[Archives] 7ème congrès national et européen de l’USAJ

Publié le 07 octobre 2005

Discours de Pascal Clément : 7ème congrès national et européen de l’Union Syndicale Autonome Justice à Bordeaux

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12 minutes

Monsieur le Secrétaire Général,
Messieurs les Chefs de cour et de juridiction,
Mesdames et messieurs les Fonctionnaires de justice,


Je suis très heureux de me retrouver à Bordeaux, parmi vous, à l’occasion de votre 7ème congrès national et européen de l’Union Syndicale Autonome Justice.

Je ne suis pas venu aujourd’hui par hasard. J’ai souhaité rencontré ceux qui font fonctionner la justice au quotidien, avec méthode et dévouement. Je connais les difficultés liées à votre métier, ses contraintes, l’impatience du public et la demande de Justice qui provient de nos concitoyens. Je sais surtout que dans cet environnement, des hommes et des femmes accomplissent courageusement la mission de service public que la République leur a confié.

L’occasion m’est ici donnée de rendre un hommage appuyé et très sincère à ces serviteurs de l’Etat, trop souvent méconnus. Je pense aux greffiers en chef bien entendu qui sont les organisateurs et les planificateurs de la justice au quotidien. Je pense aux greffiers qui assurent avec diligence et efficacité le fonctionnement concret des juridictions. Je pense enfin aux agents et adjoints, administratifs et techniques, qui sont les rouages essentiels de l’institution judiciaire.

Mesdames et Messieurs, la Nation vous doit reconnaissance et respect et j’entends bien m’en faire le porte-voix.

Vous avez souhaité placer ce congrès sous le signe d’une action syndicale centrée sur la proximité, comme le souligne le thème que vous avez retenu, «Déconcentration et efficacité syndicale».

Je vous remercie de m’avoir invité à partager vos préoccupations auxquelles j’attache une très grande attention. Je les ai entendues et vous pouvez compter sur moi pour que vos propositions aient des débouchés concrets.

Les greffes sont un outil indispensable pour assurer la modernisation des juridictions.
Dans ce contexte, la déconcentration est un outil qui permettra de rendre une justice plus efficace.

Je souhaite également que la déconcentration favorise un dialogue social plus dynamique.

LES GREFFES SONT UN OUTIL INDISPENSABLE POUR ASSURER LA MODERNISATION DES JURIDICTIONS.

J’ai l’ambition d’une justice moderne et proche des citoyens.

Vous qui êtes aux avant-postes des juridictions, vous connaissez bien nos succès, mais aussi nos dysfonctionnements. Vous avez largement contribué aux succès et je tiens à vous en remercier. La machine judiciaire est bien plus réactive que ce que l’on imagine.

En témoigne la mobilisation de ceux d’entre vous qui ont participé à des procès « hors normes » tels, cette année, ceux de Bonneville ou d’Angers. Les fonctionnaires de justice tout comme les magistrats ont montré à ces occasions l’exemplarité et la qualité du service public de la Justice. Je l’ai dit hier devant la presse et je tiens à vous redire ma fierté d’être à votre tête dans ces évènements difficiles, où la Justice sait être au rendez-vous.
Je sais cependant que, dans vos fonctions, vous êtes exposés. Nous avons tous en mémoire l’intolérable agression d’une fonctionnaire de justice en septembre dernier.

Dès que j’ai été informé de ces faits, je me suis rendu à Rouen ce qui m’a permis de manifester mon soutien et mon indignation aux magistrats et fonctionnaires du tribunal.

Cette affaire m’a définitivement convaincu, s’il en était besoin, qu’il est nécessaire d’améliorer très sensiblement la sécurité des juridictions.
Une part non négligeable des budgets de fonctionnement des juridictions y est déjà consacrée. J’ai immédiatement obtenu du ministère du budget le déblocage d’une somme de 2 millions et demi d’euros. J’ai également obtenu 2,1 millions d’euros supplémentaires pour l’année prochaine. L’an dernier, le budget sécurité s’élevait à 7,2 millions d’euros. Il s’élève aujourd’hui à 11,8 millions d’euros.

J’ai demandé aux chefs de cours de me proposer les solutions techniques les plus adaptées permettant de mieux garantir la sécurité des personnels. Je leur ai recommandé que ces propositions de travaux soient élaborées dans la concertation la plus large, notamment avec les organisations syndicales.

La rénovation des bâtiments ne suffira cependant pas. Il nous faut également recourir à des personnels de sécurité. C’est pourquoi j’ai demandé au ministre de l’Intérieur d’avoir recours aux policiers retraités de la réserve civile et au ministre de la défense aux gendarmes retraités. J’ai également lancé le dossier de la création d’une réserve pénitentiaire.

