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Séminaire international de lutte contre la criminalité organisée
Publié le 17 mai 2023
Organisé les 27 et 28 avril 2023 par le ministère de la Justice, ce séminaire a réuni près de 200 magistrats, enquêteurs et experts internationaux. L’enjeu : réaffirmer la position centrale de l’institution judiciaire dans la lutte contre la criminalité organisée et renforcer la coordination internationale des enquêtes.
Opportunité unique d’échanges entre acteurs spécialisés dans la lutte contre la criminalité organisée issus d’une trentaine de pays, ce séminaire avait pour objectif principal de renforcer la coopération internationale. Il a notamment permis de dresser un état mondial de la menace en la matière, au travers des interventions du garde des Sceaux, d’Eurojust, d’Europol, de la Commission européenne, de représentants de la présidence suédoise du Conseil, du Conseil de l’Europe et de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
Le constat partagé est celui d’une menace transversale qui gagne en intensité, touche de multiples domaines (trafic de stupéfiants, traite des êtres humains, trafic d’armes, règlements de comptes, blanchiment) et étend ses ramifications sur l’ensemble des territoires européens et internationaux. Les réseaux criminels, recourant massivement à la violence et à la corruption, représentent un réel défi pour les démocraties et imposent une coopération renforcée de l’ensemble des États.
Le rôle déterminant de la coopération internationale
Les retours d’expérience dans le traitement de dossiers complexes, à forte dimension internationale, ont mis en avant le développement de techniques d’enquête innovantes et de modalités d’échange d’information renouvelées.
À ce titre, les dossiers dans lesquels des dispositifs de captation des réseaux de téléphonie cryptée avaient pu être mis en œuvre ont constitué des exemples uniques d’une coopération opérationnelle à l’échelle internationale. Grâce à une bonne coordination de la part d’Europol et d’Eurojust, des opérations de démantèlement de réseaux de grande ampleur ont été réalisées à travers le monde – dont certaines ont pu être décrites de manière concrète et anonymisée par les autorités judiciaires de Suède, du Brésil ou encore de Bosnie.
Force a été ainsi de constater que ces dossiers de téléphonie initiées en France ont permis le développement de nouvelles méthodes de travail – certains États ayant été jusqu’à mettre en place une organisation interne dédiée à la centralisation, à l’analyse et au traitement de ces données. De l’avis unanime des participants, les poursuites engagées sur la base de ces éléments partagés au titre de la coopération internationale ont contribué à la déstabilisation majeure d’un grand nombre d’organisations criminelles.
Regards croisés sur les différentes stratégies de lutte contre la criminalité organisée
La table ronde dédiée aux organisations judiciaires spécialisées dans la lutte contre la criminalité organisée mises en place en France, en Espagne, en Italie ou encore en Roumanie a permis de rappeler les atouts incontestables de la centralisation du traitement de ce contentieux. Dans des dossiers présentant bien souvent de multiples ramifications internationales, l’intérêt de la spécialisation des acteurs a été souligné, en vue du développement de stratégies d’enquêtes et de poursuites proactives.
Ce séminaire a également été l’occasion d’exposer et de confronter les différentes stratégies nationales de lutte contre la criminalité organisée, en particulier s’agissant du trafic de stupéfiants par voie maritime. Les procureurs de Rotterdam, d’Anvers et de Colombie ainsi que le directeur central de la police judiciaire française ont évoqué les nombreuses initiatives judiciaires en la matière. Une réflexion sur les types d’entraves judiciaires et extra-judiciaires susceptibles d’être mises en œuvre en la matière a été engagée.
Renforcement des moyens logistiques, des politiques de lutte contre la corruption, des investigations patrimoniales, des livraisons surveillées, des moyens d’infiltrations policiers, ou encore développement d’une approche multidisciplinaire et partenariale impliquant les acteurs du secteur privé, dont les armateurs et les sociétés accédant aux emprises portuaires... De multiples axes pour répondre à cette problématique du trafic maritime ont été abordés par les participants à la table ronde.
Des outils efficaces pour démanteler les réseaux criminels
Enfin, la matinée du 28 avril a été consacrée aux outils à la disposition des autorités judiciaires et des services d’enquête afin de faciliter le démantèlement des réseaux criminels. Les techniques d’infiltration des réseaux criminels par le recours aux sources humaines et aux repentis, présentées par les procureurs canadien, américain et britannique ont constitué des sources d’inspiration audacieuses pour l’ensemble des pays participant au séminaire.
De même, les stratégies de pistage et de suivi des flux financiers, lorsqu’elles sont mises en œuvre de façon concertée dans un contexte international, donnent de très bons résultats. Les exemples concrets cités ont démontré que l’on pouvait, via les flux financiers, identifier les membres du réseau, trouver un biais pour les infiltrer et obtenir des condamnations significatives – y compris par le recours à des mécanismes de renversement de la charge de la preuve au travers notamment de la présomption de blanchiment. Objectif : confisquer les avoirs pour que le crime ne paie pas et pour que les biens injustement acquis puissent être restitués ou réaffectés (avec le développement fortement encouragé en France, à l’instar de l’Italie, des affectations de biens immobiliers à des fins sociales).
En confrontant les pratiques des différents pays, ce séminaire exceptionnel a permis d’identifier des axes stratégiques forts pour répondre collectivement aux défis posés par la criminalité organisée, afin que toujours soit rappelée la prééminence de l’État de droit.