[Archives] Vœux aux hautes personnalités et à la presse

Publié le 21 janvier 2010

Discours de Mme Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés

Crédits Photos : C. MONTAGNE

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9 minutes

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Vice-Président du Conseil d'Etat,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Monsieur le Premier Président de la Cour de Cassation,

Monsieur le Procureur Général près la Cour de Cassation,

Mesdames et Messieurs les Hauts magistrats,

Monsieur le Préfet de Police,

Mesdames et Messieurs les magistrats et fonctionnaires du ministère de la Justice,

Mesdames et Messieurs,

Crédits Photos : C. MONTAGNE

Peu d'institutions ont, autant que la Justice, contribué à forger l'unité de la Nation.

 

De l'unification des pays de coutume et de droit écrit à l'affirmation de l'Etat de droit, des Parlements d'Ancien Régime à nos juridictions judiciaires, administratives et constitutionnelle, l'histoire a gravé l'indépendance et l'honneur de la Justice au cœur du destin de la France.

 

Rendue sur tout le territoire au nom du peuple français, la justice porte les valeurs qui nous réunissent aujourd'hui. Celles et ceux qui concourent à l'œuvre de Justice les ont en partage.

 

Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Libertés, je revendique cet héritage et ces valeurs.

 

Je crois à la grandeur de l'institution judiciaire, au nécessaire respect de ses valeurs, de ses principes, à son indispensable adéquation avec la société.

 

Je crois à son rôle irremplaçable pour permettre aux Français de vivre ensemble.

 

Dans une époque marquée par le besoin d'unité, de sécurité et d'humanité, répondre à l'ardente exigence de cohésion nationale nous impose :

  • de nous adapter à une société en mutation, bouleversée par la mondialisation, les nouvelles technologies, l'évolution des modèles familiaux, la contestation de l'autorité ;

  • de faire face aux défis d'une norme juridique toujours plus complexe, mouvante, internationalisée ;

  • de nous mettre à l'écoute d'une société frappée par la crise économique, où les demandes d'Etat, de Justice et de régulation n'ont jamais été aussi fortes.

Mesdames et Messieurs,

 

Ministère régalien, le Ministère de la Justice et des Libertés est par vocation au cœur de l'Etat. Mon ambition est de le placer au cœur de nos institutions et de la société moderne.

 

Pour y parvenir, nous devons moderniser le fond du droit, rénover le fonctionnement de l'institution judiciaire, assurer le rayonnement de la Justice.

 

***

 

Moderniser le fond du droit.

 

Je veux que la règle de droit joue pleinement son rôle de stabilisation et d'équité au sein de la société. Je veux permettre à chacun de comprendre la norme, la procédure et donc le fonctionnement de notre Justice. Je veux donner à notre ministère les moyens d'exercer ses missions de défenseur des droits, des libertés et de la sécurité des citoyens.

 

Le ministère de la Justice sera le ministère du droit. De tout le droit.

 

En 2010, les réformes concerneront le droit pénal, le droit civil, le droit public.

 

Droit pénal.

 

La réforme de la procédure pénale transformera notre Justice pénale, bien au-delà des seuls aspects de fonctionnement.

 

Mon objectif est d'en simplifier la compréhension, de garantir l'équité, d'élargir les garanties de la Défense, de renforcer les droits des victimes.

 

Le parquet sera chargé de l'enquête, sous le contrôle du juge de l'enquête et des libertés qui en garantira l'équité, la régularité. Le juge de l'enquête et des libertés, juge du siège, ordonnera les actes attentatoires aux libertés. Il interviendra dans tout contentieux entre le parquet et les parties.

 

Les gardes à vue seront limitées aux réelles nécessités de l'enquête, garantissant la liberté de chacun en assurant la sécurité de tous.

 

Le texte est en cours d'élaboration. Un tel travail ne saurait être celui d'une administration, d'un ministre ou d'un gouvernement. Il est celui du plus grand nombre. J'y travaille avec des praticiens du droit, des universitaires, des parlementaires de toute tendance. A la mi-février, la première partie du texte fera l'objet d'une large concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.

 

La réforme de la justice des mineurs adaptera le droit pénal aux réalités de la délinquance des mineurs.

 

A tout acte de délinquance correspondra une réponse adaptée, systématique, cohérente. La rapidité de la réponse est une garantie de l'efficacité et de la pédagogie de la sanction. Une condamnation intervenant plusieurs années après les faits n'a plus de sens ni pour son auteur, ni pour la victime.

 

Cette réforme s'accompagnera d'une véritable réflexion sur la réinsertion des mineurs délinquants. C'est l'une des missions fondamentales de la Justice. Je veux la mener, au niveau gouvernemental, avec tous les ministères concernés.