Nous avons des retraités jeunes, parfaitement formés à la sécurité et qui, en très grand nombre, souhaitent travailler. Il serait absurde de ne pas en profiter.

Je ferai le point sur ce dossier au début de l’année prochaine avec les organisations syndicales.
Je souhaite que nous avancions le plus vite possible car je n’accepte pas que l’on porte atteinte aux fonctionnaires de Justice. N’hésitez pas à me faire des propositions concrètes. Vous connaissez la situation sur le terrain et j’ai besoin de votre expérience.

Mais nous devons également relever ensemble de nouveaux défis. Rendre une justice de qualité implique d’une part de mieux informer et communiquer, d’autre part d’assurer une meilleure exécution des peines.

Vous qui êtes en relation constante avec les justiciables, vous savez mieux que quiconque leur besoin d’attention et d’explications. Je sais votre attitude exemplaire en ce domaine, mais je voudrais vous demander de nouveaux efforts. N’hésitez pas à faire preuve de patience avec nos concitoyens. Leurs questions revêtent souvent une soif de pédagogie. Chaque fois qu’un justiciable sort d’un tribunal avec le sentiment que la Justice a été rendue, c’est toute l’institution judiciaire qui en sort grandie et revalorisée.


Le second sujet qui me tient à cœur est celui de l’efficacité de la Justice. Nous ne pouvons nous contenter de nos résultats en matière d’exécution des peines. Là encore, vous êtes au premier plan.

A cet égard, je souhaiterais appeler votre attention sur les conséquences de l’entrée en vigueur le 1er octobre prochain du décret du 2 septembre 2005 relatif à la procédure simplifiée et au paiement volontaire des amendes correctionnelles ou de police, qui aura un impact sur toute la chaîne de l’exécution des peines.

La mise en œuvre de ce texte va en effet, même s’il est limité aux seules amendes, conduire à une nouvelle articulation entre les greffes correctionnels et les services d’exécution des peines des parquets. Ces nouvelles dispositions sont de nature à améliorer l’efficacité globale du dispositif d’exécution des peines. J’ai demandé à ce que tous les magistrats et les greffes soient sensibilisés le plus tôt possible à cet outil.

Il va également susciter à terme la multiplication des bureaux d’exécution des peines, actuellement en cours d’expérimentation dans divers ressorts, et dont la généralisation est un de mes objectifs à court et moyen terme.
Vous aurez besoin pour cela de l’affectation des moyens matériels nouveaux, informatiques notamment, qui vous seront fournis. Mais un BEX n’est pas uniquement une question de moyens, c’est aussi une question de volonté et d’efficience du fonctionnement d’une juridiction. Cette volonté, je ne doute pas que nous la partagions. Elle doit donc avoir des conséquences concrètes et rapides. Encore une fois, votre engagement sera la clé de la réussite et je compte sur vous pour que la situation s’améliore sensiblement.

Cette volonté de rendre la Justice plus efficace exige cependant une plus grande déconcentration de l’institution judiciaire.

UNE REELLE DECONCENTRATION POUR UNE JUSTICE PLUS EFFICACE. Telle est mon ambition pour une justice de proximité.

La déconcentration est une exigence compte tenu des nouvelles échéances administratives, financières et sociales. Vous savez qu’à compter du premier janvier 2006, la Loi Organique relative aux lois de finances (LOLF) entrera en œuvre.

Cette réforme se traduit par une nouvelle organisation des circuits budgétaires et comptables de l’Etat. Elle oriente les programmes et les missions de l’Etat vers une performance accrue. Je compte tout particulièrement sur vous pour que cette révolution culturelle améliore concrètement la situation des justiciables. Je n’en donnerai qu’un exemple.

Le premier objectif du programme Justice Judiciaire s’intitule « Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile ».
Des indicateurs définissent ensuite l’amélioration de la performance des juridictions. Un d’entre eux me semble important : le délai moyen de délivrance de la copie revêtue de la formule exécutoire. Ce délai est de 9 jours dans les TGI et de 18 jours auprès des Conseils de Prud’hommes. Notre action devra aboutir à des délais respectivement de 5 et de 10 jours en 2007. Vous pouvez constater que ces objectifs sont très ambitieux.

Mais, au-delà de ces indicateurs, la LOLF coïncide avec l’attribution aux chefs de cour de nouvelles compétences. C’est dans ce cadre que la déconcentration a un avenir : des responsabilités accrues et des engagements de performance à la hauteur de ces enjeux.

J’ai bien conscience que ces évolutions nécessitent des moyens humains et financiers.

