Présentation du plan encellulement individuel
Publié le 23 février 2017
Discours de Monsieur Jean-Jacques URVOAS, garde des sceaux, ministre de la justice
Bilan des recherches foncières
Chancellerie – Jeudi 23 février 2017
Seul le prononcé fait foi
Avant de vous présenter les terrains choisis pour concrétiser le « plan encellulement individuel » annoncé par le Premier Ministre le 6 octobre, j’aimerais vous dire quelques mots de la méthode inédite que j’ai choisi d’appliquer.
1 - Agir globalement
En moyenne, il faut 10 ans pour construire une maison d’arrêt.
Une grande partie de ce laps de temps est consacrée à l’identification et à l’achat des terrains, procédure qui génère souvent des contentieux.
De surcroit, comme les recherches procèdent de réflexions conduites sans programmation nationale, il est rare qu’un retard sur un chantier soit compensé par une intensification d’un autre.
Nous avons procédé différemment afin que seuls quelques mois s’écoulent entre l’annonce du Plan et le choix des implantations des futurs établissements.
Ä 20 septembre 2016 : rapport encellulement individuel présenté au parlement qui fixe la philosophie du plan.
Ambition : mettre fin au surpeuplement carcéral endémique en garantissant le respect de la dignité des personnes détenues en leur affectant à chacun une cellule.
Dois-je rappeler que sur les 68 000 détenus, 18 300 sont en détention provisoire dans des maisons d’arrêt dont la vétusté entraîne des conditions de vie indignes ?
Puis-je insister sur le taux moyen d’occupation des maisons d’arrêt et quartier maison d’arrêt (QMA) de 140 % au 1er janvier 2017.
Dois-je insister sur le fait que l’administration pénitentiaire n’a aucune autorité, ni responsabilité sur les flux de personnes qu’elle doit prendre en charge ?
Dès lors, ce rapport, sur la base d’une projection de population pénale à l’horizon 2025, estimait le besoin de construction entre 10 300 et 16 100 cellules (dont près de 14 600 individuelles).
Ä 6 octobre : annonce du premier ministre accompagnée par une circulaire adressée à 40 préfets afin de préciser la méthode d’identification des terrains.
La recherche foncière s’inscrit dans une réflexion régionale, et dans un souhait d’équilibre des territoires au sein d’une carte judiciaire qui n’a pas vocation à évoluer.
32 maisons d’arrêt, un centre de détention, 28 Quartier de préparation à la sortie (QPS).
Ä 9 décembre : circulaire du garde des sceaux aux préfets pour rappeler les attentes précises et l’échéance du 16 décembre.
Ä 16 décembre : remise de 67 propositions des préfets (concernant 26 départements) et relance des retardataires.
Au final plus de 150 propositions d’emprises foncières, publiques ou privées ont été formulées.
Ä Et aujourd’hui, 23 février 2017 !
2 – Travailler dans la transparence
La maîtrise foncière fut souvent localement une pierre d’achoppement.
Peut-être parce que les recherches étaient conduites discrètement.
Sans doute parce que les élus n’étaient pas associés dès l’origine du projet.
Probablement parce que les divers services de l’Etat n’étaient pas pleinement mobilisés.
Nous avons donc renversé la perspective et choisi d’avancer sans masquer ni les besoins, ni les intentions, ni les aspirations.
Ø La liste des départements concernés a été publiée.
Ce plan visant à combattre la surpopulation carcérale, nous avions fixé comme priorité le soulagement des établissements trop sollicités dans 40 départements.
Sans surprise, ils se concentraient dans les agglomérations.
C’est donc logiquement dans ces mêmes villes que portaient nos recherches foncières.
De surcroit, cela permet de maintenir les liens familiaux et de mieux préparer la réinsertion.
Ø Le cahier des charges a été rendu public.
La taille des futurs établissements était fixée et les besoins en terme de surface étaient affichés.
Ø La sollicitation des préfets était revendiquée.
Par contre, chacun d’entre eux était libre de procéder, dans le délai imparti, à une concertation large ou à un travail resserré de première analyse technique.
Ø Le calendrier était identifié afin de pouvoir organiser méthodiquement la manœuvre au plan national.
