[Archives] Groupes d'intervention régionaux

Publié le 09 septembre 2004

Discours de Dominique Perben à l'Institut National des Hautes Etudes de Sécurité

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7 minutes

Messieurs les Ministres,
Monsieur le Secrétaire d’Etat,
Mesdames et messieurs les Préfets de Région,
Mesdames et messieurs les Procureurs Généraux,
Mesdames et messieurs les Préfets,
Mesdames et messieurs les Procureurs de la République,
Mesdames et messieurs,

Je tenais tout d’abord à vous exprimer la satisfaction que j’ai à être présent parmi vous à l’occasion de cette journée consacrée aux groupes d’intervention régionaux.

Cette création, par la circulaire du 22 mai 2002, a constitué indiscutablement une approche novatrice de la lutte contre la petite et moyenne délinquance génératrice, on le sait, d’économie souterraine et d’insécurité.

Novatrice parce que les groupes d’intervention régionaux reposent sur deux idées fondamentales :

  • le décloisonnement des forces de sécurité et des administrations engagées dans la lutte contre l'économie souterraine,
  • et la mutualisation des hommes et des moyens.

Leur mise en place a véritablement bouleversé les méthodes traditionnelles de travail de l’ensemble des acteurs engagés au sein des groupes d’intervention régionaux, tant parmi les forces de sécurité que parmi les administrations associées.

Pourtant, ces acteurs ont su relever ensemble le défi qui leur était lancé et nul ne peut aujourd’hui mettre en doute le fait qu’ils y soient parvenus avec succès.


LES GIR : UN DISPOSITIF A L’EFFICACITE AVEREE

Le bilan de leur action est éloquent. A travers 1038 opérations, les GIR ont permis l’interpellation et le placement en garde à vue de plus de 8 000 personnes, dont 2293 ont fait l’objet d’un mandat de dépôt, ainsi que la saisie, en quantité importante, des produits de l’activité criminelle (armes, stupéfiants, tabac de contrebande, véhicules volés et maquillés…)
Aujourd’hui, après plus de deux années d’activité, le dispositif des G.I.R. doit être, évidemment, pérennisé dans son mode d’organisation et dans sa doctrine d’emploi.

La pérennité ne saurait cependant suffire.

Il faut désormais renforcer l’efficacité des GIR afin de les rendre encore plus performants, conformément aux attentes des Français qui nous ont donné mandat de lutter contre l’insécurité et la délinquance.

Grâce à l’investissement de tous, les premiers résultats sont au rendez-vous. Au cours de l’année 2003 la délinquance constatée est repassée sous la barre des 4 millions de faits, après cinq années consécutives de hausse.

Si l’on doit naturellement se féliciter de la baisse globale des infractions constatées, il convient de poursuivre dans cette voie et de diversifier les objectifs.

Les GIR doivent donc être en capacité d’évoluer pour traiter de nouveaux champs d’intervention.


LA DEFINITION DE NOUVEAUX OBJECTIFS

Ils doivent maintenant s’investir avec détermination dans des objectifs qui permettront d’aboutir à de meilleurs résultats dans la lutte contre la délinquance qui atteint les personnes.

En cela, je m’associe, pleinement, aux préoccupations du ministre de l’intérieur, relatives à la nécessité de lutter encore plus efficacement contre les trafics de produits stupéfiants qui induisent une délinquance violente et qui constituent également de puissants vecteurs de désorganisation sociale dans certains quartiers.

En effet, ces trafics contribuent au développement d’une véritable économie souterraine ainsi qu’à l’enrichissement de mafias, devenant parfois une référence pour certains jeunes en mal de repères.

De surcroît, nul n’ignore que les auteurs de trafics de produits stupéfiants, cherchent à imposer leur ordre, par la violence ou les menaces, non seulement à la population environnante mais aussi à ceux qui contribuent au développement de leurs trafics.

Pour mener à bien toutes ces actions, il m’apparaît indispensable que l’autorité judiciaire accompagne et soutienne encore d’avantage les groupes d’intervention régionaux dans leur action.

A cet égard, les groupes d’intervention régionaux bénéficieront dés le 1er octobre des dispositions de la loi du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, que j’ai fait voter au Parlement.

Si les dispositions relatives à l’infiltration et à la sonorisation de certains lieux et véhicules n’ont pas vocation à être mises en œuvre par les G.I.R, mais par les offices centraux, il importe que les procureurs de la République recourent à l’emploi des autres moyens spécifiques d’enquête dans toutes les situations où ils pourront être utilement envisagés.

Mais au-delà des outils juridiques nouveaux, il nous faut définir une méthode de travail tirée de l’expérience acquise au cours des deux années passées.

Comme vous le savez, l’autorité judiciaire occupe, aux côtés de l’autorité préfectorale, un rôle déterminant au sein du dispositif des groupes d’intervention régionaux pour le choix des objectifs qui leur sont assignés.


LE ROLE DE L’AUTORITE JUDICIAIRE

Préfets de département et procureurs de la République définissent ensembles les priorités des GIR sur la base d’un diagnostic commun, tandis que préfets de région et procureurs généraux en sont les autorités d’arbitrage.

Je demande à l’ensemble des procureurs généraux et procureurs de la République de s’impliquer personnellement, pour ce qui les concerne, et avec la plus grande détermination, dans la détermination d’objectifs pertinents assignés aux G.I.R. et dans suivi de l’activité de ceux-ci.

De manière générale, je veux que les procureurs de la République veillent, en concertation avec l’autorité préfectorale, à l’adéquation des objectifs choisis à la doctrine d’emploi des G.I.R., en fonction des spécificités de leurs ressorts et des directives d’action publique qui leur sont données.

