[Archives] Revalorisation indemnitaire des surveillants de prison
Publié le 17 juin 2008
Discours de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice - Hôtel de Bourvallais
C’est toujours un plaisir d’accueillir la grande famille pénitentiaire place Vendôme. Vous êtes ici chez vous.
Monsieur le directeur de l’administration pénitentiaire,
Monsieur le secrétaire général du syndicat national pénitentiaire- Force ouvrière,
Mesdames et messieurs,
C’est toujours un plaisir d’accueillir la grande famille pénitentiaire place Vendôme. Vous êtes ici chez vous.
Le 12 octobre, j’avais annoncé aux syndicats que la loi pénitentiaire s’accompagnerait de mesures en faveur des surveillants. Le projet de loi a été transmis au Conseil d’Etat la semaine dernière et aujourd’hui nous signons le protocole de revalorisation du régime indemnitaire des surveillants.
Vous voyez que je tiens mes engagements.
Le 30 mai, j’ai eu l’occasion de rencontrer les élèves surveillants de la 171e promotion à l’Ecole nationale de l’Administration pénitentiaire.
Je leur ai dit qu’ils allaient exercer un métier qui fait honneur à notre République.
Un métier au service des Français et de la Justice. Un métier d’une grande richesse humaine où il faut faire preuve de rigueur et de professionnalisme. Un métier où il faut toujours être présent, de jour comme de nuit. Un métier dynamique qui doit relever de nouveaux défis.
Les surveillants de prison doivent s’engager pleinement dans la modernisation de la Justice.
La première mission des surveillants, c’est d’assurer la sécurité au sein des établissements pénitentiaires.
Ils doivent veiller à la bonne exécution des décisions de Justice. Ils protègent notre société contre les criminels et les délinquants les plus dangereux. Il s’agit d’un travail exigeant. Je l’ai constaté lors de mes déplacements sur le terrain. Depuis mon arrivée place Vendôme, je me suis rendue dans 20 établissements pénitentiaires.
A chaque fois, j’ai discuté avec les surveillants. Tous m’ont dit que leur travail était difficile, mais qu’ils l’aimaient. Ils ont raison d’être fiers de leur engagement au service de la justice.
La mission de sécurité est essentielle. Elle oblige à l’exemplarité.
C’est pour cette raison que j’ai souhaité que le projet de loi pénitentiaire pose le principe de la prestation de serment des personnels pénitentiaires.
Cette prestation a une portée symbolique forte. Je sais, Monsieur Marques, que vous y êtes attaché.
Le projet de loi inscrit également la création d’un code de déontologie, comme dans la police.
Les surveillants doivent être, en toutes circonstances, loyaux envers les institutions républicaines, intègres, impartiaux, et veiller au respect des droits fondamentaux des personnes.
La sécurité des personnes et des établissements n’est pas tout. Le métier de surveillant a considérablement évolué. Les surveillants exercent de nouvelles missions, aussi primordiales que la sécurité. J’en citerai deux qui donnent une nouvelle ampleur à la fonction de surveillant :
Les surveillants de prison veillent à la dignité des personnes détenues.
C’est un rôle fondamental dans un Etat de droit. Les surveillants s’assurent que les droits individuels des détenus sont respectés. Ils sont attentifs à leur intégrité physique et ils sont à leur écoute.
Le projet de loi pénitentiaire réaffirme les droits fondamentaux que la personne détenue doit pouvoir conserver :
- le droit au maintien des liens familiaux
- l’accès au droit et à l’information,
- la liberté de conscience et de culte,
- le respect des droits aux prestations sociales,
- l’exercice des droits civiques, quand elle n’en n’est pas privée par décision de justice…
Seuls des impératifs d’ordre public et de sécurité peuvent justifier des restrictions.
L’exercice de ces droits devra être mis en œuvre sur le terrain.
Là encore, les surveillants joueront un rôle essentiel.
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté veillera au respect des droits fondamentaux des détenus. Monsieur Jean-Marie Delarue, conseiller d’Etat, est le premier contrôleur général.
Il a été nommé mercredi dernier en Conseil des ministres, après un avis favorable des commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale. Dans un Etat de droit, il ne faut pas craindre le regard extérieur d’une autorité indépendante. C’est aussi l’occasion de valoriser le savoir-faire de l’Administration pénitentiaire.
Les surveillants participent également à la réinsertion des détenus.
La prison n’est pas seulement un temps de privation de liberté. C’est un temps où le condamné est confronté au sens de la sanction et à la portée de son acte. Ce doit être aussi un temps de reconstruction personnelle et de préparation de l’avenir.
Depuis un an, nous avons engagé une politique ambitieuse d’aménagement des peines. Nous en voyons les résultats.
J’entends dire que cette politique est uniquement destinée à désengorger les prisons. C’est inexact ! Nous avons au contraire une ambition : faciliter la réinsertion des personnes condamnées pour prévenir la récidive.
Nous devons gagner le combat de la réinsertion. C’est en aidant un détenu à suivre une formation, à trouver un emploi, à retisser des liens avec sa famille, que nous luttons efficacement contre la récidive.
Il faut aider la personne condamnée à sortir de la spirale « libération / récidive / nouvelle condamnation / nouvelle incarcération ». C’est dans l’intérêt des personnes condamnées. C’est dans l’intérêt de notre société.
