Conseil de prévention de la délinquance

Publié le 20 mars 2017

Discours de Monsieur Jean-Jacques URVOAS, garde des sceaux, ministre de la justice

Introduction de la réunion plénière du Conseil de prévention de la délinquance
Présidence de la Polynésie française – vendredi 17 janvier 2017

Discours Conseil de prévention de la délinquance - 17032017.pdf PDF - 184,59 Ko

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Seul le prononcé fait foi

Mesdames et Messieurs,

Je serai bref, car c’est vous que je souhaite avant tout écouter.

Quelques mots cependant, pour vous remercier et vous féliciter.

Je veux, en effet, saluer la création de ce Conseil, grâce, je le sais, à l’action résolue du Président Fritch, du Procureur général et du Haut-Commissaire.

La forme particulière que prend cette instance est, de toute évidence, la mieux adaptée aux besoins de la Polynésie française.

En effet, elle intègre une réalité sociale et économique, qui est déterminante sur la délinquance locale et notamment à l’égard du développement d'une économie souterraine.

Sur l'ensemble de la Polynésie française, le taux de chômage, qui a doublé en cinq ans, atteint près de 22 % de la population active.

Il touche avant tout la jeunesse : 50 % des chômeurs ayant moins de 25 ans.

Et je n’oublie pas le fait qu’environ un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Je sais que l’Archipel est confronté à une délinquance, qui se singularise par l’importance des contentieux liés :

· les violences physiques et sexuelles intrafamiliales qui ont augmenté de 7, 22 % en un an !

Comment expliquer que le taux de violences physiques et sexuelles constaté est 7 fois plus élevé qu’en métropole ?

· la délinquance routière en lien avec les conduites addictives et la consommation d’alcool et de drogues, avec 27 morts en 2016 contre 17 en 2015, c’est une augmentation de 58, 8 %

· la toxicomanie et le trafic de stupéfiants ;

· les vols par effraction ;

· les atteintes à la probité : notamment détournements de fonds publics, prise illégale d’intérêts et corruptions.

Vu de Paris, ces taux de délinquance sont inquiétants, mais je sais que ce sujet est traité sérieusement par votre instance.

Et je veux saluer son action préventive exemplaire comme les initiatives très louables qui ont été prises.

J’ai été particulièrement intéressé de lire les avancées comme :

- la systématisation des amendes et de la saisie aux fins de confiscation du matériel en cas de réitération de nuisances sonores ;

- la lutte contre les entraves à la circulation par la saisie des matériels destinés aux barrages ;

De même, dans le cadre de la lutte contre les violences intrafamiliales :

Je pense par exemple au dispositif « téléphone grave danger », qui fait partie du plan d’action du 2 mars 2016.

20 appareils ont été acquis, grâce au financement du fonds interministériel de prévention de la délinquance obtenu par le haut-commissariat.

Et les premiers téléphones vont pouvoir être très prochainement remis à des personnes qui sont en situation, ici à Tahiti ou dans les îles, d’être munies de ce moyen d’alerte immédiate.

La création, une première nationale, d’une page Facebook du procureur intitulée « SOS Violences Familales » est une autre initiative très bienvenue !

Pour agir contre la délinquance routière, je félicite le parquet et notamment le procureur François BADIE, qui a mis en place deux catégories de stages alternatifs aux poursuites.

Et ce, dans le cadre d’un protocole avec l’association polynésienne de prévention routière.

Et pour prévenir la délinquance des mineurs, je salue, par exemple, la mise en place de réunions trimestrielles entre le substitut en charge des mineurs, la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) et les deux juges des enfants siégeant au tribunal de première instance (TPI) de Papeete.

Elles permettent de prendre en compte des situations individuelles préoccupantes, notamment le placement des mineurs concernés dans des familles d’accueil.

Enfin, il est très précieux que le Procureur de Papeete participe :

  • chaque semaine aux réunions de sécurité présidées par le Haut-Commissaire de la République,

  • et chaque mois aux réunions de la cellule de veille en matière de radicalisation créée le 27 avril 2015.

