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Le procès de Marie-Antoinette
Publié le 17 octobre 2011 - Mis à jour le 16 juillet 2024
"Mon Dieu, si nous avons commis des fautes, nous les avons certainement expiées aussi !" - Marie-Antoinette
Onzième fille de l’empereur François Ier de Lorraine et de Marie-Thérèse d’Autriche, Marie-Antoinette, née le 2 novembre 1755, épouse au printemps 1770 le futur Louis XVI. Ce mariage vise à réconcilier et sceller l’alliance entre la monarchie française et celle des Hasbourg. Devenue reine à seulement 18 ans, celle qui fut surnommée tour à tour "L’Autrichienne", "Madame Déficit" et "Madame Veto", reste un personnage mythique après sa mort survenue le 16 octobre 1793.
Le contexte
La veuve Capet
Après l’exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793, Marie-Antoinette sombre dans une profonde prostration. Toujours enfermée dans la prison du Temple depuis le mois d’août 1792, personne ne semble se soucier de son sort. Face à la coalition des puissances étrangères, la Convention adopte une série de mesures d’exception (création d’un tribunal révolutionnaire et établissement de listes de suspects notamment).
Ce n’est qu’en mars 1793 que son sort est évoqué par Robespierre devant la Convention ; il demande que la reine soit traduite devant le Tribunal révolutionnaire. Pour éviter un présumé complot qui aurait pour but d’enlever le fils de Louis XVI et de le proclamer sous le nom de Louis XVII, on la sépare de son fils en juillet. Cette séparation achève de la briser. Demeurant avec sa fille, Madame Royale, et sa belle-sœur, Madame Elizabeth, la "veuve Capet" est transférée à la Conciergerie dans la nuit du 2 août 1793. Là-bas, offerte aux yeux du public, le spectacle de "l’Autrichienne" en prison devient une source de revenus au profit du concierge.
Le complot des œillets
Plusieurs solutions ont été envisagées pour sauver la reine. La seule qui a failli réussir revient à Jean-Baptiste Michonis, inspecteur des prisons, et Alexandre Gonsse de Rougeville, ancien chevalier du roi Louis XVI. Venus visiter la reine le 28 août 1793, le chevalier porte deux œillets rouges à la boutonnière qu’il laisse tomber afin que la reine puisse lire les messages roulés dans les pétales. Les deux hommes repartent rapidement accompagnés d’un des gendarmes. Marie-Antoinette prend connaissance des deux billets qui lui dévoilent un projet d’évasion. Privée de crayon, elle répond en traçant des lettres à coups d’épingle sur un papier. Mais le stratagème est découvert et, profitant de cette affaire, la Convention envoie deux députés pour l’interroger.
Sur fond de menaces intérieures et extérieures, l’affaire de l’œillet ravive la haine contre la "louve autrichienne" et n’est qu’un prétexte pour instruire son procès. La proposition du député Billaud-Varenne tendant à ce que "la veuve Capet, la honte de l’humanité et de son sexe" soit décrétée d’accusation et exécutée, est adoptée le 3 octobre 1793.
L'instruction
Un dossier vide
Le 12 octobre 1793, à 6 h, Marie-Antoinette subit un interrogatoire secret destiné à préparer l'audience devant débuter le surlendemain. Entourée de deux gendarmes et d'un huissier, elle traverse la cour des hommes puis, par l'escalier Bonbec, pénètre dans la salle d'audience du Tribunal révolutionnaire. Cette "salle de la Liberté" (Grand'chambre) est la salle dans laquelle les rois tenaient jadis leurs lits de justice.
La reine est invitée à s'asseoir sur une banquette, devant le bureau du jeune président du tribunal, Martial Joseph Armand Herman qui fait office de juge d'instruction, et en présence de l'accusateur public Fouquier-Tinville.
Le président Herman demande d'abord à la reine ses nom, âge, profession, pays, et demeure.
La reine répond : "Marie-Antoinette de Lorraine d'Autriche, âgée de 37 ans, veuve du roi de France".
Puis il articule son instruction autour de quelques thèmes majeurs :
- ses relations coupables avec l'Autriche
- ses dépenses excessives
- son influence néfaste sur Louis XVI
- son rôle dans plusieurs épisodes controversés de la Révolution : le banquet du 1er octobre 1789, la fuite en berline suivie de l'arrestation à Varennes, le massacre des Tuileries (10 août 1792) et plus récemment la "conspiration de l'œillet".
Les faits imputés
Les questions posées à Marie-Antoinette n'appellent pas de réponses : elles constituent déjà des accusations.
Accusation : "Non contente de dilapider d'une manière effroyable les finances de la France, fruit des sueurs du peuple, pour vos plaisirs et vos intrigues, de concert avec d'infâmes ministres, vous avez fait passer à l'empereur des millions pour servir contre le peuple qui vous nourrissait".
