[Archives] Visite de Pascal Clément au tribunal de grande instance de Paris

Publié le 27 juillet 2006

Discours - visite du service des injonctions thérapeutiques - Projet de loi relatif à la prévention de la délinquance

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Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la Justice, s'est rendu le jeudi 27 juillet au service des injonctions thérapeutiques du tribunal de grande instance de Paris. A cette occasion, le ministre a exposé ses propositions de modifications législatives dans le cadre du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance qui seront discutées au Sénat à partir du 13 septembre.

CONCLUSION


Je vous remercie de m’avoir fait part de votre expérience et de vos propositions en matière de lutte contre l’usage de stupéfiants.

La prévention de la consommation de drogues illicites comme des abus des drogues licites doit être une préoccupation constante pour chacun.

Le rôle des parents d’abord mais en réalité de tous les adultes dans la détection de ces comportements, dans l’explication des risques et le rappel des règles est irremplaçable.

Je suis convaincu que cette question ne doit pas être un tabou, dans les familles ou dans le débat politique.

Comment accepter sans rien dire que la France soit le premier pays européen pour sa consommation de cannabis chez les mineurs, que près 25% des garçons et 15% des filles de 16-18 ans fassent un usage régulier de cannabis et enfin que la consommation de la cocaïne et de l’ecstasy augmente tout en se banalisant.


Il est évident qu’il est temps de régir, mais cette réaction suppose que nous adoptions un discours ferme, juste et équilibré et évitant tout amalgame.

  • Il n’est par exemple pas question, de mon point de vue de revenir sur notre politique de réduction des risques qui a permis d’endiguer la propagation du VIH chez les consommateurs d’héroïne.
  • Il faut également tenir un discours de vérité notamment à l’égard des jeunes. La répression ne doit pas concerner que les produits stupéfiants illicites. Les abus des drogues licites ne doivent pas nous laisser indifférents et il convient de les éviter
  • Mais je suis également favorable d’une part au maintien de la pénalisation des produits stupéfiants et je m’oppose d’autre part à toute distinction artificielle entre drogues dures ou douces. Elles sont simplement nocives pour la santé, ont souvent pour conséquences la désocialisation des usagers et conduisent un certain nombre d’entre eux dans la délinquance. Croire un instant que le libre accès à des substances toxiques soit une solution sanitaire ou qu’une régulation publique, sur le modèle hollandais, permette de réduire le nombre de toxicomanes est illusoire et dangereux.


Comment allons-nous y arriver ?

La loi relative à la prévention de la délinquance qui sera discutée au début du mois de septembre permettra de moderniser notre dispositif sur plusieurs points :

D’abord, il faut lutter contre le caractère virtuel des réponses que nous apportons trop souvent aux situations d’usage et les rendre crédibles notamment à l’égard des consommateurs les plus jeunes

La souplesse de l’application des règles actuelles, comparée à la dureté du texte législatif, peut sembler paradoxale.

  • 100 000 interpellations ont lieu chaque année pour des infractions liées aux stupéfiants, dont 90% pour usage de cannabis
  • Seulement 10 000 sanctions pénales sont prononcées chaque année.
  • Seules 4 057 condamnations ont été prononcées par les tribunaux en 2004, même si ce chiffre s’élève à plus du double de l’année 2002 (1494 condamnations).


Restaurer l’interdit implique donc d’adapter des procédures parfois trop lourdes qui étaient sans doute adaptées à la situation de la consommation de drogue des années 1970 mais qui ne le sont plus aujourd’hui.


Je souhaite en premier lieu que l’usage de stupéfiants ou l’abus d’alcool ne soient plus jamais une excuse lorsqu’ils aboutissent à la commission d’une infraction.

Trop souvent, l’état second d’une personne, dû à la consommation de drogues, lorsqu’elle commet une infraction, telles que des violences ou une infraction routière, attire la compréhension et non pas la condamnation. Cette période de tolérance est arrivée à son terme.

  • Une circonstance aggravante sera ainsi créée chaque fois qu’un individu commettra une infraction sous l’emprise d’un produit stupéfiant ou en état d’ivresse manifeste.
  • De même une circonstance aggravante permettra de sanctionner plus sévèrement une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public qui fait usage de drogues dans l’exercice de ses fonctions, et notamment si elle est chargée du transport public de voyageurs. Il n’est pas admissible que certains s’abstraient de leur mission ou risque de causer des dommages graves aux autres dans l’exercice de leurs fonctions.
  • Pour ce faire, le Procureur de la République aura la possibilité d’autoriser des contrôles d’usage de stupéfiants dans les entreprises de transport.


Je souhaite en second lieu rendre la réponse pénale plus diversifiée et plus systématique, en matière de consommation de drogues.

