipée, enfin contiendra en son sein une équipe qui sera spécifiquement dédiée à ces questions-là parce que je me rends compte en circulant que ce sont de vraies questions qui gênent vraiment le fonctionnement quotidien de nos juridictions et qu’il faut y apporter des réponses, des réponses techniques, des réponses précises, des réponses immédiates.

Je resitue donc cette rencontre ce matin. Je vais répondre à un certain nombre de questions. Il y en a qui feront l’objet de réponses de la part des services, soit aujourd’hui même, soit par courrier dans peu de temps. Mais pour vous dire l’esprit dans lequel cette démarche s’accomplit. Il aurait été facile, en prenant les responsabilités, de faire preuve de frénésie aussi. Il y avait une habitude dans laquelle de nombreuses personnes s’étaient installées, y compris les pouvoirs publics, y compris les administrations d’ailleurs, l’habitude d’avoir une pression pour produire un nouveau texte, pour produire une nouvelle réforme, pour modifier le code de l’organisation judiciaire, pour produire une 71e loi pénale, pour produire, pour montrer que l’on travaille. J’ai choisi une autre méthode. J’ai choisi d’abord la méthode de l’apaisement, la méthode de l’écoute. Et la méthode de l’écoute m’a permise, m’a permis de comprendre très vite que justement, la demande des juridictions était une demande de pause. Une demande de pause par rapport à la bousculade qu’avait représentée la réforme de la carte judiciaire, qui incontestablement a été conduite avec au moins brutalité vis-à-vis des juridictions, vis-à-vis des chefs de cour d’ailleurs qui avaient produit un travail de réflexion qui n’a pas été pris en compte ; une bousculade par rapport au personnel.

Il y a une demande de pause aussi par rapport à un certain nombre de réformes qui étaient inspirées par de la suspicion vis-à-vis de l’institution judiciaire et de ceux qui y travaillent. Je pense notamment à la réforme sur les citoyens assesseurs.

Donc moi j’ai entendu cette demande, j’ai entendu cette demande et je ne vous cacherai pas d’ailleurs que j’en ai été surprise dans un premier temps, parce qu’ayant été législateur moi à l’époque de la carte judiciaire, étant en responsabilités en qualité de Garde des Sceaux, je me suis dit : la première chose que je vais faire, c’est arranger cette carte judiciaire, corriger les déserts judiciaires qui ont été mis, m’assurer que la proximité est assurée, que l’équilibre est réel sur l’ensemble du territoire. Bref, panser les plaies et faire en sorte que les personnels judiciaires, magistrats et fonctionnaires, soient d’une certaine façon rétablis dans leurs réclamations et leurs protestations que moi-même j’avais entendues en tant que législateur. Donc quand on m’a dit : « surtout, ne nous refaites pas une réforme de la carte judiciaire », j’avoue que mon enthousiasme en a été refroidi et je me suis dit : « évidemment, les choses paraissent toujours plus simples à une certaine distance. Une fois qu’on macère dedans, on comprend qu’elles sont plus complexes ». Donc j’ai compris qu’il fallait traiter les choses avec beaucoup plus de précautions. Et des brutalités qui avaient été faites ont conduit des personnes, d’ailleurs, à me dire très clairement : « ne nous bousculez plus, on a assez souffert d’avoir été déplacés, ne nous ramenez pas parce qu’on ne veut pas être déplacés encore ». Bon, j’ai découvert qu’on ne peut pas faire le bonheur des autres sans leur accord. Ça a été un grand acquit de sagesse.

Donc c’est la démarche. La démarche, c’est d’écouter, c’est de comprendre et c’est de réformer, de réformer en concertation, de réformer au rythme où la réforme peut être absorbée et de réformer intelligemment, c’est-à-dire de réformer pour une meilleure efficacité, en tenant compte des contraintes. Les contraintes, quelles sont-elles ? Nous avons des contraintes budgétaires. Elles sont absolument indiscutables. Même si nous continuons à créer des postes. Nous continuons à créer des postes. Le budget de cette année aussi crée des postes. Nous obtenons toujours des augmentations dans nos budgets, même si nous avons, nous sommes aussi confrontés à des baisses dans le budget. Mais parmi les augmentations, nous avons quand même 41 millions d’euros supplémentaires pour l’immobilier judiciaire. Donc nous avons une amélioration en cette matière dans le budget. Je sais que sur les frais de fonctionnement, nous avons dû affronter une baisse l’année dernière qui normalement devait être compensée, puisque cette baisse des frais de fonctionnement était inférieure à ce que le budget de fonctionnement avait supporté en transfert du budget des frais de justice. Donc normalement, les choses auraient dû, auraient dû fonctionner sans difficulté.

