114ème congrès des notaires à Cannes

Publié le 30 mai 2018

Discours de Nicole BELLOUBET, garde des sceaux, ministre de la justice

Lundi 28 Mai 2018

Discours Congrès des notaires mai 2018.pdf PDF - 191,07 Ko

Temps de lecture :

16 minutes

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Maire,

Monsieur le Ministre, [François Baroin]

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Monsieur le président du conseil supérieur du notariat,

Monsieur le président du 114ème Congrès des notaires de France,

Mesdames et Messieurs,

1. Introduction

Monsieur le Président, permettez-moi tout d’abord, de vous dire à quel point je suis heureuse de me retrouver aujourd’hui parmi vous, dans cette « ville-légende », qu’est la ville de Cannes. Nous avons eu ces derniers temps plusieurs occasions d’échanges constructifs mais ce cadre nous offre une nouvelle opportunité de poursuivre ensemble nos réflexions.

Vous avez intitulé votre 114ème congrès « Demain le territoire ». Identifiant quatre thématiques, l’agriculture, l’énergie, l’urbanisme et la fiscalité, vous questionnez ces enjeux à l’aune des profondes mutations de notre société et de leur impact sur notre territoire. Le territoire fixe l’intégration des hommes et des femmes dans un espace donné. Sans territoire, pas d’organisation sociale et politique structurée. C’est une donnée historique. La démocratie grecque est née dans la ville, et même de la ville puisque le mot « polis » désignait la citadelle royale, le siège du pouvoir politique. La question du ou des territoires est indissociable de celle de la citoyenneté. C’est dire si la notion de territoire est importante, et si le choix de ce thème est judicieux.

Les questions liées au territoire sont au cœur des préoccupations de nos concitoyens suscitant des inquiétudes autour de sujets aussi divers que la désertification des campagnes, la densification des périphéries urbaines, la détérioration des territoires par la pollution, les problématiques de déplacements, de transports et de mobilité qui déterminent souvent les trajectoires professionnelles et les choix de vie.

En sa qualité de juriste, le notaire n’ignore rien de ces mutations. Et en sa qualité d’interlocuteur privilégié des citoyens, il est, par sa présence, un acteur majeur de la vitalité des territoires, enjeu comme vous le savez essentiel à mes yeux. C’est bien parce que la prise en compte des territoires est primordiale que j’ai fait de la proximité un axe fort du projet de loi de programmation et de réforme de la justice (PLPRJ) que je présenterai au Parlement à l’automne. C’est également l’un des objectifs de la loi du 6 août 2015, qui par la création de nouveaux offices, renforce la présence et la proximité du notariat, contribuant ainsi à la cohésion sociale et territoriale.

Précisément, je souhaite profiter de l’opportunité que vous m’offrez de m’exprimer devant vous pour évoquer à nouveau les conséquences de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015 au sein de votre profession. Nous en avions parlé ensemble à Lille en septembre dernier lors de votre précédent congrès et ma présence aujourd’hui est l’occasion de partager avec vous un bilan actualisé de la mise en œuvre de la loi.

1. La loi croissance du 6 août 2015 emporte des avancées réelles malgré les inquiétudes légitimes qu’elle suscite encore.

A. Des avancées réelles

Cette loi vous a un temps ébranlés, mais je crois pouvoir dire qu’elle vous apparait aujourd’hui comme une étape constructive dans l’évolution de votre profession. Vous avez su, Monsieur le président, parfaitement accompagner la mise en œuvre de cette loi et je n’ignore pas votre volonté, aux côtés des instances locales, de garantir le meilleur accueil aux nouveaux notaires tout en facilitant leur installation.

Monsieur le Président, vous dites que votre profession s’est élargie, mais c’est là un euphémisme : alors que le nombre de notaires augmentait annuellement d’environ 1,5 % sur la période allant de 2000 à 2016, il a crû de 20 % entre le 1er janvier 2016 et le 1er janvier 2018 ! Vous étiez 9 968 au 1er janvier 2016, votre légion compte déjà plus de 12 000 notaires en activité, dont bientôt plus de 10 000 à titre libéral ! Longtemps resté stable autour de 4 500 offices, le nombre d’offices approchera bientôt les 6 200. C’est ainsi tout le territoire français qui bénéficie d’un service public notarial renforcé. Vous devez voir dans cette augmentation remarquable de vos effectifs, voulue par le Président de la République, le signe de la confiance que l’Etat place dans votre profession et la preuve de la position indispensable que vous tenez dans notre société. Cette confiance dans votre profession s’illustre également par les nouvelles missions qui vous ont été confiées et que je souhaite vous confier dans le cadre du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice présenté en conseil des ministres le 20 avril dernier. Mais j’y reviendrai…

La physionomie de votre profession a également changé.

