[Archives] Installation du groupe de travail sur la justice commerciale

Publié le 05 mars 2013

Discours de Madame Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice

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Je dirais d’emblée que par rapport à des antécédents, par rapport à des précédents, cette démarche ne s’inscrit pas dans un acte de défiance vis-à-vis de la justice commerciale. Il est arrivé par le passé que le pouvoir exécutif se penche sur la justice commerciale dans un rapport qui était tendu, qui était chargé probablement de malentendus, d’incompréhensions et qu’il y avait peut-être de part et d’autre des griefs, des griefs à exprimer et des doutes peut-être à formuler sur les intentions.

Nous ne sommes pas dans cette démarche. Nous sommes attentifs à l’histoire de cette justice commerciale, de cette justice commerciale qui s’est créée en marge de la justice féodale, qui, tout le long de son parcours, a connu des relations parfois difficiles avec les magistrats professionnels. Nous sommes conscients de tout cela, mais nous pensons que, chacune, chacun d’entre nous, porte la mémoire commune, s’interroge sur le passé pour comprendre les choix qui ont été faits, pour comprendre les difficultés qui ont été affrontées ou dissoutes, mais pour s’en affranchir aussi.

Et je veux croire que tous, aujourd’hui, confrontés à la réalité d’un désordre économique et social assez lourd, pesant et provoquant des conséquences injustices, notamment sur des catégories de personnes vulnérables, sur des salariés essentiellement, mais aussi sur des chefs d’entreprise, sur des artisans, sur des employeurs qui, parfois, ont tout investi dans une entreprise, nous sommes conscients que face à cette conjoncture que je veux appeler conjoncture mais dont nous savons qu’elle a des racines profondes, qu’elle a des défauts structurels, qu’elle présente quelques risques de durée, face à tout cela, je crois que nous sommes en mesure de réfléchir ensemble et de construire ensemble une justice commerciale qui sera modernisée là où elle a besoin de l’être, qui sera consolidée là où c’est nécessaire, qui sera renforcée dans un certain nombre de bonnes pratiques qui sont là, qui sont évidentes. Et dans votre présence ce matin, la diversité de vos parcours, de vos compétences, de vos expériences, le fait que vous ayez accepté de participer à ces groupes et ce groupe de travail, de réfléchir ensemble, tout cela conforte la conviction que j’ai que nous serons en mesure, dans nos diversités, avec nos sensibilités différentes, avec nos conceptions peut-être parfois au moins nuancées sinon divergentes, parvenir à faire progresser la justice commerciale en termes d’une plus grande efficacité.

C’est d’ailleurs ce que pensent les professionnels eux-mêmes puisque j’ai travaillé avec eux. Nous ne partons pas de rien, il existe déjà sur notre territoire des juridictions commerciales qui ont des résultats différents, inégaux : il y en a qui ont des méthodes extrêmement rigoureuses qui fonctionnent, qui tiennent leur calendrier, qui peuvent être montrées en exemple, et puis il y a les juridictions qi ont plus de mal à fonctionner. Donc nous savons qu’il y a une situation inégale. Nous savons qu’il y a aussi de bonnes pratiques. Nous souhaitons que ces bonnes pratiques soient mutualisées, c’est-à-dire qu’elles soient mieux connues, qu’elles soient examinées au sein d’une évaluation rigoureuse pour les rendre utilisables, intelligibles dans d’autres juridictions. Nous partons de tout cela.

Et puis nous partons aussi d’une profession organisée avec laquelle j’ai des relations relativement régulières, en tout cas aussi fréquentes que nécessaire. Qu’il s’agisse de la conférence ou du Conseil national des tribunaux de commerce, c’est une profession organisée, structurée, qui réfléchit elle-même à son activité et avec laquelle nous avons eu des séances de travail tout à fait fructueuses.