 

Les travaux de rédaction du texte commenceront à la mi-février. Ma méthode sera, comme pour la réforme de la procédure pénale, celle de l'ouverture et du dialogue avec les praticiens, les parlementaires et les universitaires.

 

Droit civil et commercial.

 

La crise a montré le besoin de placer la justice au cœur de la régulation économique.

 

Je veux sécuriser et moraliser les relations contractuelles. Un droit des contrats rénové y contribuera.

 

Face à un environnement économique mondialisé, frappé d'instabilité, le droit des obligations sera modernisé.

 

La procédure civile elle aussi fera l'objet de simplification et de modernisation. Au sein de l'entreprise, la fonction juridique est sous-représentée. Je veux adapter notre droit pour renforcer la présence des juristes en leur sein. C'est un moyen de sécuriser les entrepreneurs, de pérenniser les entreprises et de sauvegarder l'emploi.

 

Droit public.

 

Il connaîtra des avancées considérables en matière de droits et libertés.

 

La question prioritaire de constitutionnalité permettra au justiciable de mieux faire valoir les droits et libertés que la Constitution garantit. Le Défenseur des droits placera notre pays à la pointe de la protection des droits et libertés.

 

***

 

Mesdames, Messieurs,

 

Il faut moderniser le fond du droit. Il faut aussi rénover le fonctionnement de la Justice. C'est ma deuxième priorité.

 

Pour que la Justice joue pleinement son rôle dans la cohésion nationale, elle doit être pour nos concitoyens plus compréhensible, plus efficace, plus réactive, plus créatrice de confiance aussi.

 

Cela suppose d'adapter son organisation, de moderniser ses procédures. Cela exige de soutenir les hommes et les femmes qui la font vivre au quotidien.

 

Adapter l'organisation

 

Beaucoup d'actions vont en ce sens.

 

Un Conseil Supérieur de la Magistrature rénové viendra renforcer son indépendance, sa transparence, son ouverture, son image. Je tiens à une mise en place rapide de la réforme. Le mandat de l'actuel Conseil Supérieur de la Magistrature sera prorogé pour donner le temps au Parlement d'étudier cette réforme dans la sérénité.

 

La réforme de la carte judiciaire adapte l'implantation des juridictions aux réalités et aux besoins des justiciables sur tout le territoire. Elle sera menée à terme. Elle s'accompagnera d'une politique de suivi et d'accompagnement personnalisé. Jean-Marie Bockel se rend sur le terrain chaque semaine.

 

La loi pénitentiaire conforte nos prisons dans leur mission fondamentale de lutte contre la récidive.

 

La prison doit adapter son organisation à cet objectif. Cela suppose que les lieux garantissent la dignité des personnes, les activités nécessaires à la réinsertion, la prise en compte des différents parcours.

 

5 000 places nouvelles viendront, à la demande du Président de la République, s'ajouter aux 12 300 places. A l'achèvement du plan en 2017, le parc pénitentiaire comptera 68 000 places, permettant de nous placer dans le groupe des modèles européens et aussi de rompre avec la logique d'inactivité des personnes détenues. C'est pourquoi, aux côtés des établissements classiques, je veux créer des établissements à réinsertion active.

 

Moderniser les procédures.

 

La modernisation doit concerner à la fois les méthodes et les procédures. Je ne citerai que quelques exemples.

 

La spécialisation des juridictions et des contentieux renforcera la lisibilité des procédures, aussi bien au civil qu'au pénal.

 

Le recours administratif préalable obligatoire permettra de désengorger les juridictions administratives des contentieux de masse, comme celui du permis de conduire. Il donnera au justiciable les moyens d'être plus vite rétabli dans ses droits si son recours est justifié.

 

La simplification des règles de représentation devant la cour d'appel évitera le sentiment de lourdeur inutile. Il s'agit de favoriser une Justice plus compréhensible, plus accessible aux attentes de nos concitoyens.

 

Le développement de la médiation et la conciliation devrait accélérer et simplifier le dénouement de certains contentieux.

 

La dématérialisation favorisera la réactivité de la réponse judiciaire, la qualité des échanges entre les juridictions et leurs partenaires.

 

Conforter les magistrats dans leur mission.

 

La justice, ce sont d'abord des hommes et des femmes qui exercent une fonction difficile et assument des missions indispensables au fonctionnement de notre société. Il faut en tirer toutes les conséquences.

 

Je veux faire respecter dans l'exercice de leurs fonctions tous ceux qui disent le droit au nom du peuple français. Je veux valoriser les responsabilités et les compétences au sein du corps judiciaire.

 

Je veux favoriser l'ouverture et de dynamisme de leurs parcours professionnels : enrichissement des carrières, développement de la promotion professionnelle, mobilité facilitée et encouragée y compris à l'international.