- D’une part elle s’est rajeunie : la moyenne d’âge des notaires est passée de 49 ans en 2016 à 46,8 ans en 2018, signe que le notariat, institution historique s’il en est, a su faire face aux défis de la modernité et continue d’attirer les jeunes générations. Les moins de 40 ans représentent désormais plus de 28% de la profession (contre moins de 20% en 2015).

- D’autre part, et je m’en réjouis, la profession de notaire s’est féminisée. Entre les 1er janvier 2010 et 2018, le nombre de femmes notaires a été multiplié par deux. Mesdames, vous êtes aujourd’hui plus de 5000 à œuvrer pour garantir la sécurité juridique des actes. Il me paraissait important d’énoncer tous ces chiffres qui démontrent le virage qu’a pris votre profession depuis 2015.

Parmi les avancées liées aux réformes mises en œuvre, et puisque vous en avez parlé dans votre discours, Monsieur le Président, je souhaite évoquer les questions de formation. Je voulais vous informer que j’ai saisi le Conseil d’Etat du projet de décret relatif aux structures de l’enseignement notarial. A partir du 1er octobre 2018, date choisie pour l’entrée en vigueur du texte, la formation des notaires et de leurs collaborateurs passera ainsi par une seule et même structure : l’Institut national des formations notariales.

Ce projet de décret permettra de rationaliser l’enseignement notarial tout en renforçant l’uniformité de la formation sur tout le territoire. Cette réforme s’inscrit, en outre, dans la continuité de la loi croissance, dans la mesure où elle tend à favoriser l’accès à la formation professionnelle notariale aux élèves les plus méritants au niveau national. Cela aura pour effet de garantir aux meilleurs candidats d’être acceptés en formation sans que des considérations locales entrent en ligne de compte. Je précise toutefois que l’enseignement professionnel continuera à être dispensé localement car nous tenons bien sûr à préserver le maillage territorial et le maintien d’une formation de proximité. Enfin, les compétences de l’Institut national en matière de formation à distance seront étendues, ce contribuera à une plus grande souplesse de la formation, à l’heure où la place du numérique dans les professions du droit ne cesse de s’étendre.

Je me réjouis que ce projet, fruit d’une longue collaboration entre mes services et les représentants du centre national d’enseignement professionnel notarial et de votre Conseil, puisse enfin aboutir. Nous pourrons poursuivre cette collaboration fructueuse dans le cadre de la réforme du volet pédagogique de la formation notariale dont les contours restent encore à définir. Je voudrais également souligner, comme vous-même l’avez fait monsieur le Président, la parution récente de l’arrêté approuvant votre nouveau règlement national, résultat d’un travail d’ampleur réalisé au sein de l’assemblée que vous présidez et que vous avez pleinement su adapter aux dispositions de la loi du 6 août 2015.

Mais vous me parlez également, Monsieur le président, des craintes, qui persistent au sujet de cette réforme. Je souhaite y répondre.

B. Des craintes persistantes

Vous vous inquiétez ainsi de la faculté offerte par les textes de transférer librement un office dans les zones de libre installation, ce qui vous fait craindre une désertification des zones rurales et un engorgement des villes. Ainsi que je vous l’avais indiqué à l’occasion du congrès de Lille, le ministère de la justice reste vigilant sur les transferts qui s’opèrent depuis la réforme. Il n’est en effet pas question de mettre en péril le maillage territorial au nom d’une liberté qui ne trouverait aucune limite. Si cette faculté, offerte aux notaires comme un outil de régulation concurrentielle, s’avère finalement néfaste pour le service public notarial, elle sera révisée. Mais nous n’en sommes pas là.

Je peux aujourd’hui vous rassurer sur les transferts intervenus depuis la réforme. La faculté de transférer son office, jusqu’ici très peu utilisée, a en effet connu un essor majeur du fait de l’allègement de la procédure. Depuis 2015, 197 transferts ont ainsi été enregistrés, dont 85% concernent des offices créés. Or, dans cette situation, la faculté pour le titulaire de transférer son office librement est une nécessité car le notaire doit pouvoir décider de son lieu d’implantation en tenant compte du maillage existant au jour de son installation. Il peut ainsi éviter de s’installer dans une commune où plusieurs offices créés viendraient également de s’implanter. Dans cette hypothèse, le transfert est donc un véritable outil au service du notaire mais aussi de la population, puisque le notaire est alors libre de s’installer là où le besoin sera le plus fort, ou bien l’offre la plus faible.