Il se trouve qu’en cours d’année, je sais bien, il y a du gel et du surgel. Je le sais mieux que personne parce que je bataille comme une forcenée pour échapper au gel et au surgel. Je n’y ai pas échappé l’année dernière, mais j’ai quand même obtenu en fin d’année du dégel, ce qui a permis de donner un peu d’oxygène aux juridictions. Cette année, ça fait déjà deux mois que je bataille sur le dégel, donc je devrais arriver à obtenir un peu de marge financière qui pourrait redonner encore un peu d’oxygène aux juridictions. Mais vous pensez bien que ça n’est pas satisfaisant, pour moi la première. C’est quand même un temps et une énergie considérables qui sont consacrés à récupérer des sous qui normalement avaient été attribués au budget de la Justice. C’est produire des dossiers, c’est fournir des arguments, c’est harceler Bercy, c’est appeler Matignon au secours. C’est un temps et une énergie considérables juste pour rétablir, rétablir le budget qui déjà avait été arraché, c’est-à-dire que nous avons quatre mois de discussion budgétaire, nous arrachons un budget et après, en cours d’année, il faut encore trouver du temps pour rearracher ce que nous avions arraché et qu’on nous avait repris. Donc c’est extrêmement pénible, mais c’est quand même la réalité à laquelle nous sommes confrontés compte tenu de la situation des finances locales.

Sur les effectifs, la question n’est pas mineure parce que sur les conditions de travail, parce que vous parlez de la charge de travail. Effectivement, vous avez une charge considérable de travail, une charge de travail en plus qui a été désordonnée, qui s’est désordonnée ces dernières années avec une accumulation de missions qui vous ont été confiées à tous les niveaux de responsabilité, aussi bien les magistrats du parquet que les magistrats du siège dans des métiers différents, mais les greffiers et les fonctionnaires, vous avez eu des charges supplémentaires sans vision d’ensemble, sans cohérence, qui font que vous vous êtes retrouvés à courir un peu dans tous les sens et à répondre à des besoins et à des nécessités dont on ne perçoit pas toujours forcément d’ailleurs ni le sens, ni l’utilité, et ça, il n’y a pas plus déprimant, je crois. Pour vous avoir vus porter à bout de bras le service public de la Justice, je l’ai vu en tant que législateur, vous avoir vus porter à bout de bras ce service public de la Justice, je sais que vous êtes capables de miracles. Mais il n’y a pas plus démobilisateur, plus démotivant que la perte de sens, que l’absurdité, le sentiment d’absurdité de ce que l’on fait. Et je crois que ça a été le mal le plus grand que l’on ait infligé à l’institution judiciaire ces dernières années. C’est de faire perdre du sens aux métiers au pluriel du parquet, de faire perdre du sens aux métiers et aux missions du siège, de faire perdre du sens aux greffiers et aux fonctionnaires qui se retrouvent confrontés à des problèmes matériels, pratiques, sans réponse, sans réponse. Toute une série de réformes ont été introduites. Les augmentations d’effectifs qui étaient annoncées n’ont pas eu lieu. Les augmentations de moyens qui étaient indispensables n’ont pas été assurées. La réflexion sur les méthodes et l’accompagnement n’a pas été faite, même lorsque l’administration elle-même a été très réactive, ce qui a été le cas à plusieurs reprises pour la direction des services judiciaires. Je parle de cette période avant notre arrivée aux responsabilités. Même dans ces cas-là, vous n’avez pas été accompagnés comme il se doit.

Donc moi je veille vraiment très, très scrupuleusement à ne pas ajouter à de la perte de sens, et je suis très, très sensible aux interrogations que vous formulez sur le sens de vos missions, sur le sens de vos métiers. Et ce que je peux vous dire, c’est que non seulement ces groupes de travail sont là pour recueillir, d’abord pour rassembler des personnes qui connaissent ces sujets-là ; pour recueillir puisque tous ces groupes de travail et commissions procèdent à des auditions ; mais les déplacements que j’effectue permettent d’enrichir aussi notre réflexion sur ces dossiers-là. Et l’événement que j’annonce pour la mi-janvier permettra, puisque chaque juridiction y détachera au moins trois représentants (magistrat, greffier, fonctionnaire et avocat), ce qui est prévu. Trois représentants. Après, j’ouvre un cycle de concertations, c’est-à-dire que tous les travaux qui auront été présentés, qui auront été diffusés dans les juridictions, seront à votre disposition. Voilà. Ça sera du matériau dont vous pourrez vous emparer, que vous pourrez vous approprier, que vous allez malaxer à votre goût pour faire remonter dans le cadre des concertations que j’organiserai, faire remonter vos observations de façon à ce que nous écrivions la plus belle et la plus durable des réformes judiciaires que nous soyons capables de produire à ce moment, compte tenu de nos connaissances et de nos expériences.