Nous traitons quand même de trois mille deux cents juges consulaires élus et bénévoles, nous traitons de soixante-dix mille procédures collectives par an avec une catégorie particulière, les procédures impécunieuses sur lesquelles nous réfléchissons et pour lesquelles, semble-t-il, nous sommes parvenus à trouver une solution efficace. Et bien entendu, même si c’est le ministère de la Justice qui conduit ces travaux… Et je vous remercie vraiment parce que chacune de vos idées, chaque effort que vous ferez dans ces groupes de travail contribuera à irriguer ce projet de loi, nous permettra éventuellement d’éliminer des idées que nous avions et qui vont s’avérer inefficaces ou non opérationnelles. Donc merci beaucoup de contribuer à ce travail qui est proprement d’intérêt général puisque ce sera de la responsabilité de l’exécutif de prendre les dispositions législatives ou réglementaires qui seront nécessaires pour améliorer l’efficacité sur l’ensemble du territoire de cette justice commerciale, lui apporter les innovations qui sont parfois demandées par les professionnels eux-mêmes.

Alors – je le disais – le ministère de la Justice est le pilote de cette réflexion mais d’autres ministères sont mobilisés, à commencer, bien entendu, par le ministère de l’Économie et des Finances et le ministère du Redressement productif qui sont d’ailleurs ici représentés par le secrétaire général du CIRI, par le directeur des affaires juridiques et par la médiatrice du… Madame PROST, la médiatrice du… Bon, du crédit. Merci. Il y a des maux comme ça qui révèlent qui révèlent nos angoisses profondes. Il y a évidemment et sont également représentés le ministère du Travail, le ministère du Budget par leurs cabinets ou par leurs administrations, le ministère de l’Économie sociale et solidaire et de la Consommation, ainsi que le ministère de l’Artisanat, voilà.

C’est donc bien une démarche dynamique organisée du gouvernement sous la responsabilité du ministère de la Justice. Les groupes de travail qui ont été mis en place permettront, d’une part, de procéder à une analyse de la situation, à un état des lieux et à vous permettre de nous conduire à saisir avec rigueur la situation actuelle, y compris – je le disais tout à l’heure – avec les bonnes pratiques, avec aussi la disparité des situations sur le territoire. Et puis il y a un groupe de travail et des sous-groupes qui pencheront davantage sur les perspectives, sur ce qu’il y a lieu de modifier.

Le premier groupe de travail donc traite de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises. Pour la prévention aussi, nous ne partons pas de rien. Les professionnels eux-mêmes se sont fortement impliqués dans la prévention. Adossés à la loi de juillet 2005, ils ont amélioré les indicateurs d’alerte qui permettent d’intervenir le plus en amont possible. Donc, sur la prévention, des choses sont faites. Nous avons des raisons de considérer que les résultats sont plutôt satisfaisants même si, forcément là aussi, ils sont inégaux. Les juges consulaires s’étant fortement impliqués, des instruments ont été mis en place, notamment le mandat ad hoc ou la conciliation. Les résultats semblent bons. Je le disais, inégaux mais quand même plutôt bons. On me donne un chiffre mais c’est toujours comme ça, c’est une façon d’entretenir son optimisme. On va donner juste le chiffre de Lyon, du tribunal de commerce de Lyon qui monte à 70 %. On ne m’a pas donné de minima mais je suppose que toutes les juridictions ne parviennent pas à ce résultat. Il demeure que ça nous fait du bien en ce presque milieu de matinée de savoir que dans le souci de trouver plutôt une solution avec les créanciers, on aboutit à des résultats plutôt satisfaisants.

Évidemment, il reste encore des questions, des choses à ajuster. Par exemple, comment mieux articuler la prévention avec la procédure de sauvegarde ? Donc il y a des réflexions là-dessus et je crois que vous avez un certain nombre d’idées qui nous permettront d’avancer. Il faut peut-être aussi adapter la prévention à la taille de l’entreprise. Peut-être que là aussi, nous avons quelques ajustements à faire. Mais il y a aussi des questions sensibles à traiter. Parmi ces questions sensibles à traiter, il y a celle du respect du secret des affaires, il y a aussi celle du conflit d’intérêt éventuel, il y a celle potentielle parce que vous verrez, vous avez vu que ce matin, je fais des efforts considérables, des efforts qualitatifs pour ne pas nourrir des polémiques. Donc je parlerai des potentielles ou putatives interrogations sur la déontologie des intervenants. Mes efforts sont considérables, non ? Personne n’a l’air d’apprécier.