A cette fin, les procureurs généraux, par leur mission générale d’animation, de coordination de l’action des procureurs de la République et de conduite de la politique d’action publique qu’ils tiennent de la loi, veilleront à ce que l’autorité judiciaire s’exprime d’une seule voix au sein de leur cour.

« Parler d’une seule voix » n’exclut pas la prise en compte des particularismes propres aux ressorts des tribunaux de grande instance. Cela implique seulement la définition d’une doctrine d’emploi unifiée et cohérente des G.I.R sur toute l’étendue des cours d’appel.

Il appartient à l’autorité judiciaire d’adresser à ses interlocuteurs un discours lisible pour tous, qui sera le garant de la cohérence de son action. Je sais qu’elle y est prête.

Par ailleurs, il m’apparaît très important de veiller au développement des capacités d’initiative des groupes d’intervention régionaux en amont de l’exécution des délégations des juridictions d’instruction.

Enfin, je demande aux procureurs de la République de veiller tout particulièrement à faire saisir les produits des activités criminelles, et à faire apparaître en procédure tous les éléments utiles sur le patrimoine mobilier et immobilier des délinquants, afin de permettre à la juridiction saisie de prononcer des peines de confiscation.


LE PARTAGE DE L’INFORMATION

En créant les GIR, le Gouvernement a voulu se doter d’un moyen nouveau et opérationnel pour lutter plus efficacement contre certaines formes de délinquance qui gangrènent notre société.

Les GIR ont été mis à la disposition, à titre principal, des directeurs départementaux de la sécurité publique et des commandants de groupement de la gendarmerie nationale, sur des objectifs préalablement fixés par les autorités judiciaires et préfectorales.

A cet égard, vous savez comme moi que le recueil de renseignements auprès des forces locales de sécurité constitue une étape incontournable dans la détermination des objectifs devant être assignés aux G.I.R.

Nous savons tous également que l’échange sans entrave d’informations et le recueil de renseignements utiles, conditionnent la pertinence du diagnostic commun du procureur de la République et du préfet de département, et par voie de conséquence celle des objectifs à fixer.

Je pense qu’il existe encore des améliorations à apporter dans cette phase du recueil de renseignements.

Je souhaite que dans ce domaine, l’autorité judiciaire contribue à mener jusqu’à son terme la logique de décloisonnement voulue lors de la création des GIR.

Il lui appartient de veiller, dans l’exercice de ses prérogatives de direction de la police judiciaire et de contrôle de l’activité des officiers de police judiciaire, à ce que la transmission de renseignements aux groupes d’intervention régionaux devienne un réflexe naturel de la part de ceux qui sont les premiers bénéficiaires.

En aucun cas les GIR ne doivent pâtir de méthodes de travail surannées ou de rivalités inter-services qui ne peuvent être admises et qui ne sont pas comprises par les Français.

La réussite des G.I.R. repose sur une alchimie particulière fondée sur la volonté de travailler en commun pour mettre en œuvre une nouvelle approche et une nouvelle méthodologie dans la lutte contre certaines formes de délinquance. Ce n’est pas chose aisée et j’ai conscience qu’il faut parfois savoir bousculer certaines habitudes.

L’implication de l’autorité judiciaire auprès des groupes d’intervention régionaux ne serait pas complète si celle-ci ne veillait pas, en outre, à l’instauration dans chaque département d’un comité de pilotage de leur action.


LES COMITES DE PILOTAGE

L’aspect innovant des actions à mettre en œuvre, tout comme les ajustements que requiert la lutte contre la délinquance génératrice d’économie souterraine et d’insécurité, rendent indispensable la mise en place d’un suivi encore plus rigoureux de l’activité des G.I.R, par les procureurs de la République et les préfets de département.

Outre ces deux autorités, il m’apparaît indispensable que s’investissent aussi dans ce suivi les responsables des forces de sécurité locales, qui sont les premiers bénéficiaires, sur le terrain, des actions auxquelles les G.I.R participent, et qui en tant que de besoin, pour des actions ponctuelles, leur donnent les personnels ressources qui leur permettent de mener à bien leurs missions.
Il importe également que les administrations associées participent pleinement à ce suivi, chaque fois que les objectifs déterminés concernent leur champ d’activité.

Ce suivi régulier doit permettre de vérifier la connaissance des moyens mobilisés, l’effectivité de la réalisation des objectifs fixés, et les impacts qu’a eu la réalisation des opérations menées en exécution de ces objectifs.

A cet effet la mise en place d’indicateurs de résultats serait de nature à permettre un véritable suivi de l’activité des GIR.

Seul ce suivi régulier peut assurer aux autorités décisionnaires des objectifs des G.I.R d’être très réactives face à une délinquance toujours prompte à procéder aux ajustements nécessaires pour s’adapter aux attaques dont elle fait l’objet.

C’est grâce à un engagement de chaque instant que les acteurs engagés au sein des groupes d’intervention régionaux ont su créer une méthode de travail moderne qui a démontré son efficacité sur le terrain.

Je vous remercie toutes et tous pour l’importance du travail que vous avez accompli depuis deux ans.

Maintenant que les GIR ont atteint leur pleine maturité, il vous appartient de tout mettre en œuvre pour que les résultats soient à la hauteur des attentes des Françaises et des Français. La délinquance nous le savons, n’est pas une fatalité. C’est grâce à l’action de chacune et chacun d’entre vous que nous arriverons ensemble à entraver l’action criminelle de ceux qui bafouent les lois de la République.