Sur les effectifs, je disais que ça n’est pas banal. Donc nous conversons la capacité de création de postes. Alors sur les créations de postes, nous avons un peu un problème structurel. Nous avons un problème structurel. Sur les greffiers par exemple, peut-être dire déjà que nous avons actuellement à peu près 950 greffiers qui sont actuellement à l’École nationale du greffe ou en stage et qui, sur un étalement jusqu’à décembre 2014 – c’est ça ? jusqu’à décembre 2014 – devraient arriver en juridiction. Donc ça devrait améliorer les conditions de travail puisque vous bénéficierez, les greffiers, d’un renfort d’effectifs.

Alors je sais qu’il y a la demande sur les indemnités et sur le point d’indice. J’ai été très franche depuis l’année dernière puisque vous savez que les discussions du budget sont des discussions triennales, même si d’année en année on essaie de travailler à des ajustements le mieux possible pour nous, mais ce sont des discussions triennales. Et l’an dernier, j’ai annoncé très clairement que malheureusement, nous étions dans l’incapacité d’accomplir un geste malgré l’injustice que cela représentait de ne pas pouvoir bouger sur l’indice et l’indemnisation, et le régime indemnitaire des greffiers. Malgré cette incontestable injustice que cela représentait, nous étions absolument dans l’incapacité de faire un geste avant 2015. Je l’ai dit très clairement, j’en suis profondément désolée. J’ai cherché dans tous les sens au mois d’août 2012, pour dire très clairement, aussi bien pour les greffiers que pour les fonctionnaires de catégorie C. Et pour le ministère, les fonctionnaires de catégorie C, dans le domaine judiciaire, sont les plus mal payés. La dernière revalorisation remonte à 2007. Pour les greffiers, vous avez raison, elle remonte à 2003. Donc c’est une situation de profonde injustice, sauf que voilà, nous n’avons pas été en capacité de dégager des moyens avant 2015, donc il y aura un geste en 2015. Mais très franchement voilà, je suis dans l’incapacité de faire quoi que ce soit en 2014 et je préfère vous le dire très franchement, même si j’en suis profondément désolée.

Pour ce qui concerne les catégories C, nous faisons un geste. Il est absolument modeste. J’en ai parfaitement conscience. Mais je sais qu’il donne une légère traduction pécuniaire au fait de reconnaître l’effort et l’utilité de ces catégories de fonctionnaires dans nos juridictions. Donc pour les catégories C, une enveloppe de 2 millions d’euros permettra une petite prime de 219 euros net sur l’année 2014. Je sais que c’est extrêmement modeste. C’est juste un petit geste. J’étais très, très ennuyée de ne rien pouvoir faire non plus pour les catégories C en 2013. Et je l’avais dit très clairement, parce que c’est seulement pour 2014 que nous savions que nous pourrions dégager cette modeste enveloppe de 2 millions d’euros. Mais j’avoue que j’en avais profondément mal à la tête, et nous avons réussi à dégager 2 millions d’euros pour l’année 2013, donc pour la fin de l’année, une modeste prime de 219 euros net également qui pourra être servie à ces fonctionnaires qui sont extrêmement mal payés. Voilà.

Je vous dis les choses telles qu’elles sont. Je sais que nous devrons, nous devrions faire beaucoup mieux. Malheureusement, la situation est celle-ci. Et en compensation, au moins ce que je veille à faire, c’est m’assurer que les effectifs s’améliorent et qu’ils répartissent de façon plus équitable le travail dans les juridictions. C’est ainsi que nous continuons à créer des postes de magistrat. Nous en créons dans les différents métiers, donc pour l’application, nous en créons évidemment au parquet. Mais nous en créons pour l’application des peines, pour l’exécution des peines aussi, au parquet. Nous en créons dans différents métiers : le juge des libertés et de la détention puisque des réformes arrivent. J’ai été interrogée sur la collégialité, le texte de la collégialité de l’instruction. Sur le texte de la collégialité de l’instruction, dont vous savez qu’il avait été déjà, son application a été reportée deux fois. Nous l’avons… Après j’ai ouvert une concertation avec les représentations, les associations représentatives des magistrats instructeurs ainsi que les organisations syndicales. Au terme de cette concertation, nous avons élaboré donc un texte, plutôt que d’appliquer la collégialité systématique telle qu’elle a été prévue par les parlementaires et qui, de l’avis même des professionnels, donc des juges d’instruction, ne serait pas efficace, serait lourde, mais nécessiterait en plus le recrutement de 354 magistrats, ce que nous ne sommes pas en capacité de faire. Donc nous avons élaboré un projet de loi qui modifie et ajuste la collégialité de l’instruction, et la rend de droit à la demande du procureur, du juge ou d’une des parties.