Voilà, il nous faut arriver à poser toutes ces questions et donc peut-être la question des outils de contrôle. Peut-être la question des outils de contrôle. Mais je sais que vous avez – parce que je lis des tas de choses, parce que je suis, parce que je rencontre, parce que j’échange –, je sais qu’il y a des idées, voilà. Je sais qu’il y a des idées, qu’il y a des idées novatrices et je compte bien qu’elles seront là mises dans le pot commun, qu’elles seront agitées, qu’elles seront fécondées et qu’elles pourront se traduire après en dispositions législatives pour le plus grand bien de la justice commerciale.

Le sous-groupe relatif au traitement des difficultés des entreprises doit se pencher sur un certain nombre de questions délicates aussi qui concernent les procédures : la procédure d’évaluation du passif, par exemple, dont on me dit qu’elle est un peu longue ; la procédure du critère de cessation de paiement semble mise également en interrogation. Le rôle du juge-commissaire également est posé. Donc, voilà, toutes ces questions sont sur la table. Merci d’accepter d’y réfléchir très librement.

Le deuxième groupe, qui est composé de trois sous-groupes, ce deuxième groupe concerne les acteurs et l’organisation judiciaire, c’est-à-dire qu’un sous-groupe travaillera sur la déontologie, sur le statut, sur la formation. Là aussi, je trouve que les réflexions ont bien avancé. J’ai eu, j’ai reçu ma part dans le cadre des séances de travail que j’ai conduites avec les organisations professionnelles dont je parlais tout à l’heure (donc la conférence des juges consulaires et le Conseil national des tribunaux de commerce), mais également les autres structures du camp. Donc, sur la formation, je sais que nous avons bien avancé. Je crois que nous pouvons acter l’accord sur la formation obligatoire. Il n’y a pas de nuance là-dessus. Sur la déontologie, nous avons bien avancé aussi, toujours de l’initiative de la profession elle-même. Sur le statut, je crois que nous continuons à y travailler.

Ce deuxième groupe et ses sous-groupes vont donc pouvoir examiner tout cela mais s’interroger aussi sur le coût que représente l’intervention dans les entreprises en difficulté ou qui ont besoin d’un accompagnement à un moment donné et sur le rôle et la rémunération des administrateurs et des mandataires. Il n’y a pas de sujet à laisser à l’écart, voilà. Je vous disais donc que nous travaillons sur une activité judiciaire contentieuse qui traite soixante-dix mille procédures par an. Ce n’est pas négligeable. Il nous faudra arriver à découper et à adapter le plus précisément possible les procédures au titre de contentieux. Je crois que c’est un critère d’efficacité. Nous avons déjà sur le territoire de la République, c’est-à-dire dans l’Hexagone mais dans les outre-mer, des modèles différents de tribunaux de commerce, en tout cas de tribunaux qui traitent des contentieux commerciaux puisqu’évidemment, la norme, c’est le tribunal de commerce. Mais en Alsace-Moselle, vous savez que nous avons des Chambres commerciales dans les tribunaux de grande instance, et dans les outre-mer, nous avons des tribunaux mixtes de commerce. Vous m’avez certainement vue venir puisque si je rappelle que nous n’avons pas un modèle unique mais que nous avons déjà une expérience acquise et assise sur des modèles différents, c’est pour dire qu’il n’y a pas de raison d’exclure l’idée ou l’hypothèse de juridictions spécialisées qui pourraient être composées de juges consulaires dont je rappelle encore qu’ils sont élus et bénévoles, qu’ils un bagage économique et professionnel qui les rend réellement performants et très rapidement sur les questions économiques. Performances que nous allons améliorer avec la formation obligatoire puisque, statistiquement, un tiers à peu près des juges consulaires suivent la formation, un tiers des juges consulaires suivant l’information, une formation de neuf jours, quelles que soient leurs compétences personnelles absolument indiscutables. Il faut un peu de temps parce que ce sont des procédures et des techniques juridiques qui peuvent être rudes, voilà.

