[Archives] Assemblée générale Association française juristes d'entreprises

Publié le 10 décembre 2002

Discours du garde des Sceaux

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Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs,

Je tiens tout d’abord à vous remercier, Madame la Présidente, pour vos propos de bienvenue.

Notre rencontre est comme vous l’avez dit, une “première”. Je souhaite vivement qu’elle augure de rapports fructueux et pérennes.

Nos relations seront d’autant plus riches que le Ministère de la Justice n’a sans doute pas toujours témoigné de l’intérêt qu’il convient de porter à votre association. Je rappelle qu’après 33 ans d’activité, vous formez l’une des plus grandes et des plus actives associations de juristes d’entreprises en Europe.

Vous avez présenté les activités variées que vous avez su mettre en place pour répondre aux besoins des juristes d’entreprises dans toute la France.

Je constate avec satisfaction que vos objectifs rejoignent les préoccupations essentielles de la Chancellerie.

Bien sûr, la mission du ministère comprend, au premier chef, la politique pénale et le traitement du contentieux judiciaire. Mais elle ne se limite pas à ce domaine.

La Chancellerie est fondamentalement le ministère du droit et de la loi. A ce titre, elle inclut dans ses compétences le champ du droit civil et du droit commercial et concourt à l’élaboration du droit social. Ces matières font votre quotidien.

Vous avez souligné que la défense et la promotion de l’entreprise privée ne peuvent s’exercer que dans le respect de la norme juridique. Les entreprises ont besoin du concours de juristes de qualité, au fait des réalités économiques, susceptibles d’en mesurer l’impact juridique et d’en anticiper les mutations.
Je suis donc convaincu que nos perspectives d’actions peuvent tout à fait converger.

L’actualité récente, aux Etats-Unis et à un moindre degré en France, a montré l’importance de la nécessaire mise à jour du droit au regard de certaines pratiques financières.

A ce titre, il appartient au Ministère de la justice d’élargir et d’améliorer le dialogue qu’il entretient avec tous les acteurs du monde de l’entreprise. C’est l’une des raisons essentielles pour laquelle j’ai souhaité être présent parmi vous aujourd’hui.

L’Association française des juristes d’entreprise sera désormais régulièrement consultée sur les questions de droit économique et social dont la Chancellerie a la charge ou auxquelles elle est associée.

A ce jour, deux grands projets de réforme sont à l’étude en ces domaines :

  • l’un, initié par mon collègue Renaud DUTREIL, concerne la création d’entreprises et les moyens de faciliter celle-ci, en particulier en simplifiant les conditions de leur constitution et les formalités de leur immatriculation. Sera ainsi développée “l’initiative économique”, selon le titre même du projet de loi ;
  • l’autre projet, commun au Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie et à la Chancellerie, a trait au renforcement de la sécurité financière. Il comporte des mesures tendant à moderniser les autorités de contrôle en matière boursière, d’assurance et de crédit. Il prévoit un dispositif de protection améliorée des épargnants et des assurés, ainsi que des mesures destinées à renforcer le contrôle légal des comptes et la transparence dans la gestion des entreprises.

Forts de leur compétence juridique et de la connaissance du terrain, les 2 500 juristes d’entreprise que vous êtes, seront les relais nécessaires et efficaces pour contribuer à faire entrer ces réformes en vigueur, à leur donner toute leur efficacité et à en assurer, à terme, l’accompagnement auprès des entreprises.

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Vous avez également évoqué, Madame la Présidente, les questions, ô combien actuelles, de la dématérialisation et de l’internationalisation des échanges. Ce sont des sujets sur lesquels la Chancellerie est particulièrement attentive.


Je peux vous indiquer que la directive sur le commerce électro-nique sera prochainement transposée dans le cadre du projet de loi sur l’économie numérique en préparation au Ministère de l’Industrie.


J’ai tenu personnellement à assurer la présentation au Parlement du dispositif relatif aux contrats dématérialisés.

Il s’agit là en effet d’une innovation essentielle du Code Civil que le Ministère de la Justice se doit de porter, alors que nous allons bientôt fêter le bicentenaire de ce code.

Et puisque vous avez évoqué le contexte international, je souhaite comme vous, que nous puissions faire rayonner notre système juridique au-delà de nos frontières et je vous sais gré des actions que vous menez en ce sens notamment au sein d’ARPEJE (Association pour le Renouveau et la Promotion des Echanges Juridiques Internationaux).
J’ai été également très sensible, Madame la Présidente, aux propos plus généraux que vous avez tenus sur l’éthique.

Oui, aujourd’hui, la politique et le droit se doivent d’être inspirés par l’éthique. Tel est pour moi le sens des valeurs humanistes qui sont celles de la République.

Je souhaite en tout cas que nous travaillions ensemble au développement de l’éthique dans le domaine du droit. Il est essentiel que les juristes d’entreprise contribuent, dans leur travail quotidien, à la diffusion des valeurs fondamentales de notre société.

Comme vous l’avez souligné, chez le juriste d’entreprise, doivent nécessairement cohabiter le technicien du droit et aussi le responsable engagé dans le monde économique et social d’aujourd’hui.

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Ces qualités, que vous avez su mettre au service des entreprises, me conduisent à vous solliciter aujourd’hui pour un projet dont le gouvernement souhaite faire bénéficier plus largement l’ensemble de notre société.


Vous le savez des juges de proximité seront bientôt mis en place pour répondre au besoin d’une justice plus efficace, plus rapide, plus simple et plus proche des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens.

Il ne s’agira pas de magistrats professionnels mais de juristes possédant à la fois de solides connaissances et une expérience affirmée, qu’il sont prêts à mettre au service de la société.

Désignés pour sept ans, ils exerceront leur tâche sous régime de vacations de demies journées par semaine et pourront ainsi cumuler l’exercice d’une profession avec cette mission de service public.

Je suis convaincu que des femmes et des hommes comme vous, avec toute la richesse de vos compétences juridiques et humaines, ouverts aux réalités complexes du monde d’aujourd’hui et possédant de très grandes facultés d’adaptation, sont particulièrement qualifiés pour exercer de telles fonctions.

J’ajoute que les candidatures spontanées que nous avons déjà reçues (plus de 1000 à ce jour alors que la réforme n’est pas encore votée), révèlent que la fonction suscite déjà de nombreuses vocations parmi les juristes d’entreprise. Je souhaite que ce mouvement se poursuive.

Je sais pouvoir compter sur votre contribution à la construction d’une société mieux régulée par le droit, qui permettra ainsi de mieux garantir nos libertés.

Aussi je forme des voeux, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, pour que le travail que nous allons accomplir ensemble soit riche de nos compétences et de nos expériences partagées.

Je vous remercie.