Ce texte de loi a été déposé à l’Assemblée nationale. Il a été présenté, je l’ai présenté en Conseil des ministres au mois de mai, me semble-t-il. Il est déposé depuis à l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale n’arrive pas, du fait de son agenda parlementaire, à l’inscrire aux débats. Je souhaitais que ce soit débattu avant décembre de façon à éviter l’application qui est prévue en janvier 2014. Ça n’est pas possible. Donc le texte étant néanmoins enregistré à l’Assemblée nationale, il sera programmé en priorité normalement au premier trimestre 2014. Mais pour nous éviter d’entrer, de basculer dans l’année 2014 sur l’ancien texte, j’ai demandé qu’un amendement au projet de loi de finances 2014 reporte d’une année encore, ce qui me déplaît considérablement parce que j’ai horreur de reporter les applications de loi, les délais d’application de loi. Mais bon, ça c’est complètement indépendant du gouvernement. Donc nous avons demandé un report d’une année sur l’application de la collégialité. Le débat devrait commencer début avril sur ce texte de collégialité.

Évidemment, vous pouvez voir les députés de votre ressort pour les inciter à modifier une virgule si vous estimez qu’il y en a qui sont mal placées dans le texte puisque le rôle du Parlement, c’est aussi bien entendu d’améliorer les textes.

Donc pour en revenir sur les effectifs, nous avons un problème structurel notamment. Donc j’ai parlé des greffiers. Donc vous aurez un renfort de 950 greffiers, à peu près, en moins d’un an. Ça fait quand même un huitième du corps, donc normalement vous devriez ressentir du soulagement par l’arrivée de 949 greffiers supplémentaires.

Pour ce qui concerne les magistrats, nous avons un problème structurel parce que ces dernières années, de 2007 à 2012, une centaine, en moyenne 105 postes, parfois 120 postes. Moins même ? Parfois 80. Donc entre 80 et 120, on ne va pas être trop méchant pour les absents. Donc entre 80 et 120 ont été ouverts chaque année. Il aurait fallu en ouvrir 300 chaque année. Simplement parce qu’il manque des magistrats dans nos juridictions et parce que nous avons des départs en retraite, parce que nous avons évidemment dans les juridictions des jeunesses fringantes, mais nous avons aussi des personnes de sagesse et d’expérience qui ont prévu d’aller se livrer à des occupations moins stressantes que celles que leur réservent les juridictions. Donc nous aurons sur le quinquennat 1 400 départs à la retraite. 1 400 départs à la retraite, cela suppose que l’on programme année par année le remplacement de ces effectifs. Ça n’a pas été fait. C’est ce que nous faisons depuis l’année dernière, c’est-à-dire que nous ouvrons au moins 300 postes chaque année puisqu’il aurait fallu ouvrir 300 postes chaque année. Nous ouvrons au moins 300 postes chaque année. L’année dernière, nous en avons ouvert 420. Malheureusement, nous ne trouvons pas preneurs pour tous les postes que nous ouvrons. L’année dernière, sur 420, ou cette année sur 420, il y en a eu 397, je crois, à peu près. Il en manque combien ? Il en manque 64. Je ne vais pas faire la soustraction. Donc 420 ont été ouverts. Nous n’avons pas trouvé preneurs. Et pourtant, nous faisons des efforts sur les trois concours d’accès à l’École nationale de la magistrature, ainsi que sur les concours complémentaires.

J’ai fait regarder où se trouvaient nos magistrats de façon à les inciter à revenir dans nos juridictions. Nous en avons… Alors nous avons sur l’ensemble du territoire 358 postes vacants. Donc je sais que partout où je vais, on me parle de postes vacants, d’autant que moi j’ai aggravé la situation puisque, par mon souci d’équité, j’ai demandé à la direction des services judiciaires de répartir la pénurie, c’est-à-dire de ne pénaliser personne plus que personne d’autre. Ce qui veut dire qu’évidemment, je me prive du plaisir d’aller dans quelques juridictions où on me dirait : « nous avons tous nos postes » parce que partout, il manque des postes malheureusement. Mais répartis de façon à peu près équitable, de façon à ce que les juridictions puissent fonctionner et que personne n’ait le sentiment qu’une juridiction est mieux traitée qu’une autre. Mais le fait est qu’il nous manque 358 postes sur l’ensemble du territoire et que ça veut dire que les postes sont là, ça veut dire que les budgets sont là, ça veut dire que les magistrats, eux, ne sont pas là.

Donc je les cherche les magistrats. J’en ai trouvé quelques-uns. Il y en a à peu près 250 qui sont répartis dans des institutions, dans des organes institutionnels, dans des associations d’utilité publique. Évidemment, je fais tout pour leur remontrer la séduction irrésistible des juridictions de façon à ce qu’ils y reviennent. Nous faisons même un travail presque d’investigation, et je ne dis pas d’inquisition, pour regarder le temps que certains magistrats ont passé en dehors des juridictions. Et nous avons des magistrats qui sont hors juridiction depuis plus d’une dizaine d’années. Donc ceux-là, je pense que nous arriverons à les séduire sur la nécessité de… Je vois des visages sceptiques. En tout cas, nous allons essayer. Nous allons essayer. Je ne suis pas en train de contester de façon globale et définitive la présence de magistrats hors juridiction. Je pense que le rayonnement de la justice, le déploiement du droit, l’épanouissement de la belle mission que vous portez, s’entend aussi par l’exercice de vos fonctions dans d’autres organismes que dans nos juridictions. Donc voilà, ça n’est pas une position de principe contre les détachements et les mises à disposition, c’est juste une nécessité de fonctionnement de l’institution judiciaire. Donc nous allons essayer de ramener des magistrats.