Vous vous inquiétez également, monsieur le Président, du rythme des créations. Après tant d’émotions vécues ces deux dernières années, vous demandez une pause pour laisser le temps aux nouveaux offices de débuter leur activité avant d’envisager une nouvelle vague de créations. Là encore, la question du rythme et du nombre des futures créations d’offices doit être discutée à l’occasion des travaux d’élaboration de la nouvelle carte. La révision biennale de la carte peut vous paraitre trop rapide, voire vertigineuse. Mais ce rythme a été voulu par le Président de la République, alors ministre de l’économie, pour permettre d’opérer une surveillance régulière de la situation du maillage des offices et des besoins de la population et d’adapter au mieux l’offre aux besoins, en temps quasi réel.

Ainsi c’est l’ensemble de la situation actuelle, comprenant la création des nouveaux offices, qui va être appréciée lors des travaux d’élaboration de la nouvelle carte pour déterminer si et dans quelle mesure il est raisonnable de procéder à de nouvelles nominations dans les deux ans à venir. Rien, dans la méthode retenue par l’Autorité de la concurrence il y a deux ans, ne conduirait aujourd’hui à proposer une vague massive de créations d’office.

Je m’arrêterai à présent un instant sur le fameux « tirage au sort », que vous venez de qualifier, monsieur le président, tantôt de « labeur », tantôt de « capharnaüm ». Je ne vous contredirai pas sur le caractère lourd et pesant des opérations de tirage au sort qui ont mobilisé de nombreuses personnes durant de nombreux mois. Je déplore aussi que de nombreux notaires ou futurs notaires aient été placés dans de pénibles situations d’attente, d’inconfort et d’incertitude.

Mais, rappelons-le, le ministère de la justice a enregistré en 24h près de 30 000 candidatures à la nomination dans un office créé. Plus de 6000 autres candidatures ont été reçues par la suite. Aucune prévision n’avait permis de s’attendre à une telle avalanche de demandes. Pourtant, ces 30 000 demandes ont réussi à être traitées. Et les délais de traitement des demandes s’améliorent désormais!

N’oublions donc pas de souligner les mérites du système adopté : il a si j’ose dire, rempli son office, la mission pour laquelle il a été pensé, et il a atteint ses objectifs en combinant savamment respect de l’anonymat, égalité des chances et transparence des procédures, sans se laisser gripper par les contentieux ou par les nombreuses renonciations. Le Conseil d’Etat vient, dans sa décision du 18 mai dernier, d’affirmer que le système retenu pour départager les candidats à la création d’office, était le seul mode de départage qui pouvait valablement être prévu au regard de la loi. C’est la confirmation que la méthode de l’horodatage, assorti du tirage au sort, était la seule conforme à la loi du 6 août 2015 et que toute autre méthode aurait conduit à fragiliser l’ensemble des nominations intervenues ces deux dernières années.

Alors oui, monsieur le Président, cela a été laborieux et compliqué, mais nous y sommes parvenus, et c’est grâce aux efforts combinés de mes services et de vos instances que nous pouvons aujourd’hui accueillir tous ces nouveaux notaires, qui viennent grossir les rangs d’une armée solide et valeureuse, garante de la sécurité juridique et de la préservation des intérêts des citoyens. Ce que je voudrais que l’on retienne, c’est que nous avons ensemble, réussi à atteindre cet objectif, celui de respecter la volonté du législateur et de garantir la sécurité juridique des nominations intervenues.

Le moment est venu de procéder à un bilan afin de tirer les expériences de cette première phase de mise en œuvre de la liberté d’installation. Nous aurons notamment à nous interroger sur le caractère adapté de l’échelon territorial retenu pour déterminer les zones d’installation, les conditions des transferts d’office et la pertinence du tirage au sort dans ses modalités actuelles. C’est le chantier qui nous attend pour cet été. Comme les précédents, je suis certaine que nous saurons les conduire à bon port.

La moindre de vos qualités, Mesdames et Messieurs les notaires, n’est donc pas in fine, de refuser de passer les sauts d’obstacles que constituent les évolutions successives auxquelles votre profession doit faire face. Mais les précédentes réformes sont à peines mises en œuvre qu’en voici venir une nouvelle. Je veux parler du projet de loi de programmation et de réforme de la justice. J’espère que vous saurez y trouver quelque intérêt.

II - Le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice renforce en effet votre rôle et attribue à votre profession de nouvelles missions

Le notaire est déjà au cœur de la sécurisation des accords et il le sera encore davantage dans l'avenir. D'abord dans son rôle authentificateur, délégataire de la puissance publique, qui est le cœur de son office (A). Mais également dans le cadre de sa mission de médiation (B).