Les surveillants connaissent bien les efforts, les qualités et les difficultés des détenus. La parole d’un surveillant a du poids. Il est écouté quand il faut décider d’une permission de sortie ou d’une affectation dans un atelier.
Le projet de loi pénitentiaire assouplit les règles d’aménagement des peines : elles seront possibles, par exemple, pour toutes les peines d’emprisonnement inférieures à deux ans.
Le succès de ces mesures passe par la mobilisation de tous les intervenants du monde pénitentiaire et bien évidemment des surveillants.
Je sais que je peux compter sur leur engagement.
C’est pour cela que je me suis battue pour l’amélioration de leurs conditions de travail et la revalorisation de leur régime indemnitaire.
Le Gouvernement est conscient des difficultés rencontrées dans les prisons : surpopulation, caractère violent de la population carcérale, fragilités d’un grand nombre de détenus, établissements vétustes…
Dans un contexte budgétaire extrêmement difficile, le Gouvernement a souhaité renforcer les moyens de l’administration pénitentiaire : 2,4 milliards d’euros de crédits en 2008 (+ 6,4 %) ; 1 100 emplois supplémentaires créés cette année.
L’Administration pénitentiaire est la première administration de l’Etat en nombre de créations de postes. Aucune autre n’a bénéficié d’une telle priorité en matière d’emploi. Ces créations permettent notamment de mettre en service les nouveaux établissements.
Un effort sans précédent a été engagé pour créer de nouvelles places de prison. 2 800 places sont créées en 2008 avec l’ouverture :
- du centre de détention de Roanne ;
- de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas ;
- du centre pénitentiaire de Mont de Marsan ;
- du centre pénitentiaire de La Réunion ;
- de trois établissements pénitentiaires pour mineurs.
Cet effort ne suffira pas à régler la question du nombre de places : au 1er juin, nous avons 63 838 détenus pour 50 807 places.
La situation s’améliorera en 2012 avec l’achèvement du programme de construction. Il y aura alors plus de 63.000 places disponibles.
Malgré ce contexte difficile et dans l’attente de la loi pénitentiaire, j’ai voulu montrer notre bonne volonté et apporter une première réponse à la question de l’encellulement individuel. Le décret du 10 juin 2008 propose un dispositif pragmatique. Tout prévenu peut exprimer une demande pour bénéficier d’une cellule individuelle. Si ce n’est pas possible dans sa maison d’arrêt, l’administration pénitentiaire lui proposera, dans la mesure du possible, un transfert dans une autre maison d’arrêt. Ce transfert ne sera possible que si le prévenu et le juge donnent leur accord préalable.
La circulaire du 5 juin 2008 propose d’autres mesures. Sur le terrain, l’administration devra les adapter aux contraintes locales. Toutes ces dispositions sont des mesures concrètes. Elles contribueront à prévenir la violence en prison, à améliorer votre sécurité et à faciliter la vie quotidienne en détention.
Vous le savez, je suis particulièrement attachée à la sécurité des personnels pénitentiaires. J’ai tenu les engagements que j’avais pris à Grasse en obtenant enfin la concrétisation de la convention avec les exploitants d’hélicoptères.
Le développement de la visioconférence permet également de limiter les risques d’évasion : les détenus ne sont plus systématiquement conduits au tribunal pour une audience.
L’ensemble de ces mesures étaient attendues par le personnel des établissements pénitentiaires.
Ils attendaient aussi des mesures financières concrètes.
C’est l’objet du protocole que nous allons signer. Il s’inscrit dans la mise en œuvre de l’accord sur la réforme des statuts signé le 19 avril 2005. Il coûtera à terme 30 millions d’euros.
Le protocole prévoit une compensation du travail de nuit :
- la prime de surveillance de nuit en semaine passe de 11,44 euros à 17 euros ;
- la prime de surveillance de nuit de fin de semaine passe sur trois ans de 15,25 euros à 20 euros ;
- la prime de compensation du travail des dimanches et jours fériés est remplacée par un forfait de 26 euros pour huit heures de travail.
Ces mesures entrent en vigueur dès le 1er juillet 2008.
Le ministère de la Justice consacrera 7,5 millions d’euros à cette revalorisation, en plus des 30 millions d’euros dédiés à la réforme statutaire.
Il s’agit d’une amélioration très importante du régime indemnitaire des surveillants. Elle est tout à fait justifiée. Je remercie la sous-direction des ressources humaines de la DAP d’y avoir travaillé.
Elle a été obtenue dans le dialogue social entre l’Administration pénitentiaire et les organisations syndicales. Ces discussions ont abouti à un accord signé avec FO pénitentiaire. Les organisations syndicales ont su défendre les intérêts de la profession. Nos échanges ont été denses, souvent intenses mais toujours constructifs. Nous sommes parvenus, avec vous Monsieur Marques, à trouver un accord en faveur des surveillants.
Je tiens aussi à saluer la contribution du syndicat Force Ouvrière à la politique de modernisation de la fonction publique. Le protocole prévoit, à titre expérimental, une déconcentration partielle de la gestion des personnels. C’est une innovation nécessaire que nous évaluerons ensemble.
*
* *
Mesdames et Messieurs,
Cette revalorisation est un signal fort adressé aux surveillants.
Un signal d’estime, de confiance et naturellement de reconnaissance. Je tenais à vous l’exprimer.
Je vous remercie.