[Archives] Assemblée générale extraordinaire Conseil national des barreaux

Publié le 19 septembre 2003

Intervention du garde des Sceaux

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16 minutes

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les bâtonniers,
Mesdames, Messieurs,

Je tiens tout d’abord à vous remercier vivement de votre accueil, et à vous dire tout le plaisir que j’ai de me retrouver parmi vous à l’occasion de votre assemblée générale extraordinaire.

Un an après la convention de Nice, vous me donnez l’occasion de dresser un premier bilan de l’action entreprise et de tracer de nouvelles perspectives.

Mais avant d’aborder cet ordre du jour, je souhaite vous redire, Monsieur le Président toute l’estime que m’inspire l’institution du Conseil National des Barreaux et tout l’intérêt que je porte aux travaux que, sous votre direction, il mène avec énergie, enthousiasme et détermination.

Chargé de vous représenter auprès des pouvoirs publics, ce Parlement de la profession d’avocat en représente la diversité, en capitalise les richesses et en fédère les énergies.

Si j’ai évoqué, à l’instant, le régime de travail soutenu auquel les membres des diverses commissions doivent se plier, je n’ignore pas non plus que vos talents de négociateur, la sûreté de vos jugements, et votre autorité personnelle contribuent largement, Monsieur le Président, à assurer le rayonnement de cette institution, encore jeune, certes, mais aujourd’hui adulte.

Je souhaite donc vous remercier publiquement, et avec vous tous ceux qui participent à cet intense travail collectif, pour la qualité de vos réflexions et pour l’engagement désintéressé dont chacun fait preuve.
Le programme de cette assemblée générale dessine deux grandes catégories de sujets répartis en deux demi-journées.

Les premiers touchent aux fondements même de votre statut et de votre exercice professionnel : la déontologie, la formation, le périmètre d’activité et l’activité de défense.

Pour cette raison, plusieurs d’entre eux sont au cœur du projet de loi réformant certaines professions judiciaires et juridiques dont j'ai souhaité faire un des premiers axes de mon action.

Ce projet de loi a été adopté par le Sénat en première lecture le 2 avril dernier et il est inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour la seconde quinzaine du mois de novembre et dont j’espère qu’il portera 2003 comme date. Le travail parlementaire sur ce texte est donc maintenant bien engagé de sorte que nous pouvons considérer que ces sujets sont sur le point de trouver une réponse appropriée.

D’autres dossiers, ceux que vous aborderez cet après-midi, concernent plus spécialement les aspects économiques, entendus au sens large, de votre exercice professionnel.

Ils correspondent au deuxième temps de l’action que j’ai engagée en vous proposant, avant l’été, d’ouvrir une large concertation sur le thème de l’adaptation de la profession à son environnement économique.

Les différents groupes de travail, dont les thématiques ont été arrêtées d’un commun accord, se mettent progressivement en place. Nous y retrouverons notamment ce qui a trait au régime fiscal et social des professionnels et à l'adaptation des modes d'exercice de la profession.

C’est donc sur ce schéma que j’ordonnerai mon intervention.


1- La déontologie

Au premier rang des thèmes abordés figure la déontologie de votre profession.

La déontologie, pleinement assumée et intégrée dans la pratique quotidienne de l'avocat, fonde l’estime mutuelle de ceux qui se désignent sous le beau vocable de «confrères ».

C’est parce que l’engagement aux côtés d'un client est au cœur de la mission de l’avocat que l’exigence d’une déontologie s’impose.

Elle ne se résume pas seulement à un catalogue de devoirs et d’interdits ; elle constitue un véritable code d’honneur, au sens où chacun reconnaît son confrère comme partageant la même vision humaine et loyale de son engagement.

Mais pour rendre compte des exigences et de la portée d'une déontologie il faut aller plus loin que cet éloge de la confraternité. Le respect de la déontologie, c'est aussi le moyen de protéger l’image de votre profession, de valoriser la qualité de ses prestations.

