Alors que le trafic de stupéfiants et l’extrême violence qu’il engendre constituent des menaces grandissantes pour la République, les moyens mis en œuvre pour lutter contre ce fléau doivent prendre une nouvelle dimension afin d’être plus efficaces. Le plan gouvernemental de lutte contre la criminalité organisée prévoit notamment, pour ce qui concerne la Justice, un appareil d’investigation, de répression et de détention beaucoup plus puissant qu’aujourd’hui. Le Parlement, le moment venu, pourra apporter des compléments utiles, en particulier dans le domaine de la procédure pénale.
Didier Migaud, garde des Sceaux, ministre de la Justice, a présenté le 8 novembre 2024 une série de mesures immédiatement applicables et qui le resteront après l’intervention du Parlement afin de répondre à l’urgence de la situation, en donnant à la Justice des moyens adaptés pour prévenir, investiguer, poursuivre, juger, sanctionner et réparer.
Prévenir
Une campagne de communication sera lancée pour révéler les liens entre l’usage de stupéfiants, les violences des trafiquants et les infractions qui en découlent.
L’application de sanctions à l’encontre des consommateurs de stupéfiants sera plus systématique.
Le nouveau plan anticorruption élaboré par l’Agence française anticorruption comprendra des mesures contre la criminalité organisée.
Investiguer
Le recours aux outils numériques, notamment ceux déployés par l’Agence nationale des techniques d’enquêtes numériques judiciaires, sera renforcé : géolocalisation, interception de correspondances, sonorisation, captation informatique…
Pour démonter les rouages financiers des organisations criminelles, les investigations financières seront systématisées en mobilisant les groupes interministériels de recherche, composés d’agents des douanes, des finances publiques, de police et de gendarmerie, de l’Urssaf...
Parce que la criminalité organisée ne s’arrête pas à nos frontières, le ministère de la Justice installera un magistrat de liaison à Bogota afin de faciliter la coopération judiciaire et de porter notre action au plus près des zones de production, et un quatrième magistrat dédié à la criminalité organisée à Bruxelles. Chaque fois que nécessaire, des assistants dédiés à la saisie des avoirs criminels prêteront main-forte aux magistrats déployés à l’étranger.
Le ministère de la Justice défendra la création d’un bouclier judiciaire européen, notamment en mobilisant les procureurs européens des zones portuaires et en facilitant l’accès par les services enquêteurs aux données numériques des réseaux criminels.
Poursuivre
L’action des parquets en matière de criminalité organisée doit être beaucoup plus coordonnée au niveau national.
Le parquet de Paris, compétent aujourd’hui en matière de criminalité organisée au niveau national en tant que parquet de la juridiction nationale chargée des affaires de criminalité organisée (Junalco), sera renforcé pour évoluer vers un véritable parquet national, pleinement armé pour piloter la lutte avec les parquets interrégionaux (JIRS) et les parquets locaux (infra-JIRS).
Pour cela, les remontées d’informations entre ces parquets vont devenir pleinement obligatoires.
En outre, une cellule de coordination nationale, chargée de dresser un état de la menace, de fixer une stratégie opérationnelle et de la mettre en œuvre, sera instituée au parquet de Paris. Elle sera composée de magistrats et bénéficiera de l’appui d’experts ainsi que d’analystes criminels.
Les équipes du parquet de Paris travaillant à la lutte contre la criminalité organisée au niveau national seront renforcées de 40 % (dix postes créés).
Juger
Parce qu’il ne suffit pas de renforcer l’investigation et les poursuites si l’on ne peut pas juger dans des délais raisonnables, cinq postes de juges supplémentaires seront créés à Paris et l’équipe autour des magistrats sera consolidée.
Les effectifs dans les JIRS seront sanctuarisés et renforcés sur l’ensemble du territoire, pour tenir compte des demandes récurrentes des acteurs de terrain. Des renforts seront également étudiés au sein des parquets généraux et des parquets locaux où les besoins apparaîtraient en matière de criminalité organisée.
Sanctionner
Parce qu’il est intolérable que les réseaux criminels puissent poursuivre leur activité depuis des lieux de détention, la prise en charge des détenus sera adaptée en fonction de leur niveau de dangerosité et des quartiers spécifiques seront créés : déploiement de 100 dispositifs mobiles de brouillage des communications et de moyens anti-drones, démultiplication et sécurisation renforcée des places à l’isolement, mise en place d’équipes cyno techniques (chiens de recherche de stupéfiants, armes et explosifs) pour multiplier les opérations de recherche, etc.
Des véhicules d’extraction judiciaire « nouvelle génération », aux équipements adaptés, permettront de mieux sécuriser les personnels pénitentiaires.
Pour frapper les criminels au portefeuille, les possibilités de saisie et de confiscation judiciaires seront renforcées.
Par ailleurs, le cadre judiciaire sera adapté aux mineurs les plus ancrés dans la délinquance et les capacités d’accueil en centre éducatif fermé seront multipliées.
Réparer
Une mission sera confiée à la déléguée interministérielle à l’aide aux victimes pour évaluer les besoins spécifiques des victimes de la criminalité organisée.
Les victimes d’actes extrêmement violents souffrent aussi d’une stigmatisation liée aux quartiers pris pour cibles par les réseaux, dans lesquels ils vivent et travaillent. Les associations qui les accompagnent seront davantage soutenues.
Le principe de « prendre aux criminels pour rendre aux victimes » sera favorisé à travers, notamment, les affectations sociales des biens confisqués, à l’exemple d’une maison confisquée à Marseille à un trafiquant de stupéfiants au profit de l’accueil et de l’hébergement de victimes d’infraction en 2023.
Faire évoluer l’arsenal législatif
Au-delà de ces mesures d’urgence, le second volet du dispositif de lutte contre la criminalité organisée prévoit l’évolution de l’arsenal législatif, sur la base de la proposition de loi des sénateurs Étienne Blanc et Jérôme Durain, qui sera soumise au vote du Parlement.
Parmi les dispositions les plus structurantes figurent l’amélioration du régime des repentis, l’extension de moyens d’enquête dérogatoires ou encore le partage des informations judiciaires aux services de renseignement.
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