Et nous continuons à ouvrir les postes nécessaires. Mais évidemment, il nous faut mobiliser pour intéresser de futurs magistrats à venir en juridiction. C’est pour ça que nous sommes en train de préparer une nouvelle campagne de sensibilisation. Nous en avons lancé une l’année dernière. Nous ciblons prioritairement les universités de droit et les facultés de droit, ainsi que les instituts d’études judiciaires. Nous avons réuni récemment à l’École nationale de la magistrature les doyens d’université pour les inciter à motiver leurs meilleurs étudiants, les plus brillants, pour qu’ils postulent au concours de l’École nationale de la magistrature. Alors nous avons conscience que nous payons aussi le discrédit qui a été jeté sur les magistrats toutes ces dernières années. Le dénigrement systématique qui a été infligé aux magistrats, à l’institution judiciaire, contribue un peu au désamour de certains jeunes vis-à-vis de cette fonction, donc il faut leur redonner le goût de la magistrature. Et c’est ce que nous faisons, y compris par l’intermédiaire des doyens d’université.

Donc nous allons… Il faut de toute façon que nous arrivions à régler ce problème sur les effectifs de magistrats, et nous allons continuer à le faire.

Sur le fonctionnement des juridictions en général. Donc je vous disais la question des effectifs, la question des moyens, y compris des moyens logistiques. Donc ce sont des sujets qui seront pris en charge, qui sont déjà pris en charge, qui le seront de plus en plus par la direction des services judiciaires.

Sur les questions… Alors j’essaie de répondre à tout ce qui peut être fait ici, immédiatement. Sinon sur les conditions de travail, nous travaillons, nous sommes en train de terminer d’ailleurs, l’écriture de – nous l’avons terminée d’ailleurs – d’un projet de loi d’habilitation qui sera présenté au Parlement pour autoriser le gouvernement à légiférer par ordonnance. Et dans ce projet de loi d’habilitation, donc qui vise à la simplification de toute une série de procédures, nous allons introduire des simplifications de procédure.

Par exemple, j’ai été alertée depuis l’année dernière sur les difficultés dans la révision des mesures de tutelle et je sais que les personnels ont fait un travail considérable, considérable parce que j’ai circulé, parce que j’ai suivi l’évolution de la révision. Il y a un travail absolument admirable parce que lorsque nous sommes arrivés à mi 2012, j’étais persuadée qu’on n’y parviendrait pas. Or manifestement, nous allons y parvenir. Nous allons y parvenir. Mais il y a un an et demi, la révision de toutes les mesures n’était absolument pas acquise, ce qui montre qu’il y a eu un dévouement, un professionnalisme, une mobilisation des personnels qui a été extraordinaire. Alors nous avons apporté l’aide nécessaire, c’est-à-dire que j’ai demandé à la DSJ de dégager les moyens, les effectifs nécessaires, notamment des vacataires ont été mis à disposition de façon à résorber le stock de révisions. Mais c’est vraiment le travail des titulaires, le travail des personnels permanents qui a permis qu’on y arrive, donc mille félicitations et mille mercis. Parce que ça aurait été compliqué. Évidemment, nous aurions pu reporter d’une année. Mais reporter d’une année, c’est aussi faire se rencontrer des stocks de l’année suivante aussi. Donc la charge de travail aurait, serait demeurée lourde aussi d’une année supplémentaire.

Donc nous allons y arriver. Bravo à tous. Mais évidemment, il ne faut pas que nous recommencions l’expérience. De sorte que dans ce projet de loi d’habilitation, j’ai prévu que dès la mesure initiale, il soit possible de prévoir la révision au terme de dix ans maximum, et non pas la révision systématique parce qu’il y a des tas de situations où l’état du majeur protégé est tel qu’il est peu probable que sa situation change de façon significative en cinq ans. Donc il n’y a pas lieu d’augmenter la charge de nos juridictions sur la révision de mesures qui ne se justifie pas au terme de cinq ans.

Sur les tutelles, il y a d’autres mécanismes qui semblent apporter de la lourdeur, telle que la vérification par le greffier de l’état des comptes, la vérification effective des comptes par le greffier. En 2011, a été adjoint le service de l’huissier de justice. Manifestement, ça n’est pas probant. Donc c’est une disposition sur laquelle nous allons revenir également. Donc nous l’introduisons dans ce projet de loi d’habilitation.

Et puis il y a une charge de travail apparemment qui, dont on me dit qu’elle est inutile : c’est l’obligation pour le juge de définir le budget de la tutelle. Nous allons également débarrasser le juge de cette obligation puisque c’est une charge de travail dont on m’assure que l’efficacité, en tout cas la nécessité n’est pas évidente. Donc toutes ces propositions sont contenues dans le projet de loi d’habilitation.