La force de toutes ces initiatives réside aussi dans l’approche de proximité qui a été adoptée.

Sous l’impulsion du Haut-Commissaire et en coordination avec le parquet, plusieurs Contrats Locaux de Sécurité et de Prévention de la Délinquance ont été mis en place au cours des 3 dernières années.

Je crois hélas que tous n’ont pas un rythme aussi efficace que celui de Punaauia.

Et j’avoue que je ne comprends pas pourquoi il n’en existe pas à Papeete ?

Seule une approche collective permettra de bâtir des actions de prévention de la délinquance, par exemple en matière d’infractions à la législation sur les stupéfiants.

De même, c’est la coordination avec le milieu associatif, les services municipaux et les services de police et de gendarmerie, qui permet aussi d’être plus efficace dans la lutte contre les nuisances sonores. La tranquillité publique de chacun est à ce prix !

Cependant, nous le savons : même si tous agissent dans le même sens, il n’y a pas de miracle… du moins immédiat !

Pour que les juridictions soient mieux préparées à lutter contre cette délinquance et à la prévenir, elles ont besoin de davantage de moyens.

C’est la raison pour laquelle nous avons renforcé les effectifs.

Sous réserve des avis du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), j’ai tenu à ce que les effectifs du TPI soient consolidés et même augmentés, au 1er septembre prochain.

A ce titre, les postes de vice-président vacant depuis janvier 2017 et de vice-président chargé du juge des libertés et de la détention seront pourvus.

Je signale également le recrutement d’un juriste assistant placé près le procureur général.

C’est une avocate de formation et titulaire d’un doctorat en droit, qui a été choisie et qui a pris ses fonctions le 2 janvier 2017.

Outre les missions ponctuelles qui lui sont confiées, elle a principalement vocation d’assister les magistrats du parquet: règlements définitifs des procédures complexes, traitement du courrier spécialisé, recherches juridiques spécifiques...

Reste que pour une lutte encore plus efficace contre la délinquance, il y a encore des marges de manœuvre.

Je pense, par exemple, à la peine de contrainte pénale.

J’ai vu que son utilisation demeurait encore très restreinte :

· Seule une peine de contrainte pénale a été prononcée par le tribunal correctionnel de Papeete en 2015,

· et aucune en 2016, alors qu’aucune difficulté particulière, tant sur le plan juridique que pratique, n’a été rencontrée.

Même si une autre peine de contrainte pénale, prononcée par une juridiction extérieure, a été suivie sur le ressort.

Il y a donc piste à creuser de ce côté-là…

De même, je crois pertinent de développer le prononcé d’aménagement de peine ab initio.

Peu développé dans l’archipel, ce dispositif permettrait pourtant une mise à exécution immédiate et personnalisée de la condamnation.

Rien n’est en effet pire qu’une mise en exécution d’une peine plusieurs années après le prononcé de la condamnation.

Nous devons donc tout faire pour éviter qu’un sentiment d’impunité ne se développe.

En raison de toutes ces spécificités, et afin de définir avec le plus de précisions votre action, j’ai souhaité qu’une circulaire de politique pénale propre au territoire soit élaborée. Elle aura vocation à soutenir vos actions et à vous encourager à poursuivre les démarches préventives.

Elle confortera la politique pénale coordonnée par le procureur Général et appliquée par le Procureur.

Elle se nourrira naturellement de nos échanges de ce jours, ainsi que de vos propositions.

Je suis à présent à votre écoute, notamment :

· Sur un travail partenarial approfondi à louer ;

· Sur la place que les maires – tavana – peuvent prendre, compte tenu de leur compétence en matières de police administrative, de sécurité et de prévention

Contact presse – Cabinet du garde des Sceaux

01 44 77 63 15 / secretariat-presse.cab@justice.gouv.fr

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