A. De nouvelles missions de « sécurisation » d’actes

La « déjudiciarisation » dont vous venez à l’instant de faire état n’en est pas une en réalité. Il s’agit d’un choix clair, et assumé, de décharger les juridictions de tâches non contentieuses et de recentrer le juge sur sa mission essentielle, celle de trancher des désaccords, dans des situations de déséquilibre.

Loin d’un désengagement de l’Etat, il s’agit non seulement d’offrir une justice plus lisible mais également plus disponible et de s’appuyer sur le rôle, essentiel, des notaires. Il entre en effet dans les missions traditionnelles du notaire de dresser des actes authentiques, d'informer les parties, de recueillir leur consentement et de veiller à ce que tous les intérêts en présence soient sauvegardés, y compris ceux des populations les plus vulnérables. Essentiel, ce rôle est également central en droit patrimonial de la famille, matière dans laquelle la compétence judiciaire est déjà résiduelle, celle-ci n'intervenant qu'en cas de désaccords des parties sur la liquidation et le partage d’une succession ou d’un régime matrimonial. C’est ainsi tout naturellement que dans le projet de loi de programmation pour la justice, il a été considéré :

- que l’intervention du notaire, rédacteur de la convention modificative du régime matrimonial des époux, était suffisante pour préserver les intérêts des enfants mineurs compte tenu de sa qualité d'officier public et ministériel ;

- que le contrôle judiciaire en matière de partage amiable et d’acceptation des successions a été allégé en présence de majeurs protégés ou de mineurs ;

- et qu’il a été mis fin à la compétence concurrente entre le juge et le notaire pour le recueil de consentement en matière de procréation médicale assistée.

B. Un rôle de médiation qui va s’amplifier

Monsieur le président, vous avez raison de le souligner, j'ai pour ambition de développer les modes de résolution amiable. La saisine d'une juridiction n'est pas un acte anodin. D'autres solutions doivent être proposées à nos concitoyens et je suis convaincue que dans certains cas, la tentative de résolution amiable est un préalable justifié qui favorise une issue rapide et apaisée à une situation conflictuelle.

Je sais que la profession s'est engagée avec passion dans la médiation. Cela ne me surprend pas car le notaire est d'abord quelqu'un qui sait écouter avant de traduire juridiquement l'intention de son interlocuteur.

A ce titre, le projet de loi que je porte trouvera un écho particulier chez les notaires :

- Tout d'abord en ce qu'il prévoit qu'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative sera obligatoire avant de saisir le tribunal de grande instance de litiges inférieurs à un certain montant et de ceux relatifs à un conflit de voisinage. Par sa connaissance des questions foncières, le notaire sera je n'en doute pas un médiateur avisé.

- Afin d'apporter toute la sécurité juridique requise à nos concitoyens, le recours aux plateformes de résolution des litiges doit être sécurisé, par une certification des prestataires de services en question, dispositif qui vient compléter celui prévu pour la médiation de consommation que vous avez évoquée. Que ce soit donc en présentiel ou par voie dématérialisée, je sais que la profession jouera un rôle de premier plan dans les nouveaux dispositifs prévus par le projet de loi que je porte.

- Je tiens par ailleurs à vous remercier pour l'offre de services exhaustive et de grande qualité que la profession a transmise dans le cadre de la réflexion en cours sur la modernisation de la délivrance des apostilles et des légalisations. Nous aurons dans les prochaines semaines l’occasion de nous entretenir de ce sujet.

- Concernant les saisies immobilières, si le projet de loi de programmation et de réforme ne comporte plus de dispositions à ce sujet, je vous confirme que je souhaite simplifier et améliorer la procédure de saisie immobilière afin de favoriser une vente au meilleur prix au profit tant des créanciers que du débiteur. Des réflexions sont en cours et devront être menées avec tous les auxiliaires de justice pour aboutir à un projet équilibré et efficient.

III – Les notaires confortent le maillage territorial en renforcant leur expertise par la maitrise des nouvelles technologies

Le recours aux nouvelles technologies constitue un autre enjeu incontournable pour la justice de demain et je ne saurais que louer l’avance technologique dont fait preuve le notariat notamment en matière numérique. J’ai eu l’occasion de m’en rendre compte très concrètement, en visitant votre site de Venelle il y a quelques semaines. Les notaires ont été de véritables précurseurs en la matière ainsi qu’en témoigne la création, et ce dès le début des années 1970, du Fichier Central des Dispositions de Dernières Volontés (FCDDV) créé suite à la convention de Bâle de 1972. Ce registre français des testaments est d’ailleurs aujourd’hui interconnecté avec ses homologues européens. Mes services ont depuis attentivement suivi les travaux du groupe e-Justice du Conseil sur l'interconnexion des registres électroniques des testaments lancé sur la base du plan d'action européen pluriannuel pour la justice en ligne 2014-2018, auquel ont participé les États membres en coopération avec le Conseil des Notariats de l'Union européenne.