Par ailleurs, il y a la question de la convocation, aussi bien en civil qu’en pénal. Convocation en civil, il s’agit essentiellement de dispositions réglementaires, et en pénal ce sont des dispositions législatives puisque c’est dans le Code de procédure pénale que vous avez obligation de convoquer, notamment par courrier recommandé avec accusé de réception, ce qui vous fait une charge de travail, un budget important, un budget important qui pèse justement sur les frais de fonctionnement – c’est sur les frais de fonctionnement que ça pèse – et puis une efficacité très relative parce que la plupart de ces courriers recommandés vous reviennent. Donc c’est absurde. Ça fait partie justement du travail que nous faisons de rationalisation des dépenses du budget de fonctionnement parce qu’il faut vous donner de la marge pour des dépenses utiles et efficaces, et vous dégager d’une série de dépenses lourdes comme celle-là par exemple, comme des frais de gardiennage de véhicules saisis qu’on finit par oublier chez le gardien, mais dont le gardien réclame évidemment les frais de gardiennage. Donc il y a toute une série de charges qui lestent vraiment nos budgets et qui n’ont aucune utilité, en tout cas aucune utilité rationnelle. Donc nous travaillons sur tout ça avec l’administration maintenant depuis presqu’un an. Nous devrions arriver à rationaliser les choses.

Donc concernant ces convocations, nous introduisons également dans ce projet de loi d’habilitation la possibilité en pénal de convoquer par courrier électronique. Alors en matière civile, la convocation relève donc du droit réglementaire. Nous allons préciser les choses par décret. En matière pénale, puisque c’est législatif, nous allons, nous introduisons dans le texte de loi une disposition générale. Mais compte tenu du fait que les juridictions ne sont pas au même niveau d’équipement, de façon à ne pas créer un nouveau problème, par voie réglementaire nous allons procéder aux ajustements qui correspondent au niveau d’équipement de chaque juridiction. Donc la disposition générale permettra de convoquer par voie électronique, mais l’ajustement pourra se faire selon le niveau d’équipement des juridictions. Évidemment, nous veillerons à assurer la preuve de la convocation par voie électronique parce qu’il ne s’agit pas d’introduire une procédure d’allégement dans la procédure qui vous pénaliserait par un retour avec des contestations sur la validité des procédures.

En matière de contestation de validité des procédures, j’ai bien entendu Monsieur le Vice-Procureur – vice-procureur, c’est bien ça ? substitut –, j’ai bien entendu vos observations sur la question très délicate, très sensible de l’annonce des nullités de procédure auxquelles vous êtes confrontés. Je sais que c’est un sujet. C’est un sujet dont j’ai connaissance depuis un peu plus d’un an maintenant, que je traite avec le ministère de l’Intérieur très clairement et très franchement parce que, parce que c’est pénalisant pour vous. Je prends mille précautions dans les mots que j’utilise. C’est pénalisant pour vous. Il y a effectivement une façon de le dire. Il y a une façon aussi d’encaisser des critiques publiques en nous disciplinant, nous, pour ne pas formuler de critiques publiques. Donc encaisser une injustice de mise en cause de certaines décisions de justice lorsque ces décisions de justice, parfois dans leur caractère insatisfaisant, relèvent d’une difficulté de procédure.

Il y a un réel honneur dans cette institution, et notamment chez les magistrats, et singulièrement chez les magistrats du ministère public. Il y a un réel honneur à encaisser toutes ces mises en cause publiques sans se lancer dans des disputes sur les procédures qui fragilisent la prise de décision dans certains cas. Il y a évidemment un honneur au siège à le faire aussi, puisque les décisions qui sont prises par le siège sont publiquement mises en cause, et il n’y a là non plus pas de protestation. Mais nous devons améliorer les choses dans le fond. Donc c’est un travail que je fais avec le ministère de l’Intérieur parce que j’ai demandé notamment qu’un programme de formation dense et continu soit assuré aux officiers et aux agents de police judiciaire dont nous dépendons pour la qualité des enquêtes qui sont conduites, en reconnaissant d’ailleurs le travail qu’ils effectuent de très grande qualité de certains d’entre eux, de la plupart d’entre eux d’ailleurs. Mais si on laisse les gens sans formation, si on les charge de nouveaux métiers, de nouvelles missions sans les y préparer, après on ne peut pas leur imputer de ne pas faire les choses tel qu’on s’attend à ce qu’elles soient faites. Donc ça me paraît surtout une responsabilité d’État, beaucoup plus qu’une critique à formuler envers des fonctionnaires, même si ce ne sont pas des fonctionnaires de notre ministère.

Sur le reste, je vous ai parlé du juge des tutelles. Je vous ai parlé de voilà… Je vous ai parlé de l’essentiel. Pour le reste vous avez… Donc il y aura une rencontre des organisations syndicales avec mes conseillers. Il y a les directeurs d’administration.

