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Cérémonie de passation de pouvoir entre Eric Dupond-Moretti et Didier Migaud

Publié le 23 septembre 2024

- Seul le prononcé fait foi -

Discours de Didier Migaud - passation à la Chancellerie - 23.09.2024.pdf PDF - 95,61 Ko

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Monsieur le Ministre, cher Éric Dupond-Moretti,

Qui aurait dit que nous nous retrouverions là, vous et moi, en ce 23 septembre 2024, à nous passer le relais des fonctions de garde des Sceaux sur le perron de cet hôtel de Bourvallais ? Les circonstances politiques, qui sont parfois taquines, en ont décidé ainsi.

Je suis heureux en tout cas de vous succéder dans ces fonctions éminentes et j’en profite pour saluer les succès que vous avez obtenus au cours de vos plus de quatre années à la tête de ce ministère. Vous y avez notamment obtenu une augmentation très sensible des moyens. Je mesure donc tout le travail qui a été effectué par vous et vos équipes et je vous en sais gré, moi qui vais désormais prendre votre suite.

Je pense aussi naturellement à tous les grands noms qui nous ont précédés dans la défense et la protection des libertés : Robert Schuman, François Mitterrand, Michel Debré, sous la IVe République ; Robert Badinter bien sûr ou, plus près de nous, Christiane Taubira, Nicole Belloubet... C’est un immense honneur pour moi que de leur succéder aussi, tant ces personnalités ont porté haut, tout au long de leur vie politique, les valeurs de la République.

Je pense évidemment à ma famille, à mes deux parents aujourd’hui décédés, à mon père notaire et à ma mère disparue cet été, qui auraient ressenti tant de fierté à être présents aujourd’hui, et à tous ceux qui m’entourent. J’ai une pensée également pour Louis Mermaz, lui aussi parti récemment, qui n’a jamais été ministre de la justice mais qui comptait parmi les hommes d’État qui m’ont, vous le savez peut-être, accompagné et inspiré.

Je mesure la chance d’être devant vous aujourd’hui, mais aussi la difficulté de la tâche qui m’incombe, dans une période éminemment troublée, au plan politique comme au plan budgétaire.

Le défi principal auquel j’entends m’atteler – et je pense que mes expériences passées, comme élu local et national, comme Premier président de la Cour des comptes, comme président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, vont m’y aider – c’est de renforcer la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire. Car la défiance dans nos institutions est un mal – injuste mais réel – qui ronge le vivre ensemble, ne reconnaît pas les efforts accomplis et nie l’intérêt général, alors que celui-ci devrait primer par-dessus tout.

Accroître cette confiance ne se fera pas seul et, à tout le moins, pas sans l’institution judiciaire elle-même et la communauté qui la fait vivre : magistrats, greffiers, agents pénitentiaires, agents d’insertion et de probation, agents de la protection judiciaire de la jeunesse, agents administratifs, professions juridiques et judiciaires, mais aussi les associations qui œuvrent à nos côtés, les chercheurs et universitaires qui réfléchissent à améliorer notre Justice ; toutes les bonnes volontés seront les bienvenues. Ces forces vives à l’intérieur comme à l’extérieur du ministère seront les moteurs de cette confiance et du changement qu’elle rendra possible. J’y veillerai en tout cas. Vous pouvez tous et toutes compter sur moi.

Je souhaite que nous puissions ouvrir les méthodes, mieux travailler, mieux gérer. Ce n’est pas seulement une question de moyens – je le dis à l’heure où la situation des comptes publics imposera vraisemblablement à notre pays des efforts collectifs. C’est une question de volonté et d’adhésion collective à un projet de transformation qui nous rende plus efficace et fier. Un projet qui permettra de clarifier pour tous la politique judiciaire nationale, de la rendre plus lisible et – mot qui m’est cher, je vous laisse deviner pourquoi – plus transparente.

J’ai comme vous le savez une longue carrière politique derrière moi. Je suis désormais magistrat – financier – depuis janvier 2010, mais j’arrive ici avec un regard neuf sur la justice – même si, du temps où je présidais la Cour des comptes, j’ai pu présenter un certain nombre de rapports touchant à l’institution.

Je compte ouvrir de larges consultations, rencontrer tout le monde, conférences, organisations syndicales et représentants des professions, mais aussi directement, sur le terrain, magistrats, agents et professionnels qui connaissent les défis, grands et petits, auxquels notre Justice doit répondre au quotidien. J’affronterai comme je l’ai toujours fait les situations qui posent problème : je pense à l’administration pénitentiaire, en souffrance depuis tant d’années, ou à la protection judiciaire de la jeunesse.

Mon objectif est de contribuer à créer du consensus, dans une institution éminente qui a pu en manquer parfois – je pense que vous ne me contredirez pas, Monsieur le Ministre –, sur la nécessité de faire progresser la justice pour la rendre plus proche des citoyens, plus juste, plus rapide. Ce n’est pas à vous que j’apprendrai l’importance cruciale de la justice, rendue je le rappelle au nom du peuple français, pour le bon fonctionnement d’une démocratie. Cela mérite bien de dépasser quelques clivages…

Mais je ne serai pas plus long car ce n’est ni le lieu ni le moment.

Je vous souhaite, Monsieur le Ministre, cher Eric Dupond-Moretti, de réussir votre vie « d’après le ministère de la justice ». Je suis plutôt confiant sur ce point.

Mais je nous souhaite plus encore, pour nous tous et toutes qui formons la galaxie judiciaire, de réussir dans la concorde et la sérénité les immenses défis auxquels notre institution et notre société sont déjà et vont être confrontées. C’est le seul objectif qui m’importe et qui justifie ma présence aujourd’hui, à cette place, au sein de ce Gouvernement.

Je vous remercie.