  • C’est pourquoi j’ai souhaité que la procédure d’ordonnance pénale soit étendue au délit d’usage de stupéfiants afin de pouvoir traiter rapidement ce qui apparaît comme un contentieux de masse. Ainsi dans tout les cas où des soins n’apparaîtront pas nécessaires, les magistrats du parquet pourront, après analyse de la procédure, proposer à un juge de prononcer, sans qu’il soit besoin de tenir une audience, une sanction mesurée, à l’égard d’un usager
    • les classements sans suites devront ainsi diminuer de manière très importante
  • le ministère public pourra également recourir à l'encontre de l'auteur de l'infraction, à une mesure de composition pénale.
    • L’auteur de l’infraction pourra se voir signifier l’obligation de verser une amende, de remettre son permis de conduire ou de réaliser un travail non rémunéré, l’exécution à ses frais d’un stage de sensibilisation sur les dangers de la drogue ou une injonction thérapeutique. L'exécution des obligations pourra alors mettre fin aux poursuites pénales.

S’agissant des usagers mineurs Il n’existe pas aujourd’hui de réponse pénale véritablement adaptée quand ceux-ci sont des usagers récréatifs. Un simple avertissement ou un rappel à la loi si ils peuvent se justifier la première fois ne doivent pas se répéter, Or c’est trop souvent ce qui arrive dans la mesure où la saisine du Juge des Enfants paraît souvent disproportionnée et ne se justifie qu’en cas de dépendance avérée.

Il est donc essentiel d’établir des sanctions plus progressives à l’égard des mineurs, et donc de faire évoluer l’ordonnance de 1945 sur ce point.

  • C’est pourquoi je pense que la composition pénale, applicable aux mineurs de plus de 13 ans deviendra un moyen efficace et pédagogique de sanctionner les usagers mineurs.

Demain, avec l’accord du mineur, en présence de ses représentants légaux et de son, avocat, le parquet pourra enjoindre au mineur de suivre un stage de formation civique, de consulter un psychologue ou un psychiatre ou de participer à une mesure d’activité de jour. Ces réponses, plus diversifiées et plus adaptées au profil des jeunes consommateurs, permettront d’obtenir des résultats effectifs auprès des jeunes présentés à la Justice.


Je souhaite en dernier lieu renforcer le dispositif des injonctions thérapeutiques, car un jeune qui est confronté à la drogue a besoin d’être suivi médicalement.

J’ai souhaité que des mesures fortes soient prises pour réduire durablement la consommation de stupéfiants dans notre pays :

  • L’injonction thérapeutique pourra être prononcée comme modalité d’exécution d’une peine.

Une peine d’amende ne suffit pas toujours pour faire prendre conscience de la nécessité d’arrêter définitivement la consommation de drogues. Le juge pourra donc décider que l’injonction thérapeutique sera une composante de la peine prononcée. Elle prendra la forme d’une mesure de soins ou de surveillance médicale.

  • Des médecins relais seront mis en place

Ces médecins procèderont à l’examen médical de la personne soumise à une mesure d’injonction thérapeutique. Ils organiseront les soins auquel le consommateur de stupéfiants sera astreint et rendront compte de leur suivi effectif auprès du procureur.
Ces médecins pourront exercer en secteur libéral ou en secteur hospitalier.
Ils assureront donc l’interface entre le médecin soignant et l’institution judiciaire, simplifiant la procédure actuelle et éviteront la confusion que certains dénoncent entre soignant et exécutant d’un mandat judiciaire.

  • Une nouvelle peine imposant l’obligation de suivre un stage de sensibilisation aux dangers de la drogue sera créée.

Sur le modèle de ce qui a été réalisé dans le domaine de la sécurité routière, les juges pourront imposer à un consommateur de stupéfiants l’obligation de suivre à ses frais, dans une association ou un établissement médical, un stage où celui-ci mesurera les risques de sa conduite et les dangers qu’il encourt pour sa santé.

  • le champ de l’injonction thérapeutique sera étendu aux personnes ayant commis une infraction dont les circonstances révèlent une addiction aux boissons alcooliques. Trop d’infractions sont commises sous l’emprise de la boisson. L’injonction pourra dans ce cas là permettre de traiter la cause de cette délinquance afin d’éviter son renouvellement.


Mesdames et Messieurs,

Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance comprend

  • des mesures adaptées à la situation de la toxicomanie en France, qu’elle concerne les drogues licites ou illicites.
  • des mesures ambitieuses pour restaurer l’interdit de la consommation de drogues.

Ainsi, nous pourrons répondre de manière efficace à la situation difficile que nous vivons aujourd’hui en dissuadant le plus grand nombre de se droguer ou d’abuser d’alcool mais également, que tous ces efforts aboutiront à faire baisser la délinquance dans notre pays, je pense bien sur aux dommages physiques causés par les toxicomanes mais également à toute l’économie souterraine générée par le trafic de drogues.

JE VOUS REMERCIE