Tribunal foncier - Papeete
Publié le 17 mars 2017
Discours de Monsieur Jean-Jacques URVOAS, garde des sceaux, ministre de la justice,
à l’occasion de la remise officielle du rapport « Pastorel » ;
Avancée du chantier du Tribunal foncier
Papeete – Vendredi 17 mars 2017
Seul le prononcé fait foi
La question foncière est au cœur de bien des problèmes en Polynésie.
J’avais abordé ce point dans le rapport de ma mission, conduite au printemps 2015, en tant que Président de la Commission des Lois.
J’avais constaté qu’en termes de titre de propriété et d’occupation des terrains, les situations étaient très complexes, voire inextricables.
De nombreuses successions ouvertes au XIXe siècle ne sont pas réglées à ce jour, en raison des difficultés à établir les généalogies des héritiers sur plusieurs générations.
Et l’on peut comprendre que ces difficultés soient source de tensions dans les familles polynésiennes.
De même, le retard dans le traitement des dossiers, dont le stock représente 9.7 années, est préjudiciable à la fois :
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pour les justiciables, qui doivent patienter durant des délais très longs, trop longs (68 mois il y a quelques temps & 63 mois actuellement),
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Et pour les professionnels qui sont noyés sous les dossiers.
Naturellement, les élus polynésiens ont beaucoup œuvré pour réduire cette insécurité juridique.
Par exemple, en encourageant la mise en œuvre de ce tribunal, dès la loi du 27 février 2004 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française.
Puis, ce fut :
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l’amendement déposé par Edouard Fritch dans la loi du 16 février 2015, qui a permis de parachever le futur tribunal au plan législatif.
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Puis Maina Sage fut à l’origine d’une série d’amendements, dans le cadre des débats de la loi de modernisation de la Justice du 21e siècle.
Ils ont permis de relancer une dynamique en vue de réformer le fond du droit des successions,
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Et, enfin, l’amendement de Lana Tetuanui à la récente loi sur l’égalité réelle en outre-mer.
Elle a proposé, avec l’appui du Gouvernement, de supprimer les commissaires du Gouvernement du tribunal foncier, qui constituaient en réalité un obstacle à sa mise en œuvre prochaine.
Ces amendements ont ouvert la voie à des réformes d’ampleur, tant du fond du droit que de la procédure civile intéressant les matières successorales et foncières.
L’Etat, aussi, a agi.
Ce fut ainsi la création de ce tribunal foncier, par la loi du 16 février 2015.
Ce chantier, d’un coût d’1 290 000 euros, devrait se terminer à la fin de l’année, après 10 mois de travaux.
Il était nécessaire que ces locaux puissent faciliter les conditions d’exercice des personnels, des magistrats, des greffiers.
Par ailleurs, faire bénéficier les justiciables d’un service public efficace, fait aussi partie de ce que nous appelons une Justice moderne.
C’est pourquoi, depuis octobre 2015, un contrat d’objectif et de moyens soutient l’activité du Tribunal en matière d’affaires de terre, avec l’allocation de :
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2 magistrats, en plus de celui déjà présent ;
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2 greffiers
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4 agents
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8 mois de vacations dédiées à la numérisation des affaires de terres
Ils aident à traiter les dossiers en instance.
Lorsque j’avais rédigé mon rapport en 2015, il y avait un stock de plus de 900 dossiers en souffrance à traiter !
Et, aujourd’hui, ce stock a été ramené à 821 au 31 janvier 2017.
La cour d’appel dispose maintenant d’un conseiller supplémentaire pour traiter des recours en matière d’affaires de terre.
Il devrait rejoindre la cour en septembre prochain.
Il faut dire que l’annonce du tribunal foncier a eu pour effet de multiplier, avant même sa création, le nombre de demandes en matière d’affaires de terre, avec 152 affaires nouvelles en 2016 contre 85 en 2015 !
On voit bien que ce tribunal était très attendu !
Ce tribunal permettra de couvrir les dossiers de tout le territoire.
Certes, seul le tribunal de Papeete aura compétence pour statuer en matière d’affaires de terres.
Mais des audiences foraines seront possibles, dans la section détachée de Raiatana, comme dans celle de Nuku Hiva.
Je sais que vous attendez également la désignation des assesseurs.
C’est pourquoi un décret sera publié dans le courant de l’été pour organiser leur désignation.
Ensuite, les problèmes fonciers ne pourront pas être résolus, sans que nous ne fassions parallèlement une réforme de fond.
C’est pourquoi j’ai relancé le groupe de travail, dont la présidence avait été confiée au professeur Pastorel.
Je tiens à remercier tous les membres du groupe de travail pour leur participation.
Nous analysons leurs préconisations.
Mais d’ores et déjà, au moins deux d’entre elles pourront être reprises, à condition d’être généralisées à la métropole pour éviter toute rupture d’égalité entre les justiciables.
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Il s’agit d’abord d’aménager le recours en annulation du partage en cas d’omission par erreur ou ignorance d’un des héritiers.
Alors que l’héritier omis pouvait demander une attribution de part en nature ou équivalence, les autres héritiers pourraient désormais le lui imposer ;
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Il s’agit aussi de prévoir une attribution préférentielle du logement pour tout occupant paisible de plus de dix ans indépendamment de savoir qui était occupant au décès des différents défunts, dont les successions ont conduit à des indivisions multiples.
Enfin, nous en sommes tous conscients : une réforme de la procédure civile devant le tribunal est nécessaire.
Elle pourrait notamment aborder la représentation par souches devant le tribunal.
Elle est entre vos mains et je ne peux que vous inviter à vous en saisir.
En tout cas, Mesdames et Messieurs, tout cela témoigne de notre action et de notre volonté politique commune à répondre à vos besoins, à vos attentes et à vos problèmes.
Ce futur tribunal sera la clef de sortie de vos difficultés foncières et l’incarnation d’une justice du quotidien lisible, accessible, simple et efficace.
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