Sur CASSIOPEE, peut-être un mot rapidement. Moi je suis très, très attachée à la spécialisation de la justice des mineurs et tous les mécanismes, tous les dispositifs, et même à la limite toutes les ruses qui consistent à aligner la justice des mineurs sur la justice des majeurs sont à prohiber de mon point de vue. Donc au contraire, nous allons revenir de façon plus évidente et plus lisible sur la spécialisation de la justice des mineurs.

Sur ce que vous nous dites sur les déferrements, alors c’est un sujet sur lequel nous allons travailler parce que vous avez posé, Madame la Juge des enfants, un certain nombre de questions très précises. Ce sont des questions qui méritent d’être approfondies. Il y en a sur lesquelles la réflexion a déjà porté. On vous les communiquera. Et puis ce sont des sujets que nous allons continuer à approfondir, aussi bien avec les groupes de travail qu’avec, qu’à l’occasion des concertations autour des préconisations de ces groupes de travail.

On m’a mis des tas de choses. J’essaie de voir ce que je dois vous dire très rapidement. Écoutez, ce que je vais vous dire, c’est que vraiment je vous remercie pour la franchise avec laquelle vous m’avez interrogée, y compris lorsque vous m’interrogez sur la grille des indices. Alors pour les catégories C, je rappelle simplement que le ministère de la Fonction publique travaille à la revalorisation de la grille indiciaire des catégories C. Evidemment, nous y participons. J’ai donné des consignes très précises pour que les pauvres deux millions d’euros dont je vous ai parlé ne soient pas absorbés par le ministère, donc c’est bien un acte séparé de ce qui sera décidé par le ministère de la Fonction publique. Mais malheureusement, nous dépendons du ministère de la Fonction publique sur l’évolution de la grille indiciaire. Mais nous assurons une vigilance de façon à défendre les intérêts de nos personnels.

Sur les indemnités, donc ça y est, j’ai répondu là-dessus…

Je veux vous remercier donc pour la franchise de vos interventions. Je vais vous dire ce que normalement les ministres ne disent pas et n’ont pas intérêt à dire : c’est de maintenir votre niveau d’exigence. C’est très, très inconfortable pour moi. J’entends bien que je ne suis pas en capacité d’apporter une réponse à vos demandes immédiates en matière de revalorisation indiciaire, en matière de revalorisation indemnitaire. Je ne suis pas en capacité d’apporter des réponses immédiates et satisfaisantes dans vos attentes, encore qu’ici nous soyons dans un lieu qui nous rappelle que parfois la Justice est correctement hébergée. J’aurais souhaité cette fois venir au tribunal de grande instance. C’est parce que la capacité de la salle d’audience, m’a-t-on dit, nous conduisait à nous rabattre ici. Elle est plus petite, c’est bien ça, mais je serais venue très, très volontiers au TGI.

Je sais que je ne peux pas répondre immédiatement à vos besoins en matière logistique et de maintenance, mais nous allons faire tous les efforts nécessaires. Tous, tous les efforts nécessaires. Donc évidemment, je pourrais plutôt vous inciter à considérer que ce sont les méthodes qu’il faut changer, et incontestablement il nous faut repenser nos méthodes de travail. Ce sont les effectifs qu’il faut travailler puisque nous avons une relative aisance sur la création de postes puisque cette année encore, nous pourrons créer 555 postes pour l’ensemble du ministère de la Justice, et que même – voilà – j’ai une rallonge, mais ça vous concerne moins. Ça concerne la pénitentiaire. J’ai obtenu une rallonge supplémentaire en matière de création de postes.

Mais non, je vous dis très clairement que vous devez conserver votre niveau d’exigence. Vous devez continuer à penser la mission de la justice à la hauteur où vous l’avez placée. Vous êtes les mieux placés pour donner du sens à vos missions, à votre activité quotidienne, et je sais que vous le faites. N’y renoncez pas. N’y renoncez pas. Je sais que c’est difficile. Je vous ai dit que je vous ai vus porter à bout de bras cette institution judiciaire qui a été mise en cause, qui a été critiquée, qui a été dévalorisée, qui n’a pas été… qui a subi plutôt des pertes d’emplois que des créations d’emplois, sur laquelle on n’a pas fait les anticipations nécessaires pour vous assurer les conditions de travail correctes, et je vous ai vus pourtant porter à bout de bras cette institution judiciaire. Donc je sais de quoi vous êtes capables. Et je vous dis de continuer à la penser à la hauteur où vous l’avez placée parce que cette institution judiciaire, c’est le bras de l’État qui se trouve à la portée des justiciables, des citoyens, et notamment des citoyens les plus vulnérables. Et le sens premier, la raison d’être de vos missions et de vos fonctions, c’est de servir le justiciable. Et vous l’avez dit. C’est d’être à portée du citoyen. C’est de rassurer le citoyen. Vous êtes confrontés à des contentieux de masse. Vous êtes confrontés à des attentes contradictoires de la part des justiciables qui vous demandent d’être rapides, d’être accessibles, d’être rapides, d’être accessibles, mais en même temps, d’avoir la solennité qui convient à la hauteur et à la beauté des missions qui vous sont confiées ; d’être rapides, mais en même temps de juger en qualité. Les justiciables citoyens attendent que vous soyez vraiment à leur écoute, mais en même temps, ils vous demandent dans des contentieux compliqués et techniques d’être très spécialisés, d’être vraiment en capacité de traiter ces contentieux spécifiques et d’apporter la meilleure réponse.

