[Archives] 60ème anniversaire de la libération de Caen
Publié le 09 juillet 2004
Discours de Nicole Guedj, Secrétaire d'Etat aux victimes
Monsieur le président du Conseil Régional,
Monsieur le représentant de la présidente du Conseil Général,
Madame le Député-Maire,
Colonel,
Mesdames, Messieurs,
C'est un honneur pour moi d'être aujourd'hui parmi vous.
Un honneur, car je suis ici pour partager une émotion, qui soixante ans après les évènements que nous venons de nous remémorer, est toujours aussi vive.
Emotion des vétérans étrangers, de ceux qui ont traversé les mers ou les océans pour venir libérer le sol de France du joug nazi;
Emotion des anciens combattants français, au premier rang desquels ceux de la compagnie Scamaroni, qui ont lutté soit dans l'armée des ombres, soit dans les Forces Françaises Libres;
Emotion enfin, de tous ceux qui ont vécu, sous les bombes, la libération de Caen.
La Bataille, qui a duré du 6 juin au 19 juillet 1944, s'est inscrite dans la chair de tous ses protagonistes, civils ou militaires.
Qu'il soient tous réunis ici me parait d'autant plus important que les victimes civiles et militaires l'ont été pour la même raison, pour la même cause, souvent avec un courage et une peur comparables, mais tous réunis dans un sacrifice et un héroïsme communs.
Comment ne pas rappeler, au-delà de la bravoure des soldats ou des partisans français ou alliés, que des milliers de gens ordinaires ont été désignés par l'histoire et par la fatalité comme héros et victimes ?
L'hommage qui est rendu aujourd'hui à Caen va à tous ceux qui ont souffert dans cette enceinte sacrée et ruinée, mais qui a su renaître de ses cendres en faisant le pari de la vie.
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Nous savons ainsi ce que nous devons à ces soldats canadiens et britanniques qui ont donné leur vie pour la libération de Caen et ont laissé sur le sol de la Normandie plusieurs milliers des leurs.
Les combats acharnés qui ont eu lieu pour la conquête de la "ville aux clochers", ont été en effet particulièrement féroces, rappelant en cela les batailles les plus meurtrières de la Grande Guerre.
Qu'il me soit permis, au nom du gouvernement, de signifier à tous les combattants la reconnaissance de la Nation pour le sacrifice qu'ils ont consenti au nom de la Liberté et pour la France.
Cet hommage va bien évidemment aux combattants étrangers, mais aussi aux français de l'ombre: ceux qui se sont engagés dans la Résistance.
Je pense notamment à tous ceux de la Compagnie Scamaroni, résistants du Calvados, qui ont assumé, au péril de leur vie, des missions de renseignement, de liaison et d'action de guérilla essentielles, aux côtés des alliés.
Scamaroni, Hettier de Boislambert, Schumann, Duchez, Gille, Goguel, et bien d'autres noms encore, résonnent au panthéon de la mémoire collective des français comme autant d'exemples de courage, d'abnégation et de sacrifice.
Dois-je rappeler qu'à l'aube du premier jour du débarquement, ont été fusillés les quatre-vingt-cinq détenus – résistants pour la plupart - de la prison de la Maladrerie?
Je dois vous dire que j'ai ressenti de véritables frissons, en entendant tout à l'heure le Chant des Partisans, de même que la Marseillaise, en me disant que c'étaient les dernières paroles de ceux qui ont été assassinés ce jour là.
J'aimerais dire à ceux qui se sont engagés sur la voie de l'honneur, en même temps qu'ils empruntaient les chemins du maquis ou de Londres, au mépris de leur sécurité ou de celle de leur famille consentante, la reconnaissance de tout un peuple.
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Un peuple qui a subi les évènements de la libération du territoire avec espoir, et parfois, avec une infinie douleur.
J'ai été particulièrement touchée par les récits qui ont pu être faits des drames qu'ont vécu des milliers de Caennais au cours de ces longues journées de joie et de tristesse mêlées.
Promis à une libération rapide, les habitants ont dû se terrer dans leurs caves, dans des abris, ou des carrières, telles celles de Mondeville ou de Fleury .
Ils se sont regroupés – et entassés - dans une promiscuité et des conditions indiscibles dans des centres d'accueil comme l'îlot sanitaire de l'Abbaye-aux-hommes.
En regardant ces flèches dressées vers le ciel, d'où provenaient à la fois la libération et la mort, je réalise à quel point était fragile cette protection dont on bénéficié des milliers de nos concitoyens.
Je réalise à quel point la survie de milliers de personnes ont été suspendues au hasard d'un bombardement mal réglé.
J'imagine le dérisoire de la protection des croix rouges peintes sur les toits de l'Abbaye, mais qui ne pouvaient servir de protection absolue. Il aurait suffi de peu pour que cette dentelle de pierre ne devienne le tombeau de bien d'autres que de Guillaume le Conquérant.
Il me semble que nous devions aussi garder en mémoire, de ces semaines de terreur, l'incroyable solidarité dont ont fait preuve tous les héros anonymes, de la défense passive ou d'ailleurs, qui ont œuvré pour sauver les autres.
Ils avaient pourtant eux-aussi le choix, le choix de partir, et de ne pas s'occuper des blessés ou de ceux qui restaient.
Ils ont fait pourtant celui de défier la vulgarité et l'absurdité de la guerre;
Ils ont fait le choix de la solidarité et de la fraternité.
Cet exemple doit à tout prix nous guider aujourd'hui.
Toutes ces cérémonies, et celle d'aujourd'hui notamment, sont autant rappels pour continuer à faire vivre une certain idée de l'Homme, qui est aussi une certaine idée de la France.
Le devoir de mémoire, c'est aussi celui qui consiste à rappeler que l'on a toujours le choix.
Et que le seul choix qui compte, c'est celui du courage, de la générosité et de la dignité.
Merci.