Discours devant les nouveaux notaires - 4 juillet 2019

Publié le 11 juillet 2019

Discours de Nicole BELLOUBET, garde des Sceaux, ministre de la justice

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Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs, Chers Maîtres,

Tout d’abord, permettez-moi de m’adresser à vous qui venez d’entrer dans la profession et de vous féliciter.

Je vous adresse en effet de sincères félicitations à l’aube d’une nouvelle carrière à laquelle vous vous destinez.

La Chancellerie l’affirmait déjà lors du précédent rassemblement des notaires nouvellement nommés, en mars 2018 : nous vivons des moments historiques.

Ce qui était vrai, l’année dernière, quand vous étiez alors 1.300 nouveaux notaires, est encore plus vrai aujourd’hui, où vous n’êtes pas moins de 2.500 nouveaux notaires libéraux ou salariés.

La profession est en pleine mutation et les chiffres sont, à cet égard, la preuve éclatante de cette transformation inédite. Est-il besoin de rappeler qu’avant 2017, le nombre de notaires augmentait à peine de 2% par an pour n’atteindre le seuil des 10.000 qu’au 1er janvier 2016.

En deux ans, le nombre de notaires est désormais proche de 14.000.

Avant la fin de l’année, plusieurs centaines de nouveaux confrères vous auront rejoints, au regard des milliers de nouvelles demandes de nomination comme notaire salarié ou comme notaire libéral dans un office existant ou à créer en cours d’instruction dans mes services.

La limite d’âge à 70 ans, la fin des clercs habilités et les créations d’office, instaurées en 2015 par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ont créé une exceptionnelle dynamique. Elles ont permis à votre profession, au sein d’un modèle économique préservé, de se regénérer progressivement mais rapidement, comme jamais cela n’avait été observé auparavant dans nulle autre profession.

Le flux de nouveaux entrants a évolué de 364 en 2015, à 997 en 2016, puis à 1.909 en 2017 et 1.968 en 2018.

Il a donc été multiplié par 5,4. Le nombre de notaires sortants, quant à lui, a évolué de 163 en 2015 à 646 en 2018, soit une multiplication par 4. Le taux de renouvellement annuel est ainsi incidemment passé de 5% en 2015 à plus de 20% en 2017 et plus de 20% encore en 2018.

La profession a enrayé le processus de son vieillissement en la rajeunissant et a considérablement accéléré un processus de féminisation.

L’âge moyen a ainsi reculé de 3 ans : il était de 49 ans en 2015, il n’est plus désormais que de 46 ans. Les plus de 50 ans, qui représentaient 42,5% des notaires en 2015, ne comptent plus que pour moins de 32,3% d’entre vous.

Enfin, la part des femmes a progressé parallèlement de plus de 14 points, passant de 33,7% en 2015 à 47,8% en 2019.

Le bénéfice pour les usagers est dès lors indéniable. Le taux d’encadrement de la population est en effet passé de moins de 20 notaires pour 100 000 habitants âgés de 20 ans ou plus, en 2015, à près de 27 pour 100 000 en 2019, soit un accroissement de 7 points.

*

Tous ces chiffres illustrent l’ampleur de la transformation actuellement à l’œuvre dans le notariat mais ils ne sauraient rendre compte à eux seuls du remarquable travail réalisé par les instances professionnelles régionales en général, et par le Conseil supérieur du notariat en particulier, à savoir,

- la parfaite intégration de tous les nouveaux entrants,

- la parfaite transmission du savoir, du savoir-faire et du savoir-être aux nouveaux entrants, ainsi que

- la parfaite continuité du service que vous assurez et qui fait de vous de dignes et efficaces officiers publics ou ministériels.

J’ajoute que les services de la Chancellerie, et plus particulièrement ceux de la sous-direction des professions judiciaires et juridiques de la DACS, œuvrent au quotidien pour satisfaire au mieux les attentes de chacun.

Comme vous le savez, je n’ai rien cédé sur la rigueur des instructions préalables à l’agrément des nouveaux notaires ou des nouvelles sociétés. Je n’ai rien cédé sur le contrôle de l’honorabilité. Je n’ai rien cédé sur les exigences de compétence et de responsabilité des professionnels à la tête des offices, y compris dans le cadre des sociétés multitulaires ou des sociétés pluri-professionnelles d’exercice (SPE). Je n’ai rien cédé sur la correspondance effective des pratiques avec les valeurs déontologiques fondatrices du notariat.