Parce que vous êtes avocats, vous offrez plus à votre client que de la compétence : vous y ajoutez la sécurité que procure le respect des devoirs qui s'imposent à vous : devoir de confidentialité et devoir d'indépendance. Réciproquement, parce qu’il s’adresse à un avocat, votre client sait pouvoir compter sur le respect de cette déontologie, quelle que soit par ailleurs l’éthique personnelle de cet avocat.

Aujourd’hui, la déontologie ouvre précisément un nouveau champ de réflexion au dialogue que le Conseil National des barreaux entretient avec la Chancellerie. En effet, les règles classiques rapportées dans tous les traités deviennent insuffisantes pour rendre compte de toutes les situations que l'avocat doit affronter au gré des évolutions du métier.

En réalité, cette entreprise de rénovation et d'adaptation de la déontologie doit nous conduire à travailler dans deux directions.

La première est tracée par le projet de loi, qui dote le Conseil national des barreaux d’un véritable pouvoir normatif pour unifier les règles et usages de la profession : il vous appartiendra donc d’édicter ces « règles et usages » et cette compétence, vous l’exercerez sans partage.

Mais parallèlement, le contentieux auquel a donné lieu le règlement intérieur harmonisé a remis en évidence un principe simple, au demeurant inscrit dans la loi dès 1971, selon lequel "la fixation des règles de déontologie relève de la compétence du gouvernement "

Déontologie, d'une part, règles et usages, d'autre part, ont donc vocation à coexister et à se compléter dans une cohérence qu'il nous appartiendra d’assurer, j’y reviendrai dans un instant.

Je souhaite, avant toute autre chose, vous dire que si la définition des règles et usages est bien l'affaire du Conseil National des barreaux, je ne considère pas, pour autant, que la définition de la déontologie doive être, par l'effet d'une sorte de symétrie, l'affaire réservée du gouvernement.

Certes un décret en Conseil d'Etat devra arrêter ou valider, au final, un code de déontologie : telle est la volonté du législateur.

Mais cet objectif ne préjuge pas des modalités d'élaboration de ce code. Et à cet égard j'entends bien que le Conseil National des barreaux et la profession toute entière concourent à l'élaboration d'un projet auquel, le moment venu et dans un esprit de consensus, nous donnerions la forme d'un projet de décret en Conseil d'Etat.

Mais nous n'en sommes pas encore là : une première tâche nous incombe et je vous invite à nous y atteler dès maintenant.

Elle consistera à établir la ligne de partage entre les « règles et usages » relevant du pouvoir normatif du Conseil National des barreaux, d'une part, et la déontologie relevant d'un futur texte réglementaire - qui serait élaboré dans les conditions que j'ai dites - d'autre part.


Ce préalable une fois réalisé, je souhaite que les institutions représentatives de la profession, et le Conseil national des barreaux au premier chef, soient les chevilles ouvrières de l’élaboration de ce futur code de déontologie de la profession d’avocat.

Notre volonté commune, j'en suis convaincu, est de concevoir un corpus de règles, vivantes et harmonieuses, partagées par tous, dans le cadre des principes intangibles que sont le respect de l’indépendance de l’avocat, l’autonomie des conseils de l’Ordre, et le caractère libéral de la profession.

Sur de telles bases vous me trouverez toujours prêt à examiner le projet de code de déontologie dont votre profession doit aujourd'hui se doter.


2- La formation

Forte de ses principes et de ses traditions, votre profession a su traverser les temps et s’adapter aux évolutions du monde contemporain.

Mais l’avenir d’une profession dépend aussi du recrutement de ses membres et de leur formation. A nous de lui donner les outils dont elle a besoin pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain.

C’est pourquoi, j’ai porté une attention toute particulière aux dispositions relatives à la formation des avocats qui figurent dans le projet de loi réformant certaines professions judiciaires et juridiques.

Dans le cadre de ce projet, nous avons déjà travaillé à mettre plus de cohérence dans l’organisation de la formation initiale des avocats, en supprimant le stage et en allongeant corrélativement la durée de l’enseignement dispensé dans les centres régionaux de formation professionnelle.

J’ai bien entendu plaisir à rappeler également que le rôle du Conseil national des barreaux en matière d’harmonisation des programmes et de coordination des actions pédagogiques a été renforcé dans ce projet de loi.