Donc je demande aussi qu’on réfléchisse – je sais que c’est un point de discorde, je sais qu’il y a, sinon des réticences, une véritable hostilité à cette idée –, mais je vous demande d’y réfléchir. Nous verrons ce que nous en faisons mais je vous demande d’accepter d’y réfléchir, des juridictions spécialisées qui… Alors, dans vos réflexions, vous verrez, il y a : oui, c’est une idée géniale – il y en a peut-être un ou deux, une ou deux dans la salle qui pense cela ; non, c’est une idée absolument idiote, d’abord parce qu’elle n’a pas fait ses preuves, ensuite parce qu’elle est agressive, enfin parce qu’elle ne fournit pas de garantie d’efficacité. Donc vous voyez que je prépare des argumentaires différents mais méfiez-vous, j’ai peut-être préparé aussi des contre-argumentaires. Et puis il y a la possibilité de regarder, de dire avec quelle souplesse éventuellement nous pouvons réfléchir à ces juridictions spécialisées. Je rappelle, il n’y a pas d’acte ni de défiance ni d’hostilité vis-à-vis de quiconque, nous sommes dans un climat de confiance et de respect, mais la confiance et le respect, ça suppose la franchise. Et nous ne raisonnons pas sur une juridiction qu’il faut maintenir à tout prix telle qu’elle est, nous raisonnons sur un tissu économique extrêmement fragilisé avec des filières économiques vulnérables, certaines durablement, d’autres en phase, en période de vulnérabilité. Nous réfléchissons sur cela et nous regardons sur l’ensemble du territoire comment la réponse judiciaire commerciale peut être apportée avec le plus de promptitude.

J’ai rappelé qu’il y a déjà des instruments pour cela. Avec le plus d’efficacité, j’ai dit que nous avons de bons résultats. Mais compte tenu de l’ampleur de la difficulté économique à laquelle nous sommes confrontés et de la nature, quand même, de certaines de ces difficultés, je crois que nous ne devons pas nous interdire de réfléchir et d’explorer toutes les solutions. Si nous devons les récuser, nous les récuserons mais je vous en supplie, acceptez d’explorer toutes les solutions. Les juridictions spécialisées, je souhaite qu’on y réfléchisse mais après avoir moi-même fait le premier pas en tant que ministre de la Justice puisque dès le mois de juin 2012, j’ai diffusé aux parquets généraux et aux parquets une circulaire demandant une attention particulière à la justice commerciale, demandant au ministère public de s’impliquer autant que possible dans les procédures collectives, de s’adosser parce qu’il dispose dans nos administrations de services de grande capacité technique et juridique. Donc de s’y adosser, de ne pas hésiter à demander conseil, de ne pas hésiter à demander qu’on procède à des recherches pour qu’il dispose des informations dont il a besoin.

Mais il s’est avéré, évidemment, d’une part, que ce sont des procédures complexes, que les procédures en elles-mêmes sont difficiles à comprendre, elles sont compliquées. Lorsqu’elles arrivent à ce stade judiciaire, souvent, c’est bien tard. Et puis les offres de reprises sont souvent des offres complexes et que par conséquent, face à cela, eh ben le ministère public, lui, ne peut pas improviser une compétence immédiate et spontanée. Les procureurs s’y sont impliqués avec ardeur, avec conscience, avec beaucoup de scrupules. J’en ai déduit qu’il était important de mettre en place un dispositif de formation pour spécialiser les parquetiers à ce type de contentieux, voilà. Donc j’interroge aujourd’hui sur des juridictions spécialisées après avoir moi-même, il y a déjà plus de six mois, pris l’initiative de mobiliser le ministère public, d’une part, et d’autre part, de considérer qu’il est important de spécialiser donc de former des magistrats à ces types de procédures.