Si je n’ai rien cédé, et les parquets et les instances professionnelles non plus, c’est avant tout parce que nous sommes convaincus que toutes ces transformations n’ont qu’un seul but et ne doivent avoir qu’un seul effet : l’amélioration du service rendu aux citoyens et le renforcement de la confiance que ceux-ci placent, à juste raison, dans les officiers publics ou ministériels que vous êtes.

Certes, le fait de n’avoir rien cédé a sans doute contribué à ce que les délais moyens de traitement des dossiers qui sont soumis à mon agrément restent un peu longs au goût de certains, bien qu’ils aient sensiblement diminué depuis le pic de l’année 2017. C’est un sujet dont nous parlons souvent, Monsieur le président, et je mesure l’inconfort que cela procure à vos confrères, comme vous mesurez, j’en suis certaine, les efforts consentis par mes services pour les réduire jour après jour, en dépit de l’ampleur inédite du dynamisme interne à la profession. Doit-on rappeler que l’ouverture en ligne, en février 2019, de la nouvelle carte d’installation des notaires, a provoqué un extraordinaire élan de plus de 23.000 candidatures sur le logiciel OPM en 24 heures ?

Mais le fait de n’avoir rien cédé nous permet aussi collectivement de prendre appui sur le choc de renouvellement que je vous ai décris et que vous avez vécu, afin de développer votre rôle et vos missions, dans le cadre des mouvements de déjudiciarisation voulus par le Gouvernement et le législateur. Les ateliers de réflexion de ce rassemblement ne manqueront pas, j’en suis convaincue, d’en parler abondamment.

Les réformes engagées n’ont donc rien détruit, ni rien déconstruit. Bien au contraire, elles ont donné un nouveau souffle, dont cette assemblée, rajeunie et féminisée, est le témoin idéal et incontestable.

*

Monsieur le président, je veux, à cet égard, saluer ici le travail prospectif et constructif que votre profession a toujours mené avec mes services, en se projetant, sans détour, vers l’avenir, et sans nostalgie du passé.

Cette collaboration fructueuse a permis, depuis votre dernier rassemblement de nouveaux notaires, la publication de trois décrets importants pour votre profession. Permettez-moi d’en rappeler rapidement les étapes.

- Le premier publié le 25 juillet 2018 a restructuré la formation des notaires et de leurs collaborateurs en créant l’Institut national des formations notariales.

En effet, depuis le 1er octobre 2018, l’Institut national des formations notariales (INFN) s’est ainsi substitué à l’ancien Centre national de l’enseignement professionnel notarial (CNEPN) et aux 26 établissements de formation professionnelle qui existaient sur tout le territoire, dans un objectif de renforcement de la qualité et de l’égalité de la formation. Si les enseignements continuent d’être dispensés en région, il est désormais entièrement régi par l’Institut national de façon à coordonner les actions d’enseignement sur l’ensemble du territoire.

Cette réforme s’inscrit dans une réflexion globale de la formation des futurs professionnels, afin de la moderniser et de la rendre plus performante, via, par exemple, des outils d’ e-learning ou de classes virtuelles.

Par cette réforme, j’ai souhaité que le notariat bénéficie d’une formation d’excellence supervisée par une grande école. Je suis certaine que cet Institut participera au rayonnement de la profession, tant au plan national qu’international, notamment par le développement de partenariats. C’est aussi cela préparer l’avenir.

- Le second décret du 9 novembre 2018 tire les enseignements du premier cycle de création d’offices 2016-2018 et prévoit des améliorations conséquentes du dispositif en renforçant l’égalité des candidats. Il offre plus de transparence, en encourageant les projets sérieux et en rationnalisant les procédures. Les principales modifications sont les suivantes :

Þ Une seule candidature par personne physique et par zone est désormais autorisée, que ce soit en tant qu’individuel ou associé ;

Þ La procédure de renonciation est encadrée : la renonciation libre est possible pendant 2 mois. Passé ce délai, toute renonciation entraine la renonciation à toutes les candidatures [1] ;

Þ Un décalage de six mois est prévu entre l’ouverture des candidatures en zones vertes et celles en zones orange, de façon à éviter l’instruction inutile de demandes d’installation en zone orange, celles-ci pouvant devenir caduques à la suite de la nomination du candidat intervenue en zone verte.