Dans l’exercice de cette mission, votre Conseil devra naturellement œuvrer dans l’esprit des nouvelles règles d’accès à la profession d’avocat.

A cet égard, vous savez que des critiques se sont souvent élevées quant aux critères de sélection des élèves-avocats et quant au contenu de la formation qui leur est dispensée.

Il est vrai que les textes élaborés en 1993 privilégiaient encore la transmission d’une culture professionnelle plus judiciaire que juridique, en mettant l’accent sur la défense, plus que sur le conseil.

C’est pourquoi plusieurs de vos représentants ont appelé l’attention des pouvoirs publics sur les difficultés que certains cabinets éprouvaient à recruter, à l’issue de la formation de droit commun, de jeunes confrères spécialisés dans le secteur du conseil aux entreprises, pourtant très porteur.

C’est pour pallier ces difficultés de recrutement qu’une modification des programmes de l’examen d’accès aux CRFPA et de l’examen d’aptitude à la profession a été décidée, afin d'en rééquilibrer les contenus.

Notre effort a porté non seulement sur le droit des affaires mais aussi sur le droit public qui offre un nouveau champ de développement à certains de vos confrères.

Aujourd’hui, je suis donc particulièrement heureux de vous annoncer la publication au Journal officiel du 17 septembre dernier des deux arrêtés fixant les nouvelles modalités de ces examens qui régissent l’accès à votre profession.

Cette publication marque le terme de travaux riches et fructueux menés en particulier avec la commission formation du Conseil national des barreaux, dont je tiens à saluer ici le président, Pierre LAFONT.

Ces avancées en matière de formation initiale seront bientôt complétées par une réforme de la formation continue.

Les études que vous menez depuis plusieurs années sur ce sujet montrent qu’une formation continue obligatoire serait pour la profession d’avocat un gage de qualité supplémentaire.

Elle garantirait des compétences toujours plus aiguisées au profit d’usagers du droit toujours plus exigeants. En outre, elle contribuerait à faire diminuer le nombre de sinistres et à permettre un allègement des primes d’assurance.

Le 2 avril dernier, j’ai donc soutenu au Sénat un amendement au projet de loi, tendant à faire de cette ardente obligation déontologique une obligation légale.

Aux termes de l’article 18 bis de ce texte, qui ajoute un article 14-2 à la loi du 31 décembre 1971, « la formation continue est obligatoire pour les avocats inscrits au tableau de l’ordre ».

Il nous reste encore à délimiter, ensemble, les contours de ce que peut recouvrir cette obligation nouvelle. La nature et la durée des activités susceptibles d’être validées au titre de l’obligation de formation continue doivent être précisées. De même, le rôle que le Conseil national des barreaux sera appelé à jouer dans la mise en oeuvre du nouveau dispositif doit être clairement défini.

Les travaux de cette matinée me confirment que votre réflexion est aboutie et qu’elle enrichira le travail d’élaboration d’un dispositif législatif et réglementaire adapté aux besoins d’aujourd’hui de votre profession.

Je suis heureux que nous puissions ainsi sceller ensemble cette vaste réforme de la formation des avocats, qui constituera, j’en suis sur, un fort vecteur de progrès pour l’avenir.

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3- L’avocat : un acteur de l’économie

L’avocat, traditionnellement médiateur des rapports sociaux, est aujourd’hui devenu, de surcroît, acteur de l’économie.

Le choc d’une démographie professionnelle qui a plus que doublé en dix ans – que l’on songe un instant au défi que cela représente – a conduit les uns et les autres à explorer de nouveaux segments d’activités, à investir ce qu’il est convenu d’appeler le droit des affaires.

Parce que l’avocat est, plus que jamais, sollicité comme conseil par tous les acteurs économiques, il témoigne aussi de ce que l’économie doit demeurer soumise à la règle de droit.

En réalité, peu de professions ont autant changé que la vôtre au cours des dernières décennies.