Marie-Antoinette (s'exprimant à la troisième personne du singulier): "Jamais, elle sait que souvent on s'est servi de ce moyen contre elle ; qu'elle aimait trop son époux pour dilapider l'argent de son pays ; que son frère n'avait pas besoin de l'argent de la France ; et par les mêmes principes qui l'attachaient à la France, elle ne lui en aurait point donné".
Accusation : " Lorsqu'il était question de savoir si Louis Capet sanctionnerait ou opposerait son veto aux décrets rendus dans le courant de novembre 1791, concernant ses frères, les émigrés et les prêtres réfractaires et fanatiques, ce n'est pas elle qui a déterminé Louis Capet à apposer son veto à ces décrets ?".
Marie-Antoinette : "Que son époux n'avait pas besoin qu'on le pressât pour faire ce qu'il croyait de son devoir ; qu'elle n'était point de conseil ; et que ce n'est que là que ces sortes d'affaires se traitaient et se décidaient".
Accusation : "C'est vous qui avez appris à Louis Capet cet art de profonde dissimulation avec laquelle il a trompé trop longtemps le bon peuple français, qui ne se doutait pas qu'on pût porter à un tel degré la scélératesse et la perfidie ?".
Marie-Antoinette : "Oui le peuple a été trompé ; il l'a été cruellement, mais ce n'est ni par son mari, ni par elle".
Accusation : "Vous n'avez jamais cessé un moment de vouloir détruire la liberté ; vous vouliez à quelque prix que ce fût remonter au trône sur les cadavres des patriotes ?".
Marie-Antoinette : "Qu'ils n'avaient pas besoin de remonter sur le trône, qu'ils y étaient ; qu'ils n'ont jamais désiré que le bonheur de la France, qu'elle fut heureuse ; mais qu'elle le soit, ils seront toujours contents".
Le procès
Coupable désignée
Depuis la mort du roi, la reine n’a plus la même densité politique, et "la veuve Capet", à la différence de son époux, comparait devant une véritable institution et non pas devant la représentation nationale.
Son procès débute le 14 octobre 1793 et va durer deux jours. Ses avocats commis d’office, Chauveau-Lagarde et Tronçon-Ducoudray, sont avertis à la dernière minute et ont à peine le temps de décortiquer l’amas confus et volumineux des pièces du procès.
Trois chefs d’accusation sont retenus :
- d’avoir épuisé le trésor national
- d’avoir entretenu des intelligences et des correspondances avec l’ennemi
- d’avoir tramé des conspirations contre la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat
Les témoignages qui se succèdent à la barre n’apportent guère de charges sérieuses contre l’accusée, qualifiée de "fléau et de sangsue des Français" par l’accusateur public, Fouquier-Tinville.
Les attaques personnelles se multiplient allant même jusqu’à l’accuser d’inceste. Indignée, sa célèbre riposte "Si je n'ai pas répondu, c'est que la nature elle-même refuse de répondre à de telles accusations faites à une mère. J’en appelle à toutes les mères !" va émouvoir et transformer l’atmosphère du tribunal, sans pour autant atteindre les jurés.
Malgré l’ardeur de ses avocats qui opposent à la gravité des accusations l’absence de preuves, le sort de la reine est déjà fixé.
La condamnation
Quatre questions sont posées aux jurés :
- est-il constant qu’il ait existé des manœuvres et des intelligences avec les puissances étrangères et autres ennemis extérieurs de la République, lesdites manœuvres et des intelligences tendant à leur fournir des secours en argent, à leur donner l’entrée du territoire français et à leur faciliter le progrès de leurs armes ?
- Marie-Antoinette d’Autriche (…) est-elle convaincue d’avoir coopéré à ces manœuvres et d’avoir entretenu ces intelligences ?
- Est-il constant qu’il ait existé un complot et une conspiration tendant à allumer la guerre civile à l’intérieur de la République ?
- Marie-Antoinette est-elle convaincue d’avoir participé à ce complot et à cette conspiration ?
Condamnée à mort pour haute trahison le 16 octobre 1793, elle est guillotinée le jour même sur la place de la Révolution (l'actuelle place de la Concorde).
Inhumée au cimetière de la Madeleine auprès de son mari dans une fosse commune, son acte de décès est établi le 24 octobre 1793 : "Du trois du second mois de l'an Second de la République française (24 octobre 1793). Acte de décès de Marie Antoinette Lorraine d'Autriche du vingt-cinq du mois dernier (16 octobre 1793) âgée de trente-huit ans, veuve de Louis Capet, vu l'extrait du jugement du tribunal criminel révolutionnaire et du procès-verbal d'exécution en date du 25 du mois dernier".
En 1815, ses restes sont transférés à la basilique Saint-Denis. L'ancien cimetière, renommé aujourd'hui le square Louis XVI, abrite une chapelle érigée en 1826 en leur mémoire.