- Enfin, le troisième décret, du 29 mars 2019, a réglementé la sollicitation personnalisée et la prestation de services en ligne. Je sais que ce décret était très attendu par votre profession. Il met fin aux éventuelles incertitudes et à cette impression de flottement qui avait pu se créer sur le sujet, notamment chez les nouveaux notaires nommés dans un office créé, mais aussi chez les notaires installés depuis plus longtemps.

Ces nouveaux modes de communication vous ouvrent d’importantes opportunités.

Ils vous permettent tout d’abord de vous saisir des outils et des possibilités offertes par le développement du numérique. Ils vous permettent également d’être plus attractifs et compétitifs dans un environnement que l’on sait de plus en plus concurrentiel par les créations d’offices et le développement des SPE par exemple. Ces nouveaux modes de communication vont permettent, enfin, de développer votre clientèle, en ce sens que vous êtes susceptible d’atteindre un public beaucoup plus large et beaucoup plus diversifié. En effet, grâce à la prestation de service en ligne, vous pouvez vous adresser virtuellement à tous les internautes.

Le dispositif mis en œuvre par le décret du 29 mars 2019 permettra enfin d’améliorer l’accès des citoyens à l’offre de services juridiques, via internet notamment.

Néanmoins, cette ouverture vers de nouveaux modes de communication, est encadrée afin d’éviter toute démarche abusive qui s’avérerait contraire à votre statut et à vos principes déontologiques. Cet encadrement est source de sécurité pour le citoyen qui disposera d’une information claire et précise, notamment sur les prestations proposées et sur les modalités de rémunération, remises comprises, de ces prestations.

Je suis certaine que ces opportunités que vous ne tarderez pas à saisir, si ce n’est déjà fait, vous permettront de faire évoluer en profondeur votre profession en lui ouvrant à la fois de nouveaux champs et de nouveaux clients.

En contrepoint à ces opportunités, je profite, à cet instant précis, pour saluer votre profession qui, depuis plus de vingt ans, a fait preuve d’une innovation permanente dans la recherche de la modernité et de l’efficacité à travers la mise en œuvre d’outils performants, d’abord informatiques et électroniques, et aujourd’hui numériques. A cet égard, force est de constater que le notariat a été particulièrement en pointe. Je ne peux, dès lors, que vous inciter, vous qui entrez dans cette nouvelle profession, à poursuivre l’élan de vos aînés et à utiliser ces outils en perpétuelle évolution qui faciliteront, d’une part, vos relations avec une clientèle de plus en plus internationalisée et, d’autre part, l’établissement d’actes à distance. C’est aussi cela, l’image que renvoie le notariat du XXIème siècle : une profession qui, loin de l’image balzacienne, s’adapte en permanence aux exigences de la modernité, avec dynamisme et compétence.

*

Monsieur le président,

Chers Maîtres,

J’ai dressé devant vous le bilan très positif des réformes mises en œuvre depuis 2017, mais je terminerai ces propos, en vous précisant que je n’entends aucunement m’en contenter et me reposer, avec vous, sur les acquis et les promesses qu’il porte en lui.

Les résultats sont bons, et même excellents.

Mais comme l’exposait si bien le philosophe Hegel, nous savons tous qu’un résultat ne vaut que par son devenir. Il nous revient, à vous comme à moi, de nous saisir de nouveaux chantiers et de nouveaux projets de développement, dont certains sont en cours, afin que le notariat poursuive sa mutation dans le cadre d’une dynamique professionnelle ouverte, innovante et profondément moderne.

Je sais pouvoir compter sur votre créativité et votre engagement. Vous pouvez compter sur le mien et sur celui de mes services.

J’ai commencé ces propos en vous félicitant. Permettez-moi de les terminer en vous adressant mes vœux de sincère réussite pour l’ensemble de vos projets et pour le développement harmonieux de votre si belle profession.

Je vous remercie.


[1]Les tirages au sort débuteront à l’issue du délai de deux mois pour que tous les candidats soient placés dans la même situation.

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