 

Je veux y travailler avec eux, en concertation avec les syndicats, sur la base de propositions concrètes, dès le premier semestre.

 

***

 

Mesdames et Messieurs,

 

Plus forte à l'intérieur, la Justice doit être plus ouverte sur l'extérieur.

 

Notre modèle de droit continental a prouvé sa solidité et au fil des siècles. La crise économique et financière en a une nouvelle fois montré la pertinence. Face à l'influence du droit anglo-saxon sur notre sol comme à l'étranger, je veux promouvoir le modèle juridique français.

 

Je veux favoriser le rayonnement du droit et de notre justice, au sein de la société comme à l'international.

 

Cela suppose la valorisation des professions du droit. Cela exige la mise en œuvre d'une véritable politique internationale au sein du ministère de la justice.

 

Valoriser les professions du droit.

 

Tous les professionnels du Droit contribuent ensemble à l'œuvre de justice. J'entends qu'ils soient unis et non opposés dans cette mission.

 

L'image de la Justice est l'image que chacun renvoie. D'où une incontournable exigence d'éthique, de compétence, d'ouverture, de modernité.

 

L'éthique, parce que la faute ou l'insuffisance de l'un rejaillit sur la justice tout entière.

 

La compétence, parce que c'est une exigence à la hauteur de la responsabilité individuelle et collective. Favoriser une communauté cohérente de juristes rapprochera les savoirs-faires de chacun. Il ne s'agit pas de fusionner les professions mais de favoriser le travail en commun, dans le respect de l'identité de chacune. Le rapprochement des formations y contribuera.

 

L'ouverture. Je veux favoriser le dialogue entre les professions, au-delà des crispations et de la défense des pré-carrés. C'est le sens de la démarche que j'ai engagée avec les Présidents du Conseil national des barreaux et du conseil supérieur du notariat. La création d'un acte contresigné par un avocat renforcera la sécurité juridique des actes quotidiens, dans le respect des spécificités des professions du droit.

 

La modernité. Tous les professionnels du Droit doivent s'adapter, savoir utiliser les avancées de la modernité, faire face aux demandes des citoyens et aux exigences d'un marché internationalisé.

 

C'est particulièrement vrai des avocats.

 

A cette fin, je souhaite favoriser les regroupements, faciliter les échanges européens et développer les nouvelles technologies.

 

Il existe une politique de place pour renforcer la compétitivité financière de Paris. Je veux une politique de place pour renforcer la compétitivité juridique de Paris.

 

Le rayonnement du droit passe aussi par le développement de l'international.

 

Le droit communautaire irrigue désormais toutes les branches du droit. Nous devons contribuer davantage à son élaboration.

 

La mobilité croissante des personnes et des biens étend le champ du droit bien au-delà de nos frontières.

 

L'image de nos institutions et de notre droit est un atout pour la présence de la France à l'étranger.

 

Notre ministère, ses personnels doivent s'ouvrir toujours davantage sur le monde.

 

Pour développer notre coopération avec les Etats-Unis, j'ai réuni ici même notre groupe de travail bilatéral sur le terrorisme la semaine dernière. Pour consolider notre dialogue avec le monde arabe, je me suis déplacée au Qatar le mois dernier. Je me rendrai prochainement dans les pays du Maghreb et du Machrek.

 

Dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée, j'ai souhaité l'élaboration d'un programme centré sur l'apport du droit aux politiques de croissance. Je réunirai au second semestre mes homologues des Etats membres de l'Union pour la Méditerranée sur ce sujet.

 

***

 

Mesdames et Messieurs,

 

Ces perspectives dessinent nos ambitions partagées pour la Justice. Leur mise en œuvre nous occupera pour l'année 2010, et bien au-delà.

 

Toutes visent un seul et même objectif : conforter la confiance des Français dans la justice rendue en leur nom.

 

La confiance est la clé du bon fonctionnement de l'institution judiciaire. Elle contribue à l'unité de tous les Français.

 

Je veux que les victimes puissent trouver écoute et protection auprès de l'institution judiciaire. Je veux que les Français connaissent, comprennent et mesurent ce qu'ils doivent à la justice de leur pays. Je veux qu'ils sachent pourquoi ils peuvent en être fiers, comme nous le sommes tous.

 

Je veux ouvrir les portes de la justice. Je vous proposerai des actions dans ce sens dès le premier semestre.

 

Soyons dignes de ce que nous sommes.

 

Soyons fiers de ce que nous pouvons apporter à notre pays.

 

Soyons assurés, Mesdames et Messieurs, que l'honneur de la Justice fait la grandeur de la France.

 

A chacune et chacun d'entre vous, ainsi qu'à toutes celles et tous ceux qui font vivre la justice française, j'adresse mes vœux les plus sincères et les plus chaleureux pour l'année 2010.