[Archives] Présentation du budget 2006 à la presse
Publié le 28 septembre 2005
Discours de Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de me retrouver devant vous aujourd’hui pour vous présenter le projet de loi de finances dans les parties qui concernent le ministère de la Justice.
Quelques mots auparavant sur le contexte général du budget 2006 :
Il s’agit d’un budget volontariste qui comporte des engagements concrets pour soutenir l’emploi. En témoignent les montants accordés à l’accompagnement du plan de cohésion sociale et aux mesures s’inscrivant dans la bataille pour l’emploi menée par tout le gouvernement.
Il s’agit également d’un budget équilibré, qui traduit l’engagement du gouvernement de contenir le déficit public.
Ces deux objectifs se retrouvent dans le budget de la Justice.
La Justice sera en 2006 le ministère de la réforme. Elle auraà coeur de se montrer digne de la confiance des Français en rendant compte de ses dépenses. C’est le sens de la révolution culturelle initiée par la LOLF. Elle aura aussi à coeur d’être plus performante et mieux organisée. C’est le sens des actions engagées par le gouvernement pour moderniser l’Etat et lui redonner toute sa force d’intervention dans les domaines régaliens.
Le budget de la Justice s’inspire d’une démarche volontariste. La priorité accordée à son ministère a été réaffirmée.
Le budget de la Justice augmente de 4,6% selon le projet de loi de finances, et s’élève au total à 5,9 milliards d’euros. Il avait augmenté de 4% en 2005. Cette priorité continue depuis la Loi d’Orientation et de Programmation de la Justice, votée en 2002, marque la volonté du gouvernement de consolider l’Etat de droit, en donnant à la Justice les moyens d’être sereine et efficace. Je n’accepte pas l’Etat partiel, l’Etat qui renonceà accomplir ses missions fondamentales.
Cette priorité budgétaire permettra à la Justice d’être réellement en 2006 un ministère au coeur de l’action. Nous pourrons mener une politique ambitieuse pour mieux garantir la sécurité des Français et pour mieux réinsérer les personnes suivies par ses services.
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Le Ministère de la Justice est acteur dans la révolution culturelle de la LOLF, que j’appelai depuis longtemps de mes voeux.
En tant que député puis président de la commission des lois de l’Assemblée Nationale, j’ai toujours soutenu cette initiative de bonne gestion qui se concrétise enfin cette année.
Cette véritable révolution permettra de mieux maîtriser le budget de la Justice et de mieux piloter les actions conduites afin de les rendre plus performantes.
La LOLF introduit une nouvelle maîtrise du budget permettant de mieux contrôler les crédits et de rationnaliser les dépenses. Ainsi, les parlementaires ne se prononçaient que sur les mesures nouvelles, soit 6% du budget général. Désormais, 100% des crédits seront décidés par mission en fonction d’objectifs que le Parlement nous aura assignés.
Afin de présenter un budget plus transparent, le parlement a voté la transformation des crédits évaluatifs en crédits limitatifs. Sont concernés les frais de justice, c’est-à-dire les dépenses engagées pour la recherche de la vérité dans une affaire judiciaire, telles que des écoutes téléphoniques ou des analyses génétiques, qui ont augmenté de 20% chaque année depuis 3 ans. Ils sont inscrits pour 370 millions d’euros dans le PLF 2006.
Cette obligation de maîtriser les frais de justice doit être une chance pour la Justice. J’ai mis en place un plan d’accompagnement au niveau de la chancellerie et dans les juridictions pour que la transition se passe dans de bonnes conditions.
Chaque juridiction disposera d’une enveloppe globale et pourra recourir le cas échéant à un fonds d’urgence. Cela signifie que la liberté de prescription des magistrats reste intacte. Aucune limitation ne leur sera opposée lorsqu’ils ordonneront desé léments d’information nécessaires à la résolution d’une affaire.
Je rappelle que le dépassement des montants évaluatifs des frais de justice entraînait auparavant, d’une façon ou d’une autre une réduction des crédits mis à la disposition du ministère.
J’ai ainsi demandé aux chefs de cours, il y a deux semaines, de rechercher des solutions moins coûteuses, par exemple en comparant les prix, à prestation égale, auprès des opérateurs téléphoniques ou des laboratoires médicaux. Cet effort de gestion, ce souci de l’argent public, dans le respect de l’indépendance de la décision du juge, marquera l’entrée de la Justice dans une nouvelle ère : celle de la responsabilité.
La LOLF est également un outil de pilotage des finances publiques permettant d’orienter les dépenses vers une plus grande performance. La mission Justice est organisée en 5 programmes :
- Accès au droit et aide aux victimes,
- Justice judiciaire,
- Protection Judiciaire de la Jeunesse,
- Soutien et formation,
- Administration pénitentiaire.
