[Archives] Réunion Plénière du Conseil National de l'Aide aux Victimes

Publié le 08 décembre 2006

Discours de Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux

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Mesdames et Messieurs les représentants des Ministres membres du CNAV,
Madame le maire de Toul,
Messieurs les Présidents,
Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil National d’Aide aux Victimes,
Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de vous accueillir au Ministère de la Justice pour la réunion plénière du Conseil National de l’Aide aux Victimes de l’année 2006.

Je salue particulièrement tous ceux d’entre vous qui ont donné de leur temps pour participer aux travaux de ce Conseil, travaux qui nourrissent la réflexion des ministères qui interviennent en ce domaine et qui permettent la mise en œuvre effective d’une politique coordonnée d’aide aux victimes.

Cette année 2006 est symbolique à bien des égards pour l’aide aux victimes. Elle marque tout d’abord, le vingtième anniversaire de la loi du 9 septembre 1986 de lutte contre le terrorisme qui a permis aux victimes de ces actes de barbarie d’être enfin prises en compte et indemnisées. Cette loi a en effet mis en place le Fonds de Garantie des actes de Terrorisme, témoignant de la solidarité dont nous sommes tous redevables envers les victimes.

Mais ces dispositions n’auraient sans doute pas vu le jour sans l’opiniâtreté des victimes et de leurs représentants qui se sont mobilisés pour que la collectivité vienne soutenir et réparer les dommages qu’elles ont injustement subi. Je veux ici leur rendre hommage et rappeler que les travaux que vous menez, les réformes que je porte sont avant tout destinés à améliorer leur sort.

A cet égard, il faut souligner l’importance des associations de victimes qui contribuent, par leur action quotidienne, aux avancées dans ce domaine. C’est pourquoi je souhaite renforcer leur présence au sein de cette instance au-delà de leur participation aux groupes de travail du CNAV : je vous demande d’y réfléchir et de me faire toute proposition en ce sens.

L’amélioration du sort des victimes d’infractions figurait parmi les priorités de la politique que le président de la République nous a demandé de mettre en œuvre.

Ainsi, au terme de ces cinq années, les objectifs du plan national d’action d’aide aux victimes, lancés en 2002, seront atteints.

Des progrès importants ont été faits dans son accompagnement, son information et sa protection. L’augmentation constante du nombre de victimes accueillies par les associations d’aide aux victimes depuis 5 ans en témoigne (25 % de plus qu’en 2002).

Je pense en particulier à l’amélioration de la lutte contre les violences conjugales, dont le dispositif a été considérablement renforcé en début d’année par la loi du 4 avril 2006. Il fut un temps où les violences commises par un conjoint entraînaient, hélas, plus de compréhension que de sanction. Cette époque est révolue. Aujourd’hui, une femme battue par son mari qui dépose plainte est immédiatement orientée par les services enquêteurs vers une association d’aide aux victimes.

Dès qu’il en a connaissance, le procureur de la République peut prononcer à l’encontre du conjoint une mesure d’éloignement du domicile. La victime n’est donc plus contrainte de déménager, c’est le mari violent qui est obligé de partir.

J’ajouterai que dans le domaine de la répression des violences conjugales, la circonstance aggravante liée à la qualité de la victime a été généralisée et étendue aux ex-conjoints et concubins, ainsi qu’aux pacsés. Le statut des cohabitants est moins important que la protection des victimes.

L’introduction de la notion de respect en tête des devoirs mutuels des conjoints énoncés à l’article 212 du code civil, a également renforcé l’objectif d’égalité entre époux. Cette modification du code civil est un symbole fort de ce que doivent être les relations au sein du couple.

En matière de violences conjugales, il faut des actes et non pas de bonnes intentions. Les leçons de morale ne suffisent pas pour changer les mentalités. Je regrette que certains le découvrent aujourd’hui.

Aujourd’hui, la victime a toute sa place dans le procès pénal.

C’est notamment le cas lors des derniers procès importants qui se sont déroulés dans l’année qui vient de s’écouler tels que le procès du Mont Sainte Odile ou celui de l’incendie de Lescheraines. Au cours de ces procès, les victimes ont pu s’exprimer et ont trouvé un accueil qui respecte leurs droits et leur dignité.

Ceci témoigne de la prise de conscience de l’institution judiciaire et de ses acteurs, magistrats et avocats, de l’importance de la prise en charge rapide et régulière des victimes.

