[Archives] Congrès des Greffiers des Tribunaux de commerce

Publié le 27 septembre 2007

Discours de Madame Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la Justice / Ajaccio

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9 minutes

Monsieur le Président BRAVARD,

Monsieur le Député - Maire d'Ajaccio,

Monsieur le député-président de l'Assemblée de Corse,

Monsieur le député-président du conseil général de Haute Corse,

M. le président du conseil exécutif de Corse,

M. le préfet de région

M. le premier président de la cour d'appel de Bastia,

M. le procureur général près la cour d'appel de Bastia,

Messieurs les présidents de TGI,

Messieurs les procureurs de la République,

Messieurs les présidents de tribunaux de commerce,

Mesdames et Messieurs les greffiers des tribunaux de commerce,

Mesdames et Messieurs,

Je me réjouis d'être parmi vous en cette belle journée corse. C'est la première fois que je suis amenée à prendre la parole devant les greffiers des tribunaux de commerce.

Monsieur le Président BRAVARD, je souhaitais saisir cette occasion pour saluer le travail que vous accomplissez chaque jour au service des entreprises et des justiciables.

Vous allez parler ensemble des missions que vous assurez auprès des justiciables, et réfléchir à l'évolution de votre profession.

Maître Albert SUPERCHI, c'est vous qui avez organisé ce congrès. Vous nous recevez chez vous à Ajaccio. Soyez-en remercié.

Je sais combien votre action est exemplaire pour le renouveau de votre profession. Vous exercez votre mission de greffier avec rigueur et vous acceptez d'être le référent des inspections des greffes.

Vous participez personnellement à des inspections et vous trouvez encore l'énergie de recevoir tous vos confrères à Ajaccio. On m'a beaucoup parlé de votre sens du service public. C'est un plaisir pour moi de vous rendre hommage aujourd'hui.

Je suis venue ici pour vous délivrer un double message de confiance :

  • j'ai confiance en vous car vous êtes des professionnels efficaces ;
  • j'ai confiance dans l'effort de renouveau et de modernisation que vous avez entrepris.

Enfin, puisque j'ai la chance de vous voir si nombreux, je veux vous parler des réformes que je souhaite entreprendre et qui concerne votre profession.

Je sais que les 185 greffes des tribunaux de commerce et les 240 greffiers qui y exercent leur office, ont choisi résolument la voie de la modernité.

Nous en avons parlé lundi à Lyon, Monsieur le Président BRAVARD, quand je me suis rendue au tribunal de commerce.

Depuis juin 2007, les greffiers des tribunaux de commerce sont en mesure d'immatriculer les sociétés par voie électronique. Ceci va représenter plus de 100.000 immatriculations par an.

Vous permettez aussi au public de consulter les décisions des tribunaux de commerce par la voie électronique. Ceci sera généralisé dans toute la France le 1er janvier 2008.

Les greffiers des tribunaux de commerce ont en même temps le souci de l'accueil des justiciables. C'est l'un des buts de la charte qualité que vous souhaitez mettre en œuvre.

Cette charte est essentielle. Vous êtes tous les jours confrontés à la détresse de chefs d'entreprise acculés par les dettes et à l'inquiétude de salariés qui craignent pour leur emploi.

La diversité de vos missions vous place au cœur de l'activité économique. Vous êtes indispensables à la compétitivité des entreprises.

J'ai confiance en vous car vous avez entrepris un effort important de renouveau et de modernisation de votre profession

Vous avez choisi de consacrer la première partie de votre congrès à l'évolution de votre profession dans l'histoire. Vous êtes fiers de votre passé et vous avez raison. Vous êtes également partisans du progrès.

Merci, Monsieur le Président, d'avoir souligné la qualité de votre dialogue avec le ministère de la justice. Je veillerai à ce que ce soit toujours le cas.

Vous avez accepté de parler sans détours de réformes difficiles. Le renouveau de vos méthodes de travail, le renouveau de votre tarif et le renouveau du contrôle de vos greffes sont trois points où se joue l'avenir de votre profession.

Votre tarif a été renouvelé. Son montant n'a pas été modifié.

En revanche, cette réforme a permis de résoudre les difficultés que posaient un texte ancien, devenu inadapté, et des pratiques qu'il convenait d'abandonner. Vous étiez tous d'accord à ce sujet.

La réforme du tarif a atteint ses trois objectifs de clarification, de simplification et de modernisation :

  • clarification des dispositions qui présentaient des difficultés d'application
  • simplification du mode de calcul de la rémunération de certaines procédures, afin d'améliorer la lisibilité du tarif
  • modernisation de la nomenclature, par la suppression des actes devenus obsolètes et la prise en compte de missions nouvelles.

