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Projet de loi relatif à la bioéthique

Publié le 16 octobre 2019

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Le projet de loi relatif à la bioéthique a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 15 octobre 2019. Son article 1er permet aux couples de femmes et aux femmes non mariées de recourir aux techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP). Son article 4 tire les conséquences, sur le plan de la filiation, de ces droits nouveaux en permettant, pour la première fois, l’établissement d’un double lien de filiation maternelle autrement que par la voie de l’adoption.

Le projet de loi confirme que le consentement à l’AMP sera reçu par un notaire. A l’occasion du recueil du consentement, les couples de femmes reconnaîtront conjointement et par anticipation leur filiation avec l’enfant qui sera issu de cette AMP. Ainsi, dès la naissance, la filiation sera établie simultanément à l’égard des deux mères. Il suffira, au moment de la déclaration de naissance, de présenter cette reconnaissance, avec le certificat d’accouchement.

Le projet de loi dont l’Assemblée nationale a été saisi est le produit d’un long travail préparatoire mené par la DACS, après la tenue des Etats généraux de la bioéthique, l’étude publiée par le Conseil d’Etat en juin 2018 mais également après de nombreuses consultations notamment d’associations et un travail de comparaison des dispositifs retenus à l’étranger. Le texte élaboré tient compte des demandes formulées par les associations tout en maintenant les principes énoncés par la Garde des sceaux en séance publique à l’Assemblée nationale, à savoir garantir :

- l’égalité absolue des enfants quel que soit leur mode de conception,

- l’égalité des droits de tous les parents envers leurs enfants,

- la sécurité du lien de filiation à l’égard de la mère qui n’accouche pas

Pour la première fois, deux projets avaient été présentés au Conseil d’Etat au mois de juin 2019. Le premier créait, pour tous les couples ayant recours à une AMP avec tiers donneur, un nouveau dispositif d’établissement de la filiation fondé sur une « déclaration anticipée de volonté » (DAV). Il venait ainsi consacrer la filiation issue d’un projet parental commun distinct de la procréation charnelle et de l’adoption d’un enfant déjà né. Le second projet s’attachait à ne pas modifier les règles d’établissement de la filiation pour les couples formés d’un homme et d’une femme et réservait ainsi la DAV aux seuls couples de femmes. Le Conseil d’Etat s’est prononcé en faveur du second projet qui ne modifie en rien les règles de la filiation applicables aux couples formés d’un homme et d’une femme qui ont recours à l’AMP. Le Gouvernement a suivi l’avis du Conseil d’Etat.

Lors de son examen par la commission spéciale de l’Assemblée nationale, le projet a connu une évolution importante. Les auditions menées par la commission ont en effet révélé  l’attente forte d’une écriture qui permette d’atténuer  le plus possible la distinction entre les couples de femmes et les couples formés d’un homme et d’une femme. S’en est suivi un travail de co-construction législative entre le Gouvernement et la rapporteure, Mme Coralie Dubost. Le texte adopté par la commission spéciale supprime le titre « VII bis » du livre Ier du code civil, initialement envisagé, et réintroduit dans le titre VII les dispositions relatives à l’établissement de la filiation à l’égard des couples de femmes. En outre, afin de rapprocher les modes d’établissement de la filiation, la DAV a été supprimée et remplacée par une « reconnaissance conjointe » des deux femmes, reçue par le notaire au moment du recueil du consentement à l’AMP.

Lors des débats à l’Assemblée nationale, la discussion a été riche et fournie. L’article 4 fait l’objet de plus de 400 amendements en commission et en séance.

Les débats ont soulevé des questions importantes. Le projet, présenté par certain membres du Parlement, d’étendre purement et simplement aux couples de femmes les modes d’établissement de la filiation prévus pour les couples formés d’un homme et d’une femme n’a pas été retenu. De même, l’ambition de recourir à la possession d’état pour « régulariser » la situation des enfants nés avant la promulgation de la loi, a été écartée. Les débats ont permis de lever les doutes sur certains aspects du dispositif adopté, notamment sur le fait que si le double de lien de filiation maternelle est établi par la reconnaissance conjointe, l’accouchement par l’une des femmes reste une condition sine qua non de l’établissement de cette filiation.  Enfin, bien que dépassant le périmètre du projet de loi, les questions délicates de l’AMP post-mortem ou de la filiation des personnes transgenres ont également été évoquées mais n’ont pas fait l’objet d’amendements adoptés.

La question de la reconnaissance des enfants issus d’une GPA réalisée à l’étranger a également fait l’objet de débats nourris. Le Gouvernement a fermement réaffirmé son opposition à toute légalisation de la GPA en France. Un amendement imposant une reconnaissance de plein droit des GPA judiciairement validées à l’étranger a d’abord été adopté mais, après que le Gouvernement a demandé une seconde délibération en application de l’article 101 du règlement de l’Assemblée nationale, il a été rejeté.

Outre l’article 4, relatif à la filiation, la préparation et le suivi des débats du projet de loi de bioéthique a donné lieu à une intense collaboration entre la DACS et les services du ministère de la santé sur la quasi-totalité des autres sujets. La DACS a en particulier apporté son concours à la rédaction des nouvelles dispositions relatives à l’expression du consentement des personnes protégées en matière de don et à l’encadrement du prélèvement des cellules hématopoïétiques des mineurs au profit de leur père et mère et des majeurs protégés au profit de la personne chargée de la mesure de protection.

Après l’examen en première lecture du projet de loi de bioéthique par l’Assemblée nationale, le projet a été transmis au Sénat qui devrait l’examiner au cours du premier trimestre 2020.