Typologie de contenus: Actualité
Justice des mineurs : les nouveautés de la loi du 23 mars 2019
Publié le 28 juillet 2020
Refonte de l'ordonnance de 1945, césure du procès pénal, création de 20 centres éducatifs fermés... la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la Justice rénove la justice pénale des mineurs. Objectif : apporter plus de clarté, plus d’efficacité et plus de réactivité, au service de l’insertion des mineurs.
Une refonte en profondeur de l'ordonnance de 1945
Depuis son entrée en vigueur il y a 75 ans, l’ordonnance de 1945 a subi pas moins de 39 modifications. Le texte était devenu illisible et nécessitait qu’on procède à un exercice de clarification souhaité par les professionnels. Pour autant, le projet de réforme ne consiste pas en un simple toilettage du texte. Une véritable évolution du fonctionnement de la justice pénale des mineurs est prévue. Objectif : proposer une réponse éducative plus efficace grâce à une justice plus réactive.
En effet, malgré les efforts des juges des enfants, il faut 18 mois en moyenne pour qu’un jeune soit jugé. Ce délai est trop long pour le jeune qui a besoin de travailler rapidement avec les éducateurs sur la prise de conscience de l’acte commis, à partir d’une déclaration de culpabilité déjà intervenue. Il l’est également pour la victime, qui ne peut être indemnisée avant le jugement, et pour la société, qui peut avoir l’impression qu’aucune réponse à l’acte n’est posée. De plus, trop de mineurs sont aujourd’hui en détention provisoire : sur les 800 mineurs détenus, 84% sont en détention provisoire.
Un code de la justice pénale des mineurs
Cette réforme a abouti à la création d'un code de la justice pénale des mineurs, prévu par l'ordonnance du 11 septembre 2019, qui regroupera toutes les dispositions applicables qui étaient auparavant disséminées entre le code de procédure pénale, l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante et d’autres décrets. Il vise à rendre la justice pénale des mineurs plus lisible et efficace, en préservant les principes fondamentaux sur lesquels elle repose : primauté de l’éducatif sur le répressif, spécialisation de la justice des mineurs, atténuation de la responsabilité en fonction de l’âge. La ratification de ce texte fera l'objet d'une discussion au Parlement.
Une mesure phare : la césure du procès pénal
Le projet de réforme simplifie la procédure afin d’apporter une réponse adaptée de façon plus réactive. Il instaure également une période de mise à l’épreuve éducative. Le jeune a besoin de prendre conscience de l’acte qu’il a commis et d’y travailler avec le magistrat et les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse qui l’accompagnent dans un temps qui ne soit pas trop éloigné de la commission des faits, comme le recommandent les pédopsychiatres.
Avec la réforme, l’instruction préalable devant le juge des enfants disparaît. Un premier jugement statuera dans les 3 mois sur la culpabilité du mineur, sur la responsabilité civile de ses parents ou de ses représentants légaux et sur l’indemnisation de la victime. Une période de mise à l’épreuve éducative s’ouvrira ensuite. D’une durée de 6 à 9 mois, elle permettra d’approfondir la connaissance de la personnalité et de l’environnement du mineur et d’engager sans tarder un travail éducatif pour remédier à ses difficultés personnelles ou familiales. A l’issue, le mineur sera jugé en fonction de ses progrès ou d’éventuelles récidives sans pour autant interrompre le travail éducatif qui se poursuivra en post-sentenciel. Le jugement sera mieux adapté, mieux compris par le mineur et donc plus efficace, et les délais connus.
Une mesure éducative judiciaire unique
Afin de permettre au jeune de sortir progressivement du dispositif d’accompagnement dont il bénéficie, sans rupture, cette mesure, qui remplacera les multiples dispositifs préexistants, pourra être mise en œuvre pendant 5 ans jusqu’aux 21 ans de l’adolescent. Dans le cadre de la mesure éducative judiciaire, le travail éducatif sera individualisé, y compris avec la mise en œuvre de modules, d’obligations ou d’interdictions tout en veillant à la cohérence du parcours du jeune.
Des moyens supplémentaires
Pour accompagner l’entrée en vigueur de la réforme de l’ordonnance de 1945, des moyens supplémentaires sont prévus. Dans le cadre du budget 2020 du ministère, d’importants moyens sont déployés pour assurer sa mise en œuvre, qui s’accompagnera de la création de 70 postes de magistrats, de 100 postes de greffiers et d’une centaine de postes d’éducateurs à la protection judiciaire de la jeunesse. C’est un effort important à souligner.
La création de 20 centres éducatifs fermés supplémentaires
Foyer, famille d’accueil, centre éducatif renforcé… La protection judiciaire de la jeunesse dispose de différentes solutions de placement pour les mineurs en conflit avec la loi qui lui sont confiés. Le centre éducatif fermé (CEF) constitue la solution la plus contenante, adaptée à des jeunes âgés de 13 à 18 ans impliqués dans un parcours de délinquance. Elle vise notamment à éviter la mise en détention des mineurs.
Les jeunes y sont accueillis en petit effectif (12 au maximum par établissement) afin d’assurer un suivi particulièrement individualisé, réalisé par une équipe pluridisciplinaire. Il leur est proposé un parcours renforcé, sur une durée suffisamment longue pour permettre leur évolution. Les jeunes pratiquent des activités éducatives et bénéficient d’un accompagnement scolaire adapté à leur niveau. Tout cela permet de favoriser, à la sortie du dispositif, une bonne réinsertion et une absence de récidive.
La pertinence des CEF en matière de prévention de la récidive a été soulignée par plusieurs rapports. Leur intérêt est notamment d'éloigner le mineur d’un milieu qui peut être à l’origine de son parcours de délinquance, sans toutefois l’exclure de la société. L’objectif est au contraire que le jeune puisse y prendre toute sa place après son passage en CEF.
Le CEF impose un cadre strict mais il est tourné sur l’extérieur. Au sein des CEF « nouvelle génération » en cours de création, cette dimension est renforcée : régime d’ouverture progressif sur l’extérieur ; accompagnement accru des jeunes pour préparer la sortie ; espace d’accueil temporaire pour les familles pour favoriser le maintien du lien ; construction des établissements à proximité des centres urbains et économiques, autant que possible.
Aujourd’hui, on compte 51 centres éducatifs fermés disséminés sur le territoire français. La création progressive de 20 nouveaux CEF répond aux besoins exprimés par les juridictions de disposer d’une offre de placement plus diversifiée et mieux répartie sur l’ensemble du territoire.
La création progressive de 20 nouveaux CEF vise également à renforcer l’efficacité du dispositif d’alternative à la détention, qui doit demeurer un ultime recours, en particulier pour les mineurs. A cet égard, la justice pénale des mineurs bénéficie également d’autres apports de la loi du 23 mars 2019 : renforcement des peines alternatives à l’emprisonnement et des hypothèses d’aménagement de peine, interdiction des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un mois.
En savoir plus sur la LPJ :
-
La loi du 23 mars 2019, une réforme majeure de la procédure civile
-
La loi du 23 mars 2019 modernise l'organisation des juridictions
-
La loi du 23 mars 2019, une réforme d'ampleur de la justice pénale
-
La loi du 23 mars 2019 modifie les règles applicables aux majeurs vulnérables
-
La loi du 23 mars 2019 crée le parquet national antiterroriste