Les frais de procédure des liquidations judiciaires immédiates sont maintenant forfaitisés. Ces frais sont devenus prévisibles pour les justiciables. Le ministère de la justice, qui doit parfois en supporter une partie, y voit lui aussi plus clair.

Ce nouveau tarif gagne en transparence et sera plus facile à utiliser pour les greffiers.

Je vous félicite d'avoir entrepris sans attendre des campagnes de formation, pour le faire bien connaître et bien appliquer.

Vous avez également obtenu la création d'une « bourse commune », demandée depuis longtemps par la profession.

Cette mesure a pour but de développer des projets d'intérêt commun et d'aider les petits greffes à financer leurs investissements. Elle sert votre intérêt à tous et celui de la justice.

La cotisation pourra se monter jusqu'à 2 % du total des produits comptabilisés pour l'ensemble des offices au titre de l'année précédente. Cet effort mérite d'être salué.

Il reste des réformes à faire

Tout d'abord, il est important de créer un compte affecté pour le dépôt des fonds versés au greffe par des tiers

En complément de la réforme du tarif et après avoir pris connaissance des rapports d'inspection de certains greffes, j'ai mis à l'étude un nouveau projet : la création d'un compte affecté sur lequel seraient déposés les fonds de tiers que vous détenez. Cette mesure garantirait une meilleure protection des sommes conservées par vos greffes. Leur montant est évalué à 25 à 30 millions d'euros.

Elle vous placerait au-dessus de tout soupçon, de tout procès d'intention.

Pour atteindre cet objectif, il faudra organiser la séparation comptable et bancaire des provisions détenues au titre des expertises ou les fonds détenus dans les séquestres. De cette manière, on ne pourra plus les confondre avec les fonds de l'office.

Une concertation est actuellement en cours avec vos instances représentatives et la Caisse des dépôts et consignations afin de verser ces fonds dans ses comptes. Ceci devrait pouvoir être effectif le 1er janvier 2008. Je suis heureuse de voir que nous avançons.

Il faut également poursuivre l'amélioration du contrôle des greffes des tribunaux de commerce :

Les six inspections déjà conduites par l'Inspection des services judiciaires depuis 2006, ont révélé des difficultés. Ces inspections sont pour vous une nouveauté. Elles ont pu surprendre au début mais je ne doute pas qu'aujourd'hui chacun d'entre vous en voit l'intérêt.

Je vous remercie pour le concours essentiel que vous avez apporté à leur déroulement. Elles se sont toujours passées dans un respect absolu du contradictoire et de la discussion.

La participation active des greffiers inspecteurs a été très importante. Maître SUPERCHI, vous en êtes un acteur essentiel avec Maître Frédéric BARBIN.

Améliorons ensemble le contrôle des greffes

Les inspections conduites par l'Inspection Générale des Services Judiciaires sont rares, alors que celles que vous faites en interne à la profession sont régulières et systématiques. Je vais demander à mes services de travailler dès maintenant avec vous, et avec l'Inspection des services judiciaires, à un canevas des vérifications à mener lors de ces contrôles. Il s'agira d'établir une grille de points à vérifier.

Ces mesures ne sont pas des mesures de défiance. Elles sont destinées à vous protéger. Nous devrons donc parvenir à une définition plus précise des obligations comptables auxquelles vous êtes soumis.

Réfléchissons aussi ensemble à la fréquence des contrôles.

Je connais et j'apprécie le travail que vous faites. Dans d'autres juridictions, ce travail est confié à des fonctionnaires. Vous réussissez à participer au service public de la justice tout en exerçant à titre libéral. Il vous revient de démontrer que cette solution originale est toujours la plus performante.

Ces réformes vont améliorer l'exercice de votre profession.

Je veux aussi vous parler des réformes que j'entends mener pour moderniser la justice et le droit des affaires.

La réforme de la carte judiciaire est un chantier prioritaire pour le gouvernement. Vous avez eu le courage d'en accepter le principe alors qu'elle peut avoir un effet direct sur votre activité. Cette réforme vise à renforcer la qualité et l'efficacité de la justice. Elle rendra son organisation plus claire pour les justiciables.

Comme je l'ai indiqué en juin dernier, cette réforme ne doit pas entraîner la désorganisation des professions juridiques et judiciaires.

J'ai engagé, afin de prendre en compte l'ensemble des éléments de réflexion nécessaires, une vaste consultation. J'annoncerai les grandes lignes de la réforme dès le mois d'octobre.

Malgré ce que vous pouvez lire ici ou là, rien n'est encore décidé.

Je vous remercie des "Propositions en vue d'une nouvelle carte judiciaire" que vous m'avez fait parvenir le 6 septembre dernier. Cette contribution du Conseil national a été très précieuse. Je peux vous assurer qu'en la personne de votre président, Christian BRAVARD, de votre vice-président Michel JALENQUES, de celui qui était encore il y a peu votre président Pascal DANIEL, vous avez de bons défenseurs.