A cet égard, les ressources humaines ont toujours constitué un atout majeur pour les juridictions et en renforçant les Services administratifs régionaux (SAR), j’ai voulu marquer toute la confiance que j’ai dans la capacité des greffiers en chef.

Ce renforcement se traduit par une augmentation des effectifs des SAR : Sur les 651 fonctionnaires qui rejoindront les juridictions, 339 emplois ont fait l’objet d’une localisation, et un quart de ces 339 emplois localisés de catégorie B et C l’ont été au bénéfice des services administratifs régionaux (SAR).

Par décret, ce service sera placé sous l’autorité directe des chefs de cour et le chef de SAR s’appellera désormais « Directeur Délégué à l’Administration Judiciaire », avec un effectif et un budget qui lui seront propres.

L’emploi de chef de SAR fera l’objet d’un repyramidage afin de donner des perspectives de carrière concrètes à ceux qui l’occupent. Dès 2006, la très grande majorité des postes de coordonnateurs seront reclassés en emplois fonctionnels pour ceux d’entre eux qui ne le sont pas déjà. La plupart de leurs collaborateurs pourront accéder directement au premier grade et pourront ainsi poursuivre leur carrière à l’intérieur du SAR.
De même, les emplois des greffiers en chef, chef de greffe, des juridictions les plus importantes, seront repyramidés en emplois fonctionnels lorsqu’ils ne le sont pas déjà.
Ainsi pourra s’organiser la nécessaire mobilité entre les SAR et les juridictions. En effet, la force de l’un trouve sa source dans l’autre et réciproquement, la spécificité judiciaire étant totalement prise en compte.

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En ce qui concerne l’attribution de la Nouvelle Bonification Indiciaire (NBI), les emplois fonctionnels de chef de greffe et de secrétaires en chef de parquet ne bénéficient, à ce jour, d’aucune bonification indiciaire. Je peux vous assurer que tous les efforts sont faits pour que ce projet aboutisse enfin à la mise en oeuvre de cette NBI.

Actuellement les greffiers en chef et les greffiers bénéficient d’un statut particulier.
Le projet de la fonction publique n’est pas encore suffisamment précis pour que l’on puisse connaître le devenir de ces statuts, pas plus d’ailleurs que le fait d’envisager un statut dérogatoire pour les agents de catégories C.

Néanmoins, je peux vous assurer que je ferai tout ce qui est dans mon pouvoir pour faire respecter la spécificité des statuts particuliers des corps de greffe.

En ce qui concerne l’évolution du corps des greffiers, la réforme statutaire, qui est entrée en vigueur le 1er juin 2003 leur a permis d’accéder au classement indiciaire intermédiaire réservé à quelques corps de la fonction publique reconnus pour exercer des fonctions à haute technicité.

L’aboutissement de cette réforme a donc marqué une étape importante pour les métiers de greffe. Elle a consacré la reconnaissance de la technicité du métier des greffiers, collaborateurs naturels des magistrats dans le domaine juridique et garant du bon déroulement de la procédure. L’article 2 du statut des greffiers leur donne désormais compétence en matière de rédaction de projets de décisions sous le contrôle des magistrats.

Parallèlement, la professionnalisation des greffiers en chef et des greffiers a été renforcée pour faire face à leurs nouvelles missions. La durée de leur scolarité à l’Ecole nationale des greffes a été allongée passant de 12 à 18 mois et une formation continue obligatoire a été mise en place.
Conformément à mon engagement, un groupe de travail concernant les greffiers sera mis en place avant la fin du mois d’octobre.

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L’accès du corps des greffiers au classement indiciaire intermédiaire (CII) a eu pour conséquence, une séparation des fonctions administratives et juridictionnelles et la création dans les services judiciaires, d’un nouveau corps, celui des secrétaires administratifs.

J’attache beaucoup de prix à la création de ce corps car il doit permettre la prise en charge plus efficace des fonctions administratives. Je souhaite que pour sa constitution et sa gestion, une large place soit faite à la promotion interne en faveur des agents de catégorie C affectés dans des fonctions administratives qui ne peuvent accéder au corps des greffiers par le biais du nouvel examen professionnel prévu pour les faisant-fonction. Un concours de 100 secrétaires administratifs sera organisé en 2006.

En ce qui concerne les autres évolutions prévues pour les fonctionnaires de catégorie C je vous annonce qu’un recrutement d’adjoints administratifs sera réalisé au début de l’année 2006.

Pour permettre une évolution de la carrière, un plan inter-directionnel a permis sur quatre ans (2001-2004) de transformer des emplois d’agents administratifs en emplois d’adjoints administratifs. Ce dispositif s’est terminé en novembre 2004. C’est ainsi que 3 783 agents sont devenus adjoints dont 150 au titre de l’année 2005.