Ces crédits seront plus librement gérés par les managers publics. Ils pourront être répartis plus facilement en fonction des réalités locales. Les premières expérimentations ont déjà montré des résultats à la hauteur de cette ambition. Ce ministère est en passe d’apprendre la gestion territoriale du service public de la Justice. J’en ai déjà des exemples.
La direction des services pénitentiaires de Rhône-Alpes-Auvergne expérimente la globalisation des crédits depuis le 1er janvier 2004. Ce nouveau mode de gestion lui a permis de dégager près de 2,4 millions d’euros, soit 2,4% de son budget global.
Grâce à ces économies, cette direction a financé la rénovation d’établissements pénitentiaires, qui ont pu, par exemple, rénover leurs parloirs pour améliorer l’accueil des familles. La LOLF est donc un outil moteur de la responsabilisation desé chelons déconcentrés de la Justice.
Plus généralement, la Justice, comme les autres administrations, a élaboré des indicateurs de résultats sur lesquelles elle sera jugée. Encore une fois, il ne s’agit pas d’une confusion des genres, mais d’une logique de performance qui doit créer un cercle vertueux au sein de toutes les administrations. Nous aurons à coeur de les respecter.
Un autre exemple est évocateur.
L’opinion publique s’est parfois interrogée sur le nombre exact des fonctionnaires de l’administration. Cette période est révolue. Pourquoi ?
Avant la LOLF, on comptabilisait les créations de postes budgétaires sans se préoccuper des recrutements effectifs dans les juridictions ou les services de la Justice. Nous disposons désormais d’une méthode de décompte précise : les Equivalents Temps Plein Travaillés.
Que nous enseigne cette mesure comptable ?
Elle signifie que le ministère de la Justice aura la possibilité de recruter en 2006 près de 5000 personnes. Le ministère de la Justice emploie en effet 66 500 ETPT, alors qu’il disposera l’année prochaine d’une autorisation budgétaire de 71 500 ETPT. Ces postes vacants nous permettront d’affecter des personnels sur de nouvelles missions prioritaires, telles que l’exécution des peines, à l’occasion du redéploiement des effectifs.
Vous comprenez bien que toute comparaison avec les années précédentes en matière de création de postes n’aurait aucun sens. En 2005, 1100 postes ont été créés au sein du ministère de la Justice, sur 3000 postes créés dans la fonction publique d’Etat. En 2006, la Justice bénéficiera de 500 créations de postes supplémentaires, alors que l’Etat ne remplacera pas 5000 postes de fonctionnaires supprimés. Mais l’enjeu n’est pas là.
Ce qui compte pour les juridictions et les justiciables, c’est le nombre de magistrats et d’agents publics réellement présents sur le terrain. L’année 2006 verra l’arrivée de nombreux fonctionnaires de catégorie B et C. Nous insisterons tout particulièrement en 2007 sur le recrutement d’agents de catégorie C.
Je souhaite justement que cette révolution culturelle ait une réelle incidence au niveau local, dans le travail quotidien de chacun des agents du ministère, et soit l’occasion d’une gestion des personnels plus ambitieuse.
J’insiste sur le fait que cette politique de recrutements ne sera possible que par une déconcentration des embauches.
La répartition des crédits s’organise autour de mes trois grandes priorités :
- Garantir les libertés et améliorer la vie quotidienne des Français dans leurs relations avec la Justice
- Garantir la sécurité des Français, notamment en assurant l’exécution des peines ainsi que celle des personnels
- Garantir une deuxième chance à ceux qui sont suivis par les services du Ministère de la Justice
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Je crois que le ministère de la Justice est avant tout celui des libertés et de la vie quotidienne. Et cette conviction a une réalité budgétaire.
La défense des libertés signifie de protéger les victimes et de leur garantir une prise en charge concrète. C’est pourquoi le budget de l’aide aux victimes connaît une très forte progression de 12%. Avec 9,2 millions d’euros, la prise en charge des victimes en urgence aura des moyens plus conformes à la noblesse de sa mission.
La défense des libertés passe aussi par le renforcement très significatif du budget de la CNIL, la Commission Nationale Informatique et Libertés. Près de 9 millions d’euros lui sont attribués, soit une hausse de 26%.
La Justice est un service public de proximité. J’entends qu’elle soit encore plus facile d’accès et ses délais les plus faibles possibles. C’est en effet la mission du service public d’améliorer la vie quotidienne des Français.
Le budget des juridictions judiciaires représente 42% du budget de la Justice. Il bénéficie de 2,5 milliards d’euros, soit une augmentation à périmètre constant de 8%.
La réduction des délais de la Justice nécessite un renforcement des personnels en juridiction. En 2006, près de 2000 personnes supplémentaires, dont 651 fonctionnaires de greffe et 279 magistrats pourront intervenir sur le terrain pour rendre la Justice plus rapide et plus efficace. J’ajoute que les traitements seront revalorisés à hauteur de 8,4 millions d’euros, dont la moitié sera consacrée aux greffiers et aux personnels de catégorie C.
