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Le procès de Klaus Barbie, le « boucher de Lyon »
Publié le 09 juillet 2020 - Mis à jour le 02 mars 2023
Neuf semaines d’audience hautement médiatisées au service du devoir de mémoire. Klaus Barbie, surnommé « le boucher de Lyon » était un officier SS, également chef de la Gestapo de Lyon entre 1943 et 1944. Après plus de 40 ans d’exil au Pérou puis en Bolivie, il est retrouvé et ramené en France.
Le 4 juillet 1987, au terme d’un procès long de neuf semaines, il est reconnu coupable de crimes contre l’humanité et condamné à la réclusion à perpétuité.
Un terrain législatif nouveau
Le procès qui s’ouvre le 11 mai 1987 à la cour d’assises du Rhône n’est pas le premier à impliquer Klaus Barbie. Il a déjà été condamné à mort par contumace par le tribunal permanent des forces armées de Lyon, entre 1952 et 1954, pour des crimes de guerre.
En 1983, date à laquelle débute l’instruction, ces crimes sont prescrits. C’est donc pour crimes contre l’humanité, incrimination née du tribunal de Nuremberg en 1945 et devenue imprescriptible en 1965, que Klaus Barbie est jugé. C’est une première en France.
Trois faits sont retenus dans un premier temps par l’instruction : la rafle de l’Union Générale des Israélites de France le 9 février 1943, la rafle des enfants d’Izieu le 6 avril 1944, et le dernier des convois quittant Lyon pour Auschwitz le 11 août 1944. À la demande des parties civiles, s’ajoute à la liste un quatrième chef d’accusation: « actes d'arrestation, torture et déportation de Juifs ou de résistants pris isolément ».
L’inédit ne se trouve pas seulement dans le seul fait du jugement pour crimes contre l’humanité. Alors qu’il est interdit depuis 1881 de filmer ou d’enregistrer une audience, puis à partir de 1954 de photographier les scènes d’un procès, Robert Badinter, alors garde des Sceaux promulgue, en 1985, une exception à cette loi.
En prévision du procès de Klaus Barbie, il déclare : « Vu l’atrocité des faits et le nombre exceptionnel de victimes, le procès s’annonce historique et médiatique. Ne conserver aucune trace de ce procès pour la mémoire paraît inconcevable. » Les procès dits « historiques » peuvent alors être enregistrés, filmés, et rediffusés.
L’ouverture d’un procès retentissant
C’est donc la première fois en France qu’un procès est entièrement enregistré. 800 journalistes sont présents à son ouverture. La dimension médiatique de l’évènement est telle que, pour pouvoir optimiser les enregistrements et le tournage des débats, une régie est installée à l’intérieur même de la cour d’assises : 4 caméras sont présentes pour filmer le procès dans son intégralité. Et la salle des mille pas du tribunal de Lyon, totalement réaménagée, sert de salle d’audience pour pouvoir accueillir ce procès d’ampleur.
Face à l’accusé et à son seul avocat, Jacques Vergès, ce sont 113 associations qui se sont portées parties civiles, défendues par 39 avocats. Le procès semble perdu d’avance pour la défense, Jacques Vergès en est conscient, et plutôt que de tenter de d’innocenter son client, il préfère remettre en cause de droit de la France à faire un procès pour crime contre l’humanité. Sa plaidoirie fait notamment référence au passé colonial français.
Le but de ce procès était davantage de donner une occasion réelle aux victimes et à leurs proches de prendre la parole et de témoigner. Il voulait aussi donner l’opportunité aux rescapés des crimes de Klaus Barbie, et à leurs descendants d’obtenir des excuses de la part de leur tortionnaire, mais jamais ils ne les obtiendront. La seule défense opposée par l’accusé lui-même est celle de la guerre : « C’était la guerre, et la guerre, c’est fini. »
Le 4 juillet 1987, après délibération des juges et jurés, Klaus Barbie, est condamné à la réclusion à perpétuité, pour avoir commis 17 crimes contre l’humanité. Il décèdera en détention le 25 septembre 1991.
Devoir de mémoire : un procès pour l’Histoire
Plus de quarante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le procès de Klaus Barbie ou du « boucher de Lyon » a ranimé la mémoire des Français et libéré la parole : les mots prononcés par chacun des 106 témoins appelés à la barre ont ravivé les souvenirs souvent enfouis et attisé les questionnements des plus jeunes.
La médiatisation d’ampleur dont ont fait l’objet les neuf semaines de procès a brisé « l’omerta » qui régnait à propos de la collaboration et de la responsabilité des Français dans le sort des juifs et résistants qui ont péri pendant le conflit.
D’autres procès « pour mémoire » auront lieu, condamnant d’autres dignitaires nazis ou collaborateurs comme Paul Touvier en 1992, ou Maurice Papon en 1998.