Ils savent souligner les situations particulières de chacun d'entre vous. J'en tiendrais compte.

La situation des greffiers et des personnels qui seraient concernés par des regroupements de juridictions doit être prise en considération. J'ai entendu vos demandes sur ce point. Je les ai étudiées avec beaucoup d'attention.

Pour ceux qui souhaiteraient changer d'activité, je faciliterai l'accès aux passerelles qui existent vers d'autres professions juridiques.

Mais je veux aussi que tous ceux qui sont attachés à cette profession et qui ne veulent pas en changer puissent continuer de l'exercer dans de bonnes conditions.

Vous avez un grand privilège, celui d'être des officiers publics et ministériels. Le greffier doit, en personne, participer à l'activité de son greffe. Il doit intervenir personnellement dans les actes les plus importants qu'il accomplit.

Vous avez le plus grand intérêt à définir entre vous des critères de seuil au-delà desquels plusieurs greffiers devront s'associer dans un même greffe.

Je suis prête, s'il le faut, à vous y aider en inscrivant ce principe dans la loi.

Les réformes ne concernent pas seulement vos structures. Elles concernent aussi le droit que vous appliquez, ce droit économique dont vous êtes des acteurs à part entière.

La chancellerie a conduit d'importantes réformes au cours de ces dernières années. Je pense en particulier à la réforme du droit des entreprises en difficulté.

La loi de sauvegarde est en vigueur depuis le 1er janvier 2006 et 870 sauvegardes ont seulement été ouvertes depuis cette date. En 2006, près de 40.000 défaillances d'entreprises ont été enregistrées. L'écart est considérable. Il m'appartient désormais, avec Christine Lagarde, d'aller plus loin pour prévenir toute difficulté.

Les greffiers jouent un rôle essentiel dans la détection des difficultés. Je compte sur vous pour l'exercer pleinement. Je compte sur vous pour me communiquer toutes les informations statistiques que vous pourrez réunir en ce domaine.

Pour améliorer l'efficacité de la prévention et aider les entreprises en difficulté il faut que la procédure de sauvegarde soit utilisée au profit de toutes les entreprises qui en ont besoin.

Je vous invite à me faire connaître toutes les observations que vous jugerez utiles pour œuvrer dans ce sens.

En ce qui concerne le droit des sociétés, ces dernières années ont vu la mise en place de la société européenne, la modernisation du droit des SARL, la réforme du droit des valeurs mobilières...

D'autres réformes vont suivre. Je pense en particulier au chantier qui m'a été confié de « dépénalisation » du droit des affaires.

Je pense aussi aux réformes demandées par le droit communautaire : c'est le cas des fusions transfrontalières, de la société coopérative européenne, ou encore du contrôle légal des comptes.

A tous ces défis, s'ajoutent désormais celui de la révolution numérique. L'Etat doit se doter d'un outil efficace de centralisation numérique des données des registres du commerce et des sociétés.

Nous ne pouvons pas admettre qu'on puisse encore aujourd'hui créer des dizaines de sociétés fictives domiciliées à la même adresse, sans que personne n'ait les moyens de repérer la fraude dès l'origine.

Nous ne pouvons pas admettre que les organismes sociaux ne puissent pas déceler rapidement la présence, dans une multitude de sociétés, des personnes qui sont les mêmes, et qui ont été complaisamment désignées en qualité de dirigeants ou associés de sociétés.

Il est urgent que nous disposions d'un outil performant qui donne accès aux informations les plus fiables et les plus récentes. La configuration actuelle du registre du commerce et des sociétés et la centralisation des données économiques doivent donc être revues.

Ensemble, nous devons réfléchir à une structure plus cohérente de centralisation du registre du commerce et des sociétés.

Cette structure devra être un instrument moderne d'information au service de nos entreprises, des pouvoirs publics et de tous les citoyens. Elle sera la porte d'entrée française d'un réseau européen à venir.

Ce nouvel instrument placera la France à l'avant-garde de l'Union Européenne et lui permettra de devenir une référence.

Cette réflexion doit s'accompagner, comme vous l'avez dit Monsieur le Président, de la mise en place d'outils de signature électronique pour les greffiers, afin de sécuriser la dématérialisation des échanges à l'image de ce que les notaires ont mis en œuvre.

Il en va de la fiabilité des actes authentiques que vous délivrez. Mes services travailleront avec vous pour y parvenir dans les meilleurs délais.

Il ne me reste qu'un mot à vous dire à vous tous, greffiers des tribunaux de commerce. Merci de votre participation au service public de la justice. Ensemble, nous conduirons à sa modernisation !

Je vous remercie