Cette exigence implique également de moderniser nos juridictions. Près de 160 million d’euros d’autorisations d’engagement seront destinés à la construction de nouveaux bâtiments judiciaires et 5,6 millions d’euros seront affectés à la poursuite du déploiement de l’informatique déconcentrée et à la visioconférence.
Comment cet effort sera-t-il mesuré ? Le premier objectif du programme Justice Judiciaire s’intitule « Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile ». Des indicateurs définissent ensuite l’amélioration de la performance des juridictions. Très concrètement, les affaires de divorce jugées devant les TGI durent en moyenne 11 mois aujourd’hui et ne devront pas dépasser 6 mois en 2007. De même, la durée de traitement des affaires devant les Tribunaux d’Instance, actuellement de 4 mois et demi, ne devront pas dépasser 3
mois en 2007.
Un autre indicateur me semble important : le délai moyen de délivrance de la copie revêtue de la formule exécutoire. Ce délai est de 9 jours dans les TGI et de 18 jours auprès des Conseils de Prud’hommes. Notre action devra aboutir à des délais respectivement de 5 et de 10 jours en 2007. Vous pouvez constater que nous avons placé la barre suffisamment haute pour que les justiciables voient leur situation s’améliore sensiblement.
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Cette ambition pour la Justice a pour objet de garantir la sécurité des Français et des personnels du Ministère de la Justice. Je crois en effet que ce minist ère est aussi le ministère de la sécurité.
J’ai souhaité pour cela que la Justice dispose de moyens renforcés.
Ainsi, les juridictions bénéficieront de 500 000 euros pour accompagner la création des Bureaux d’Exécution des Peines. Ces crédits nouveaux s’accompagneront bien entendu de renforts en effectifs pour rendre cette priorité tangible dès le 1er janvier 2006.
L’administration pénitentiaire aura un rôle primordial en ce domaine. Elle bénéficiera ainsi du nouveau recrutement de près de 2000 ETPT. Près de 35 millions d’euros supplémentaire seront affectés à la modernisation des établissements et à la politique d’aménagement des peines, notamment pour augmenter le nombre de placements sous bracelet électronique.
Afin de lutter efficacement contre la surpopulation carcérale, les programmes de construction de nouveaux établissements, modernes et adaptés, continuent. Cette ambition se traduit par 932 millions d’euros d’autorisations d’engagement destinés à la construction de dix établissements pénitentiaires pour majeurs, dont un à la Réunion, et de sept établissements pénitentiaires pour mineurs, certains sous la forme d’un partenariat public-privé.
Cet engagement de garantir la sécurité des Français n’aurait pas de sens s’il ne concernait pas les acteurs eux-mêmes du monde judiciaire. Vous connaissez ma détermination à assurer la sécurité des juridictions.
Elle se traduira dès cette année par 2,1 millions d’euros supplémentaires. L’an dernier, le budget sécurité s’élevait à 7,2 millions d’euros. Il s’élève aujourd’hui à 11,8 millions d’euros.
En effet, dès le mois de septembre, je me suis battu pour que des crédits à hauteur de 2,5 millions d’euros soient immédiatement mis au service de la sécurité des personnels. S’ajoute à cela le recrutement de personnels de sécurité, conformément au plan que j’ai présenté au début du mois.
La dimension sociale du ministère de la Justice n’est pas occultée pour autant. 22 millions d’euros seront consacrésà l’action sociale en faveur des personnels dont 2 millions d’euros au titre de la réservation de logements sociaux.
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J’ai souhaité enfin que le ministère de la Justice devienne le ministère de la deuxième chance. Tant les mineurs suivis par la PJJ que les détenus ayant purgé leur peine ont vocation à se réinsérer dans la société et à mener une vie normale.
La Protection Judiciaire de la Jeunesse pourra recruter 719 ETPT, dont 60 emplois nouveaux. Ces professionnels pourront en 2006 soutenir l’effort de la Justice en faveur de la réinsertion. Ils bénéficieront également du réseau de parrainage de jeunes par les membres de la société civile que je suis en train de mettre en place.
Enfin, les détenus se verront proposer l’année prochaine des actions ambitieuses de réinsertion qui permettront de mieux lutter contre la récidive. Je souhaite qu’une partie non négligeable des recrutements de l’administration pénitentiaire aille aux Services de Probation et d’Insertion Pénitentiaires ainsi qu’aux personnels chargés de l’accompagnement des détenus.
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Mesdames et Messieurs, j’ai l’ambition d’une Justice qui soit reconnue comme un modèle d’efficacité, de rapidité et de transparence. Des efforts en termes d’organisation devront être fournis. Mais nous avons les moyens de réaliser ces objectifs. J’ai demandé aux directeurs de services et aux chefs de cours de concrétiser rapidement la confiance dont leur fait preuve le gouvernement et les Français.
Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.