Un nouveau pas a été franchi en ce domaine avec l’adoption par l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Commission mixte paritaire d’un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007 qui clarifie les règles en matière d’exercice de l’action récursoire des organismes sociaux. Cette nouvelle disposition protègera ainsi l’intérêt des victimes afin qu’elles soient indemnisées de façon plus juste en cas de dommage corporel.

Des progrès doivent également être réalisés pour aider les victimes après le prononcé d’une décision. Nombre d’entre elles sont en effet livrées à elles-mêmes, désemparées et en attente de soutien dans la phase de l’exécution d’une décision judiciaire.

Les conclusions du rapport du groupe de travail qui est remis aujourd’hui m’apparaissent à cet égard particulièrement intéressantes. J’en relèverai deux dont j’attends la mise en œuvre immédiate :

  • l’affirmation du rôle des Bureaux d’Exécution des Peines à l’égard des victimes, dont la mise en place dans tous les tribunaux de grande instance sera finalisée dans quelques mois, permettra de mettre en œuvre, le plus rapidement possible, le prononcé du jugement, en particulier dans ses dispositions concernant l’indemnisation ;
  • l’amélioration de l’indemnisation des victimes par les condamnés détenus à travers un meilleur échange d’information entre les services pénitentiaires et les juridictions, et entre les services pénitentiaires d’insertion et de probation et les associations d’aide aux victimes.

Malgré ces avancées, il reste beaucoup à faire.

Pour nous guider, j’ai souhaité que des enquêtes soient réalisées auprès des victimes afin de mieux connaître leurs parcours, leurs difficultés et leurs attentes.
La première d’entre elles vient de nous être livrée.

Je relève, en tout premier lieu, le rôle déterminant des associations d’aide aux victimes.

Quelques chiffres témoignent de leur mobilisation :

  • Près de 266 000 personnes accueillies en 2005, dont environ 185 500 victimes d’infractions pénales, presque 10 % de plus qu’en 2004.
  • Plus de 100 000 personnes ont bénéficié d’un suivi après un premier contact.

Le Ministère de la Justice a accompagné ce mouvement, puisque le montant des subventions accordées à ces associations a atteint 9 200 000 € en 2006, soit une progression de plus de 12 % par rapport à 2005 et le double de 2002.

Ces résultats sont encourageants. Mais ils doivent être poursuivis.

J’en viens au second enseignement de cette étude : les besoins exprimés par les victimes demeurent importants, et elles veulent avant tout être bien informées, afin de mieux faire valoir leurs droits.

C’est dans cette perspective que la Chancellerie développe une politique de communication à leur intention. Le guide gratuit sur « les Droits des victimes », qui vous est présenté aujourd’hui avant même sa diffusion, en est l’un des exemples les plus aboutis.

Du dépôt de la plainte à la phase de l’application de la peine, ce guide a pour objectif d’accompagner la victime dans ses démarches. Dans un langage simple et accessible, il fait état des principaux droits de la victime, à toutes les étapes de la procédure.

Pour toucher le plus grand nombre, il sera diffusé dans tous les points susceptibles d’accueillir les victimes : commissariats, hôpitaux, tribunaux, maisons de justice et du droit, etc… Il sera également remis aux partenaires du Ministère de la Justice, tels que les associations d'aide aux victimes, les fédérations d’associations de victimes ou les barreaux.

Au total, ce sont plus de 150 000 exemplaires du guide qui seront diffusés sur le territoire en 2007.

Pour commencer vos travaux et entrer dans le vif du sujet, je souhaiterais justement que Mme THUAU, chef du service de l’aide aux victimes et de l’accès au droit, nous présente le premier thème de ce Conseil National d’Aide aux Victimes 2006 : « L’accueil et l’information des victimes »

(Fin de l’exposé de Mme THUAU)

Avant de vous quitter et de vous laisser poursuivre vos travaux, je veux ici saluer l’engagement de tous ceux qui oeuvrent au quotidien pour améliorer le sort des victimes.

Ce sont des « travailleurs de l’ombre », qu’ils soient salariés ou bénévoles, mais leur action a du sens. Je veux les remercier chaleureusement ainsi que chacun d’entre vous, dont l’engagement et le travail contribue à faire avancer la cause des victimes.