Il reste la dernière question qui vous intéresse forcément et à laquelle vous avez probablement réfléchi déjà même si en dehors des membres de cabinet, des fonctionnaires, des membres de cabinet de ministère, en dehors d’eux, la question vous est un peu extérieure, c’est celle de la parole de l’État dans nos juridictions commerciales. Je rappelle que le ministère public, c’est la parole de la société, c’est la défense des intérêts de la société. Et c’est dans cette logique et cette cohérence que ce gouvernement a décidé de ne pas donner d’instructions individuelles et qu’il n’en donne pas. Mais ça a été un débat. Je veux dire que ce n’est pas une fantaisie, ce n’est pas un slogan de campagne. Nous avons débattu entre nous parce que décider de ne pas donner d’instructions individuelles, dans un premier temps, évidemment, dans les procédures pénales, ce n’est pas si simple parce qu’on s’interroge sur les cas d’urgence, sur les cas d’intérêt souverain, je dirais. On s’interroge sur tout cela avant de décider – ce qui n’est pas une légèreté – de ne pas donner d’instructions individuelles.

En contrepartie, évidemment, nous renforçons la responsabilité de l’exécutif sur la politique pénale sur l’ensemble du territoire et nous renforçons sa vigilance sur l’égalité de traitement des citoyens, des justiciables sur l’ensemble du territoire. En dehors de la justice pénale, la question évidemment s’est posée : est-ce que le refus d’instructions individuelles dans les affaires pénales vaut pour les affaires économiques ?

Et, ces questions-là, elles ne se posent jamais dans un climat serein, elles se posent parce que il y a une tension particulière. En clair, elle s’est posée pendant la procédure DOUX à Quimper, pour tout vous dire. Donc, nous en avons débattu et, là aussi, c’est une décision qui n’est pas prise à la légère, c'est-à-dire que nous examinons, effectivement, les risques possibles d’une « ingérence », disons-le, avec des guillemets, de l’exécutif dans une procédure particulière mais aussi les risques d’une distance qui peut être interprétée comme un désengagement de l’exécutif vis-à-vis d’une situation qui ne concerne pas que, que les personnes en cause, que l’opérateur économique, que les salariés. Nous avons, mais nous avons eu à en parler aussi, de l’intervention dans des affaires civiles. En conclusion, pour vous épargner toutes les subtilités de nos réflexions intragouvernementales, en conclusion, nous sommes convenus que toujours pas d’intervention d’instruction dans les affaires pénales, pas d’instructions dans les affaires économiques et commerciales. Cependant, de la même façon que, pour les affaires pénales, le fait de ne pas donner d’instructions n’exonère pas le pouvoir politique de sa responsabilité sur la politique qui doit être la même sur l’ensemble du territoire. C’est une exigence républicaine. Le fait de refuser de donner des instructions individuelles dans les affaires commerciales ne doit pas exonérer l’exécutif de sa responsabilité en matière économique et sociale sur l’ensemble du territoire. Nous avons dû réfléchir à la façon de faire en sorte que le gouvernement porte une parole sans que cette parole soit une instruction et il faut que cette parole soit suffisamment connue et publique pour que elle ne lie pas les membres du tribunal, pas plus le ministère public que le président du tribunal ou les membres.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que il m’a fallu rappeler que le ministère public porte la parole de la société parce que, évidemment, pour les non-ministres de la Justice, qui sont quand même un petit peu plus nombreux, il fallait rendre évident le fait que le refus de donner des instructions individuelles au pénal pouvait s’appliquer aux affaires économiques et sociales mais que cela ne voulait pas dire que le gouvernement se désintéressait complètement des affaires économiques et sociales mais que, par contre, par contre, en tant que ministre de la Justice, je n’étais pas disposée à accepter, voilà, je l’ai dit presque aussi poliment que ça, que un ministre donne des consignes à un procureur. C'est-à-dire que je ne peux pas, moi garde des Sceaux, m’interdire de donner des instructions et imaginer qu’un ministre intéressé par une procédure collective, non pas intéressé personnellement mais soucieux des risques de licenciement, soucieux des effets y compris sur les recettes fiscales et sociales, par exemple, qu’il puisse intempestivement s’y impliquer. Evidemment, aucun ministre ne l’aurait fait. C’est juste mon mauvais esprit et mon imagination débordante qui m’ont conduite à imaginer une pareille hypothèse. Mais j’ai trouvé plus prudent de la formuler, d’une part, et de formuler le contrefeu immédiatement. Par conséquent, mais, en même temps, en même temps, parce que je suis une responsable politique, je sais qu’il faut, à un moment ou à un autre, que la parole de l’État s’exprime, qu’elle s’exprime librement mais qu’elle s’exprime avec toute la sécurité nécessaire, qu’elle s’exprime librement, c'est-à-dire nous avons examiné que les procédures actuelles, parce que il n’est pas nécessaire de bouleverser les choses parce que nous sommes arrivés aux responsabilités. Il y a des tas de choses qui fonctionnent, qui fonctionnaient bien avant nous, qui fonctionneront bien après certains d’entre nous. Mais, donc nous avons regardé et nous avons vu que le tribunal, le président du tribunal de commerce peut, à tout moment, solliciter un avis, un témoignage. Nous avons dit « Là, il y a un circuit possible » mais c’est un circuit qui est complètement à la discrétion du président du tribunal de commerce. Vous pensez bien que un gouvernement, qui a tous les défauts de la terre mais qui ne peut pas être passif, sinon on va faire autre chose, ne peut pas juste s’installer dans l’idée que, éventuellement, un président de tribunal de commerce va solliciter l’État.