2 mois pour que les préfets remontent des propositions, 2 mois pour les analyser techniquement.
3 – Instruire contradictoirement
Une fois les dossiers parvenus, il est vite apparu que les résultats étaient inégalement précis, notamment en raison des procédés d’instruction mobilisés.
Ainsi,
Ä Certains départements (14 dont tous les outre-mer et plusieurs départements d’Ile-de-France) n’avaient au 16 décembre, rien transmis,
Ä Certains préfets n’ont travaillé qu’avec leurs services techniques à partir des seules emprises de l’Etat,
Ä D’autres ont mobilisé les établissements publics fonciers et donc élargis leurs investigations à des terrains privés,
Ä Certains préfets ont associé les directions interrégionales des services pénitentiaires et des chefs d’établissements,
Ä D’autres ont privilégiés les élus et construits des compromis locaux.
La Direction de l’Administration pénitentiaire et l’Agence Publique pour l’Immobilier de la Justice ont procédé à une étude systématique de tous ces terrains.
J’ai aussi veillé à ce que mon cabinet s’assure du degré de connaissance et d’acceptation des élus concernés par les terrains identifiés.
4 – Décider dans la cohérence
La priorité recherchée est le lancement le plus rapidement possible des travaux.
Et quelques critères se sont imposés pour procéder aux arbitrages.
Ø D’abord la volonté des élus.
Elle n’est pas uniformément répartie.
Ainsi des métropoles (Lyon-Villefranche, Marseille, Strasbourg) sont réticentes,
Ä Est-ce en raison du peu de foncier disponible,
Ä Du fait qu’existent déjà des établissements pénitentiaires souvent conséquents,
Ä De leur capacité d’attractivité éprouvée ?
En l’état, nous n’avons donc pas de projets mûrs sur Lyon et Marseille, alors même que les besoins sont reconnus.
Par contre et parfois dans les mêmes départements, les villes moyennes ont des démarches nettement plus actives.
Ainsi dans le Haut-Rhin, nous retenons Colmar (Haut Rhin) et dans la Meurthe-et-Moselle (Nancy espéré) Dommartin-lès-Toul.
Mais heureusement dans d’autres métropoles, nous pourrons bâtir : Nice, Toulouse (Muret), Rennes ou Nantes (Bouguenais).
Ø Ensuite la proximité des juridictions.
La carte judiciaire découle de choix douloureux faits en 2008.
La construction d’établissements pénitentiaires est de nature à conforter des implantations garantissant ainsi une proximité à tous égards précieuses.
Extractions limitées, maintien des liens familiaux,…
C’est ainsi qu’à Perpignan, Fréjus, Arras (communauté urbaine), Cherbourg, Avignon, Narbonne, Angoulême, Toulon ou Alès, nous renforçons de facto les TGI existants.
Ø Puis les contraintes professionnelles inhérentes à l’administration pénitentiaire.
Cela recouvre par exemple :
Ä L’accessibilité (desserte routière, transports en commun, proximité du tribunal, accès aux hôpitaux, etc.) ;
Ä Les caractéristiques physiques (topographie, cavités souterraines, etc.) ;
Ä L’environnement du site (risques naturels ou industriels, proximité d’un aéroport,…).
Ø Enfin, le coût de l’opération.
Le budget 2017 prévoit 1 milliard 150 millions d’€ en autorisation d’engagements.
Nota : le 20 septembre pour la présentation du plan j’avais indiqué que cette somme était destinée à financer la première tranche de 3 902 cellules (4 355 places).
Dès lors, moins couteux est l’investissement ou plus les collectivités garantissaient leur soutien, plus le choix s’est imposé.
C’est pourquoi nous retenons Vannes, Châlons-en-Champagne (reconversion d’un site militaire), Pau (Pyrénées-Atlantiques), Châtenoy-Le-Royal (Saône-et-Loire, communauté de Châlons-sur-Saône), Entraigues-sur-la-Sorgue (Vaucluse communauté d’agglomération du grand Avignon) et Fontenay-Le-Comte (Vendée).
Forts de cette grille de lecture, décider, ce ne fut pas choisir entre une bonne et une mauvaise solution, cela aurait été plus confortable.