Ça, on n’y échappera pas. Ces demandes contradictoires de la part des citoyens, elles sont liées simplement à la complexité de la vie quotidienne, aux réalités auxquelles ils sont confrontés eux-mêmes, à l’impatience, au manque de temps. Au manque de temps. Je sais ce que ça représente, ce que ça veut dire la quête du temps. Mais le citoyen aussi a cette pression sur lui. Donc il nous faut arriver à trouver les réponses qui correspondent aujourd'hui et à réfléchir, à réfléchir notamment sur les contentieux de masse, à réfléchir sur les autres méthodes de résorption des litiges dans la société, sur l’émergence d’autres techniques de dialogue, très clairement sur la médiation : comment la faire, sur quels types de contentieux, selon quelles modalités. Réfléchir à la déjudiciarisation : jusqu’où, sous quelle forme de certains types de contentieux. Il nous faut vraiment arriver à construire ces réponses-là, mais les construire toujours avec ce niveau d’exigence que je perçois, que je perçois à travers vos propos, que je perçois à travers votre attitude, que je perçois à travers votre engagement au quotidien dans l’institution judiciaire, au service du citoyen, au service du justiciable, et en égard pour le contribuable qui assure votre rémunération. Vous l’avez dit, Madame, avec beaucoup d’élégance, et c’est une très belle formule.

Donc merci vraiment à vous. C’est sur vous que repose ce service public de la Justice ; qu’en qualité de Garde des Sceaux, je dois faire ma part, et je la ferai. Je la ferai le mieux possible, mais c’est vous qui assurez la pérennité du service public de la Justice. En ma qualité de Garde des Sceaux, je ferai et je prendrai les décisions pensées avec vous suite à la concertation, avec le temps que nous avons pris pour la faire. Les décisions les plus adaptées pensées avec vous, et les décisions qui vont assurer la pérennité de l’efficacité de l’institution judiciaire. Mais cette pérennité, elle repose sur vous. C’est donc vous les gardiens de la beauté, de la grandeur de la mission du service public de la Justice.

Je vous remercie pour cela, mais je vous remercie surtout d’en être aussi clairement conscients, d’être aussi clairement et sereinement déterminés à poursuivre ces belles missions. Et ensemble nous ferons en sorte que les prochaines années soient plus faciles, mais que surtout pour ce XXIe siècle, l’institution judiciaire soit mieux adaptée à l’attente des justiciables, aux besoins des citoyens, et à ce que nous pouvons, dans un État de droit, mettre à la disposition de l’ensemble des citoyens comme moyens d’accéder à l’État, parce que ce sont les institutions qui assurent l’égalité dans une société de droit. Ce sont les institutions solides, ce sont les institutions justes, ce sont les institutions équitables, ce sont les institutions décentes, c’est-à-dire au point de respecter les citoyens, de ne pas les humilier, d’organiser leur fonctionnement de telle façon qu’elles soient vraiment au service des citoyens et qu’elles ne les humilient pas. Ce sont ces institutions-là qui donnent la bonne qualité d’un État de droit et donc qui puissent rassurer les citoyens les plus faibles, les plus vulnérables, pour les assurer qu’ils sont protégés dans notre société.

Merci à vous pour l’accueil d’aujourd'hui. Merci pour le temps que vous m’avez consacré. Merci pour l’écoute et à chacune, chacun d’entre vous, qui peut-être un jour ou l’autre peut s’interroger parce que je l’ai entendu dans mes pérégrinations, s’interroger : est-ce que ça vaut la peine de rester dans cette institution judiciaire ? Est-ce que ça vaut la peine de continuer à accomplir ces missions et ces métiers difficiles, complexes, multiples, décriés. Je vous le répète : vous n’êtes pas entrés là par hasard. Vous n’y restez pas par hasard non plus. Donc je vous demande d’y demeurer. D’y demeurer. En vous disant simplement, comme vous le propose René Char : « tiens vis-à-vis de toi, tiens vis-à-vis des autres ce que tu t’es promis à toi seul, là est ton contrat ». Votre contrat est ce que chacune, chacun d’entre vous s’est promis à elle seule, à lui seul en entrant dans cette belle institution judiciaire. Merci de la faire vivre au quotidien.

[Applaudissements]