Toujours dans le même objectif qui est celui de permettre une meilleure évolution de carrière pour les agents de catégorie C, trois examens professionnels ont été organisés depuis 2003 pour les agents et adjoints administratifs faisant fonction de greffier. C’est ainsi que 259 agents de catégorie C ont pu accéder au corps des greffiers, dont 31 au titre de l’année 2005.

Il était également urgent de valoriser les compétences des agents des services techniques et des ouvriers professionnels. Les plates-formes techniques sont un bon concept et je suis convaincu de la nécessité de les généraliser dans les meilleurs délais.

En effet, ces plates-formes permettront d’améliorer le fonctionnement quotidien des juridictions par une mutualisation des personnels -ouvriers professionnels et agents des services techniques- soit au niveau du site judiciaire regroupant plusieurs juridictions ou de l’arrondissement judiciaire voire, dans certains cas, au niveau régional ou départemental.
C’est à partir de ces nouvelles conceptions de l’exercice des métiers qu’il faut étudier comment peut évoluer la filière technique.

Enfin, en ce qui concerne le régime indemnitaire des personnels de catégorie C, le taux indemnitaire moyen a été régulièrement valorisé d’un point supplémentaire chaque année depuis 2000.

La mesure nouvelle obtenue au titre de l’année 2006 va permettre de faire passer de 23 à 24 % le taux moyen de l’indemnité spéciale qui leur est allouée. Ainsi nous ne sommes pas loin d’atteindre l’objectif fixé des 25 %.

Ces évolutions traduisent enfin la nécessité de renforcer le dialogue social auquel je suis très attaché.

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UN RENFORCEMENT DU DIALOGUE SOCIAL AU NIVEAU LOCAL POUR UNE DECONCENTRATION REUSSIE. Telle est ma vision de relations sociales dynamiques.


Pour assurer le succès de la déconcentration de la gestion induite par la LOLF, un dialogue social rénové doit être mis en place au niveau local.

Le dialogue social ne doit pas continuer de s’exercer pour l’essentiel, dans les seules instances nationales (Comité technique paritaire ministériel, comité technique paritaire des services judiciaires, comité d’hygiène et de sécurité ministériel). Il doit aussi s’exercer dans les assemblées générales des juridictions afin de permettre aux fonctionnaires d’exercer leurs fonctions dans une dynamique de juridiction.

Il doit s’exercer également dans les comités techniques paritaires régionaux (CTPR).

Comme vous le soulignez dans votre allocution, Monsieur le Secrétaire Général, il est en effet possible d’envisager une extension de son champ de compétences.

Le décret de 1982 laisse d’ailleurs, une grande latitude de compétences au CTPR qui peut être consulté sur toute les questions qui intéressent le service et relèvent de la compétence des chefs de cour.

Des évolutions dans ce domaine peuvent être utilement envisagées, notamment en matière d’hygiène et de sécurité, de handicap, d’action sociale ou de respect de l’égalité de carrière entre l’homme et la femme…

En outre, du fait des réformes postérieures à la circulaire de 1994, de l’entrée en vigueur de la LOLF déconcentrant la gestion budgétaire et celle des ressources humaines, de nouvelles évolutions relatives à la gestion des moyens humains et financiers devraient être ajoutées dans la mission des CTPR.

Il n’en reste pas moins que l’urgence d’une rénovation profonde du dialogue social au sein des juridictions est nécessaire.

C’est pourquoi, j’ai décidé de créer une commission qui sera mise en place dans les prochains jours, composée de magistrats et de fonctionnaires des juridictions.

Cette commission devra me proposer toutes mesures législatives, réglementaires et d’organisation susceptibles de provoquer les changements indispensables pour la mise en place d’un véritable dialogue social. Bien évidemment, elle devra se pencher sur le fonctionnement et les modalités de désignation des membres des CTPR. Compte tenu de l’urgence, un premier rapport d’étape devra m’être remis courant janvier 2006.

Dans le même esprit, je suis favorable à une remise à plat des modalités pratiques d’exercice des droits syndicaux.

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En conclusion, je voudrais vous dire combien je suis sensible aux efforts fournis par chacun d’entre vous quotidiennement pour assurer un service public de qualité.


C’est à ce prix que nous pourrons rapprocher la Justice des citoyens. J’ai conscience des exigences que cela implique mais aussi du rôle tout particulier des fonctionnaires des greffes dans la modernisation et le bon fonctionnement des juridictions.


Mais, je sais pouvoir compter sur vous et vous assure de ma confiance.


Je vous remercie de votre attention.