Vous l'avez relevé dans votre discours, la forte mobilisation du notariat pour soutenir la Direction générale des finances publique dans son chantier de dématérialisation du fichier immobilier a été fondamentale : le passage à 100% Télé@actes pour les formalités déposées par les notaires constitue une amélioration du traitement des demandes pour les services de publicité foncière. S'agissant de la délivrance de renseignement, le système actuellement en cours d'expérimentation dans 8 départements vous permettra d'obtenir des renseignements sans délais. La modernisation de la publicité foncière est donc enclenchée en pratique. Il convient de s'assurer que les règles régissant cette matière permettent cette modernisation et soient suffisamment lisibles et transparentes pour assurer l'attractivité de la France de ce point de vue. Je rappellerai à cet égard que les délais de publication et d'inscription au fichier immobilier constituent un indicateur dans le classement « Doing business » permettant d’évaluer l’attractivité de notre droit. Conscients de ce défi, le ministre de l'action et des comptes publics et moi-même avons confié au professeur Aynès une mission sur la réforme de la publicité foncière qui devrait conduire prochainement à des propositions.

Pour aller toujours plus loin et être acteur du changement que porte la révolution numérique que nous connaissons, vous proposez de créer ce que vous appelez « l’office augmenté ». L’instrumentation à distance peut utiliser de nombreuses technologies permettant d’assurer la fiabilité et la traçabilité des données traitées. J’ai pu le mesurer personnellement lors de la démonstration que vous m’avez proposée de suivre à Venelle. La « blockchain », puisque c’est l’exemple que vous donniez, est une technologie permettant l’instrumentation à distance, historiquement publique et décentralisée. Elle donne cependant lieu à de nombreuses interrogations concernant la responsabilité et les transferts de données aux tiers qu’elle implique.

Après la sécurisation technique apportée par la signature électronique en 2003, le RGPD renforce la sécurité juridique et la transparence des traitements de données. Il fait reposer la relation entre la personne concernée et celui qui traite ses données sur la confiance, sur une confiance renforcée par des mécanismes comme l’identité numérique. C’est dans ce cadre que nous pourrons travailler ensemble sur l’instrumentation à distance.

Vous avez rappelé, Monsieur le président, le rayonnement du notariat auprès de nombreux pays et institutions, qui reconnaissent la modernité de votre profession. L’un des vôtres, vous le releviez, a même rejoint le groupe restreint des spécialistes mondiaux de l’identité numérique. Mais dans le cadre de l’attractivité de notre droit, que nous cherchons ensemble à promouvoir, vous soulignez à très juste titre l’importance et la qualité du travail des magistrats de liaison. S’ils sont, eux, les indispensables relais de la Chancellerie à l’étranger, vous êtes, vous, incontestablement les parfaits promoteurs du droit continental et du droit français à l’étranger, ainsi que vous l’avez encore récemment démontré en Chine. Votre collaboration a toujours été fructueuse et je ne doute que la nomination récente d’un 18ème magistrat de liaison en Afrique de l’Ouest et centrale viendra enrichir davantage encore notre coopération à l’étranger.

Enfin je souhaite, pour terminer mon propos, souligner une remarquable initiative. Sa modernité et sa compétence reconnues, le notariat les met aussi au service d’actions à but humanitaire. Je veux parler des actions engagées pour défendre le droit à l'identité de tout enfant partout dans le monde, grâce à des programmes d'enregistrement des naissances et de régularisation d'Etat civil notamment dans les pays d'Afrique francophones. C’est le sujet de ces enfants fantômes, qui n'ont jamais été enregistrés à leur naissance et qui sont aujourd'hui inconnus et invisibles aux yeux de leur propre pays contre lequel vous avez décidé de lutter. Voilà un grand et beau défi de solidarité que le notariat relève, dans la discrétion mais dans l’efficacité. Je tenais à souligner cette mission méconnue que le notariat a souhaité assumer.

En conclusion, j’aurai un message simple : devant les bouleversements que connaît notre monde et face aux réformes nécessaires que notre pays doit mener, je suis venu dire l’entière confiance du Gouvernement envers les notaires, leur expertise, leur esprit d’entreprise mais plus encore les valeurs qu’ils portent.

Soyez en tous remerciés.

Lire le discours