La suppression des avoués auprès des juridictions de première instance, la fusion avec les conseils juridiques, l’introduction de l’exercice en groupe ou en qualité d’avocat salarié… Autant d’espaces de libertés propices à alimenter l’esprit d’entreprise, tout en veillant à ne pas fragiliser les fondations ancestrales de votre profession.

Cet esprit d’entreprise, l’avocat le cultive d’abord, en quelque sorte, pour lui-même, tant il est vrai qu’il est désormais chef d’entreprise, qu’elle soit petite ou moyenne.

Mais c’est également comme conseil des entreprises, que l’avocat a saisi et intégré la logique et les fondements du raisonnement économique.

Dans le creuset d’une même profession se développent ainsi plusieurs métiers, parfois bien différents dans un horizon aujourd’hui élargi à l’ensemble du monde et face à une concurrence accrue. Nous partageons cette conviction : le droit est un support pour l’économie. Nous devons travailler ensemble à l’élargissement de l’influence du droit romain germanique.

Vous le savez, au-delà des frontières européennes, l’évolution des professions juridiques et judiciaires se dessine également par touches successives dans le cadre de la libéralisation des services juridiques à l’échelle mondiale.

C’est pour toutes ces raisons que j’ai demandé à Monsieur le directeur des affaires civiles et du Sceau, de mettre en place des groupes de travail, associant étroitement les représentants de la profession et chargés de conduire une réflexion approfondie sur la nécessaire adaptation du barreau à son environnement économique.

Les axes forts de cette réflexion, dont les travaux ont débuté dès le courant du mois de juillet concernent principalement le périmètre d'activité des avocats, la rémunération, la promotion des cabinets français à l’étranger ainsi que les structures facilitant l’exercice professionnel.

Sur ce dernier thème, les premiers échanges ont permis de dégager plusieurs axes de progrès au premier rang desquels figure la nécessité d’en revenir à une palette de structures d’exercice plus raisonnable.

Je partage votre souci d’un système juridique plus simple, plus sûr, plus compréhensible à la fois pour le praticien et le justiciable et qui assure la compétitivité de vos cabinets.

Dans le même temps, nous devons approfondir les premières réflexions en faveur d’une totale transparence des structures d’exercice.

Il est vrai que l’arrivée de vos confrères européens exerçant sous leur titre d’origine dans des sociétés de droit français pose d'épineux problèmes et qu’il est tentant de les résoudre en supprimant cette interposition de la société entre l’avocat et les tiers.

Il faut donc évaluer les adaptations qu’imposerait un tel changement de régime juridique.
De même encore, l’amélioration de la fiscalité des structures, notamment en cas de transformation, doit constituer un objectif permanent.

Et à tous ces axes de travail l’actualité récente vient encore d’en ajouter un : je veux parler des sociétés de participations financières, autrement dit des holdings.

Le Conseil d’Etat a, au cours de l’été, rendu un avis négatif sur les projets de décrets qui lui étaient présentés. Cet avis invite le gouvernement à revoir la question de l’ouverture du capital social de ces sociétés.

Je demeure à ce titre persuadé que cette ouverture n’est pas une orientation satisfaisante pour certaines professions juridiques.

S’il est besoin de modifier la loi instituant les holdings pour aboutir à cette solution, elle le sera.

Cependant, une autre voie peut être de rechercher des solutions différenciées, profession par profession, en fonction de leurs statuts et de leurs missions.

Cette orientation laisserait la place, le cas échéant, à des « mariages » financiers à caractère interprofessionnel dés lors qu’ils ne porteraient atteinte ni à ces statuts ni à l’exercice indépendant de ces missions.

Dans ce cadre, votre profession pourrait gagner à promouvoir une conception ouverte du capital de ces structures, par ailleurs tant attendues comme instruments de compétitivité.

J’attends donc avec intérêt la position que le conseil national des barreaux dégagera prochainement sur ce point, à l’issue de la concertation renouvelée à laquelle le Conseil d’Etat nous a finalement invités.

En outre, cette concertation pourrait nous permettre d’envisager deux améliorations complémentaires au statut des holdings.

D’une part, le caractère exclusif de l’objet social de la holding, cantonné à la prise de participation, peut en effet apparaître comme un frein à l’avantage fiscal en ne lui permettant pas en pratique de dégager un résultat déductible.