Donc nous avons encore exploré les choses et nous sommes tombés d’accord sur deux principes. Le premier, c’est que la parole de l’État soit une parole unique. Ça paraît évident mais il faut savoir que, dans ces procédures, des ministères différents peuvent être concernés. L’État peut être concerné par les créances sociales, par exemple. Il y aurait une préséance de la part du ministère des Affaires sociales. L’État peut être concerné par des créances fiscales, l’État peut être concerné, évidemment, par le souci de ne pas laisser mourir une entreprise dont on perçoit que, dans un certain nombre de conditions, elle pourrait repartir, refleurir, s’épanouir. C’est essentiellement une préoccupation du ministère du Redressement productif et certainement pas dans l’indifférence ni du ministère du Budget, ni du ministère de l’Économie et des Finances. La question est de savoir quelle est, laquelle de ces paroles va parvenir au tribunal. Voilà. Nous y travaillons encore. Ce qui est important, c’est de savoir que tout le monde a compris qu’il faut qu’une seule parole parvienne au tribunal. Ce n’était pas si simple. Je crois que c’est gagné mais nous verrons à l’usage. L’autre principe, c’est, évidemment, que l’État lui-même intervienne le plus en amont possible et avec ses commissaires du Redressement productif qui travaillent avec les préfets. Le fait d’assurer une vigilance, de mettre en place des dispositifs d’alerte, de recueillir les éléments d’information, tout cela permet, d’abord, d’améliorer les capacités, les compétences, les capacités d’analyse de ces représentants de l’État, mais, en plus, évidemment, d’agir le plus en amont possible parce que, nous sommes tous d’accord là-dessus, il faut améliorer la détection, il faut continuer à évaluer la loi de juillet 2005, il faut rendre plus, plus efficaces encore les indicateurs d’alerte. Nous sommes tous d’accord là-dessus. Donc, voilà où nous en sommes.

Tout cela, c’est du matériau sur lequel je vous invite à réfléchir librement, librement, avec ce que vous êtes, avec ce que vous pensez, avec ce que vous savez, librement. Et mille mercis encore vraiment d’avoir accepté de vous livrer à cet exercice qui va vous prendre une journée entière mais une journée où vous allez restituer ce à quoi vous réfléchissez depuis des années. Pas seulement en hommage de chacun d’entre vous, vis-à-vis de chacun d’entre vous mais parce que j’ai moi-même intérêt à butiner vos travaux. Je vais m’autoriser à passer quelques minutes dans chacun de vos groupes de travail. J’espère que j’y serai la bienvenue et vous êtes, de toute façon les bienvenus ici, à la chancellerie. Et même en dehors de ces séances plénières, n’hésitez pas à y mettre les pieds et à solliciter le cabinet ou les administrations. Merci encore à chacune et à chacun d’entre vous. FIN%