Ce fut tenter de trouver le juste équilibre entre :
Ä Des contraintes techniques,
Ä Des contraintes politiques,
Ä Des contraintes temporelles,
Ä Et des contraintes budgétaires.
Il y aura forcément des déceptions, des frustrations, des étonnements.
Je veux cependant saluer le travail et la mobilisation de toutes les parties prenantes, en particulier les différents services du Ministère.
Je leur ai demandé d’aller vite, de répondre à cette méthode exigeante, pour que nous puissions remplir les objectifs fixés.
5- S’inscrire dans la durée
Les choix faits, il faut maintenant concrétiser.
Ø Dans la plupart des lieux retenus, nous allons engager la phase d’acquisition accompagnées d’études complémentaires.
Notamment dans les 9 sites identifiés comme prioritaires.
Ø Dans d’autres, nous avons besoin d’affiner car des contraintes techniques ont été identifiées et nous comptons sur l’appui des collectivités locales demandeuses pour en baisser l’intensité.
Nice, Narbonne, Ajaccio, Montpellier, Guadeloupe, Guyane.
Ø En Ile-de-France, nous sommes contraints de relancer l’étude sous l’autorité du préfet de région.
La densité de l’urbanisation est telle que rares sont les départements à avoir proposé des terrains disponibles.
Seuls les Yvelines, le Val d’Oise et la Seine et Marne présentent des perspectives concrètes.
J’ai donc demandé au Préfet Michel DELPUECH de reprendre l’ensemble avant le 31 mars.
Notre besoin est de 7 terrains sur la région.
Parallèlement, la commission du livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire conduit à marche soutenue ses travaux.
Elle a été chargée de doter l’administration pénitentiaire d’une doctrine architecturale.
Au-delà de l’amélioration des conditions d’incarcération des personnes détenues, cette doctrine doit contribuer à améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires.
Jean-René LECERF rendra ses préconisations pour le 31 mars 2017.
Nous pourrons alors les intégrer dans la conception des différents établissements dont les capacités sont diverses.
Ainsi notre recherche porte par exemple sur une maison d’arrêt de 100 places à Ajaccio, 200 à Cherbourg ou Châlons-en-Champagne, 300 places à Nantes, 400 places à Angoulême, 600 places à Dommartin-lès-Toul…
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Mon dernier point portera sur les QPS.
Parallèlement à la construction des maisons d’arrêt, le plan Encellulement individuel intègre la réalisation de ces nouvelles structures d’une première capacité de 2 513 places.
Elles sont destinées à accueillir des condamnés :
Ä A des courtes peines ou en fin de peine,
Ä Engagées dans une dynamique d’insertion
Ä Ayant fait l’objet d’une évaluation fondée sur des éléments de personnalité, la situation pénale et le comportement en détention.
L’objectif est simple : mieux préparer la sortie et favoriser le projet de réinsertion.
Le budget 2017 prévoit 230 millions d’euros pour ce programme.
Nous cherchions 16 terrains car 12 QPS seront issus de la transformation de 773 places de Quartiers pour Peines Aménagées (QPA) existants.
Gardignan (20 places), Vivonne (Poitiers – 57 places), Condé-sur-Sarthe (45 places)…
7 ont été identifiés pour un total de 720 places.
Marseille, Rouen, Caen, Lille, Le Mans, Grenoble, Noisy-le-Grand.
La recherche s’est révélée délicate car nous souhaitons que ces QPS soient situés dans les villes et non sur leurs marges car ils portent un projet de réinsertion.
Ainsi nombre des lieux identifiés sont déjà des propriétés de l’Etat.
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4 mois et demi se sont écoulés depuis l’annonce à Agen du Premier ministre Manuel VALLS.
Nous disposons maintenant pour les maisons d’arrêt de 21 terrains techniquement solides, politiquement assumés et financièrement accessibles.
Et le travail se poursuit, avec les collectivités, sous un mois pour en trouver 12 (Ajaccio, Lyon, Marseille, Guyane, Guadeloupe et 7 Ile-de-France).
Et pour les QPS, nous recherchons encore 9 terrains (dont 3 en Ile-de-France).
Le travail accompli est considérable et maintenant une seconde étape est engagée.
Je vous remercie.
Contact presse – Cabinet du garde des sceaux
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