D’autre part, en l’état actuel de la réglementation, les holdings peuvent seulement détenir des participations dans les sociétés d’exercice libéral.

Les professionnels étrangers peuvent ainsi prendre des participations dans ces sociétés mais, à l’inverse, les professionnels français, ne peuvent, via une société de participation financière, entrer dans le capital de cabinets étrangers qui ne connaissent pas la société d’exercice libéral.

Sur ces deux points, les possibilités offertes par la société de participations financières me paraissent donc pouvoir être améliorées.

C’est pourquoi, je souhaite que nous puissions poursuivre ces premières réflexions et dégager ensemble, de façon pragmatique, au fur et à mesure de ces travaux, des perspectives d’action, notamment aux plans législatif et réglementaire.

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Votre profession a très tôt compris que la confiance, qui est au cœur de son activité, car elle est un vecteur de sécurité juridique et de compétitivité, nécessitait de réfléchir non seulement à vos structures mais aussi à vos modalités d’exercice.

C’est pourquoi vos interrogations portent également sur le statut du collaborateur libéral, thème à l’ordre du jour de votre assemblée générale extraordinaire.

Le projet qui a été élaboré dans le cadre de la commission de concertation des professions libérales, me paraît aller dans le bon sens, même s’il doit sans doute être encore adapté sur tel ou tel point. Nous partageons en effet les mêmes objectifs : il s’agit tout à la fois de renforcer la sécurité juridique, en prévenant les risques de requalification des contrats de collaboration, et d’aider à l’installation ou à l’association des plus jeunes professionnels.

Cette question et bien d’autres encore appellent un important travail de concertation pour le bon aboutissement duquel je sais pouvoir compter sur votre profession.

Ce travail de concertation a d’ailleurs déjà conduit récemment à une avancée significative dans un autre domaine. Je veux ici parler de votre régime d’assurance vieillesse.

Le projet de loi portant réforme des retraites, adopté définitivement par le parlement le 25 juillet dernier, permettra en effet aux avocats, à partir du 1er janvier 2004, de demander dés l’âge de 60 ans la liquidation de leur retraite, sans abattement, lorsqu’ils ont accompli une durée d’assurance de 40 ans.

Est également ouverte la faculté de racheter, dans certaines conditions, les années d’étude supérieures et les trimestres manquants aux années civiles d’affiliation à la Caisse nationale des barreaux français.

Une loi ultérieure doit compléter ce dispositif en vue de réformer l’assurance vieillesse de base des avocats en cohérence avec les principes énoncés dans la loi.

La Caisse nationale des barreaux français conserve la maîtrise de son régime complémentaire obligatoire et de sa prévoyance ce que vous souhaitiez.

Il est un dernier thème économique dont je souhaite vous parler, c’est celui de la réforme du droit des procédures collectives. Vous savez que j’ai engagé des travaux pour rénover ce droit. La question se pose bien sur de l’extension de ce dispositif aux professionnels libéraux exerçant à titre individuel.

J’ai sollicité sur ce point l’avis de nombreux responsables des professions concernées, et notamment celui du président du CNB. Celui-ci m’a rappelé les termes des deux avis de 2001 émis par votre conseil.

D’une part, vous aviez alors souligné les avantages d’une extension de ce droit à des professionnels qui sont aujourd’hui dépourvus de toute protection lorsqu’ils connaissent des difficultés financières.

D’autre part, vous aviez détaillé les spécificités de votre profession qui devraient être prises en compte dans la nouvelle loi, comme le respect du secret professionnel ou les compétences disciplinaires des ordres.

Cet avis rejoint largement ceux émis par les autres professions concernées. J’ai décidé d’y donner suite et ai donné instruction à mes services de préparer un projet de texte au champ de compétence élargi aux professionnels libéraux et prenant en compte les spécificités de ceux-ci.

Ce projet vous sera adressé, avant d’aller plus loin, pour avis en octobre. L’objectif est que le Parlement puisse débattre de cette importante réforme pour notre pays, pour vous et pour les entreprises françaises dès le premier semestre de 2004.


4- Conclusion

En conclusion, je tiens d’abord à répondre à certains points sur lesquels, Monsieur le Président, vous m’avez interpellé.

Il s’agit tout d’abord de la situation des prisons, qui n’est pas satisfaisante. Depuis mon arrivée, je me suis attelé à la réforme des établissements carcéraux. Cette réforme se traduit notamment, par la construction de 13 000 nouvelles places de prison, par la séparation à terme des mineurs et des majeurs, avec une perspective éducative et non plus uniquement carcérale.

La réforme se traduit également par un véritable développement des alternatives à l’incarcération. Le nombre des travaux d’intérêt général n’a cessé de baisser depuis cinq ans en France. Le bracelet électronique n’existait pas jusqu’à ce que je rende possible la surveillance technique des condamnés. Aujourd’hui, nous sommes à plus de 400 bracelets électroniques. J’ai également introduit la possibilité de prononcer ab initio une condamnation au placement sous bracelet électronique.

Je souhaite aussi que soit rapidement effectué un véritable travail de concertation et de réforme administrative afin que notre pays dispose d’une Protection Judiciaire de la Jeunesse digne de ce nom, d’une Justice des mineurs digne de ce nom. La société française ne peut plus continuer à ne pas répondre à cette problématique, sinon nous le paierons tôt ou tard.

Concernant mon projet de loi relatif à la grande criminalité, il ne faut pas oublier que la délinquance a désormais acquis une dimension internationale et qu’il convient de se doter d’outils juridiques adaptés pour la combattre efficacement. A cet égard, un travail extrêmement intéressant a été réalisé en concertation avec vous.

Moi aussi, il m’arrive d’être particulièrement choqué par certaines affaires, non seulement parce qu’en tant que Garde des Sceaux, je suis garant des libertés publiques, mais aussi en tant qu’homme et responsable politique. Mais je suis profondément convaincu que liberté et sécurité ne sont pas incompatibles.

Beaucoup d’autre sujets pourraient encore être abordés devant vous aujourd’hui. Avant de terminer mon intervention je souhaite vous dire quelques mots sur un thème qui m’apparaît particulièrement important et qui, je le sais, vous tient également à cœur.

Il s’agit des violations répétées du secret de l’enquête et de l’instruction auxquelles on assiste régulièrement depuis plusieurs d’années.

Le sujet est délicat dans la mesure où il se trouve à la croisée des chemins de la liberté d’informer, du libre exercice des droits de la défense, de la confidentialité des investigations et enfin, et surtout, du respect de la présomption d’innocence.

Je ne peux pas accepter qu’au mépris de celle-ci des éléments couverts par le secret se retrouvent livrés au public. Je ne peux pas tolérer que des pièces de procédure tirées d’un dossier soient communiqués le jour même de leur rédaction, en vue d’une utilisation à des fins manifestement partisanes.

Dans le courant du mois de juin j’ai demandé à mes services d’engager une réflexion approfondie sur la violation du secret de l’instruction.

Monsieur le Président, mesdames et messieurs, il s’agit là d’un sujet délicat qui ne sera pas réglé sans vous.

Je vous sais très attentifs aux évolutions qui pourraient se dégager et je souhaite vous associer étroitement aux travaux à venir. C’est pourquoi je vous invite à venir me rencontrer au ministère de la justice, pour me faire part de vos propres réflexions dont je prendrai connaissance avec le plus grand intérêt.

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Pour conclure, je veux vous redire à tous ma gratitude pour l’engagement désintéressé qui est le votre au service de votre profession.

Vos confrères savent combien ils vous doivent. Je sais aussi, à titre plus personnel, combien vos travaux apportent à mon action de Garde des sceaux depuis bientôt un an et demi.

Au-delà de la diversité des structures et des activités, votre profession continue de puiser sa force et son unité dans un engagement invariable au service de l’homme et d’une éthique toujours vivace. C’est ce qui fait votre grandeur. C’est aussi ce qui fait le plaisir que j’ai, à chaque fois, à vous retrouver.

Je vous remercie.