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Ouverture de la vente aux enchères exceptionnelle de l’Agrasc « Trésors cachés de Paris » jeudi 21 novembre 2024
Publié le 21 novembre 2024
- seul le prononcé fait foi -
Monsieur le premier président de la Cour d’appel de Paris,
Monsieur le président du tribunal judiciaire de Paris,
Madame la directrice générale de l’Agrasc,
Mesdames, Messieurs,
L’intervention que je m’apprête à faire revêt un caractère atypique parmi toutes celles que j’ai prononcées depuis ma prise de fonctions.
D’abord, elle sera relativement brève – je me doute que vous ne m’en tiendrez pas rigueur car j’imagine votre impatience.
Mais au surplus elle sera performative, puisqu’il s’agit pour moi de lancer le démarrage d’une vente aux enchères.
Quel étonnant contexte en vérité pour un garde des Sceaux que cet événement, organisé dans une enceinte judiciaire, après exposition des lots dans une enceinte policière, par une agence sous double tutelle du ministère des comptes publics et du ministère de la Justice…
L’ouverture de cette vente aux enchères, qualifiée d’exceptionnelle et dont le sous-titre (« trésors cachés de Paris ») sous-tend une certaine poésie, est en tout cas une première pour moi.
Je suis en réalité très fier d’assurer ce lancement car il illustre l’une des réalités que j’ai déjà eu l’occasion de rappeler dans le cadre d’autres prises de parole : la Justice n’apporte pas seulement à nos concitoyens, elle rapporte.
En effet, la Justice n’est plus, depuis bien longtemps, la caricature d’une institution éthérée qui, trop occupée à manier des grands principes (innocence/culpabilité), ne se préoccuperait guère de considérations prosaïques telles que la maîtrise des coûts ou l’optimisation de son action.
A rebours de cette idée reçue, cette vente aux enchères est le symbole d’une Justice du XXIe siècle ancrée dans la réalité, qui, à travers le volet financier, fait rimer efficacité avec rentabilité.
Au cours des enquêtes judiciaires, des milliers de scellés sont ainsi constitués chaque année. Exceptés les scellés qui serviront de preuves, d’autres scellés saisis pour leur valeur sont destinés à être vendus. Ils ne sont pas faits pour dormir au fond d’un lieu de stockage d’un service de scellés ou, pire, susciter de nouveaux frais de gardiennage.
Au contraire, la vente de ces scellés est conçue comme un levier de rationalisation de gestion, de réduction des frais de justice et, logique imparable, un moyen de réinjecter les avoirs issus de la délinquance à destination de ceux qui concourent à lutter contre elle ou à destination des victimes. Un cercle vertueux donc, « un bien pour un mal » pourrais-je même dire.
Grâce au partenariat avec le Domaine, ces ventes ont ainsi permis de générer plus de 18 millions d’euros en 2023.
Cette vente, nous l’espérons, sera tout autant fructueuse à son échelle. Pas moins de 447 lots sont présentés ici, issus exclusivement d’enquêtes judiciaires sous la direction des juridictions de la région Île-de-France.
Elle est le fruit d’une mobilisation croissante des juridictions, particulièrement parisiennes, avec un triplement du nombre de biens confiés à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc).
Cette agence a pour mission :
- d’assister les juridictions à la réalisation des saisies et confiscations envisagées ;
- former les personnels judiciaires et les enquêteurs en la matière ;
- assurer la gestion centralisée des sommes saisies ;
- publier les saisies et confiscations pénales immobilières ;
- assurer donc la vente des biens meubles avant jugement ;
- dynamiser les scellés ;
- permettre l'affectation des biens meubles aux services d’enquête et aux services judiciaires ;
- et indemniser les victimes sur les biens confisqués.
Elle exécute :
- le versement des sommes confisquées au budget général de l’Etat ou à des fonds de concours (fonds de concours stupéfiants, fonds de concours lutte contre le proxénétisme, biens mal acquis) ;
- la vente des biens immobiliers ;
- la restitution des biens saisis et gérés par elle, ordonnée par l’autorité judiciaire ;
- l'affectation sociale, c’est-à-dire que l’agence peut mettre à disposition, le cas échéant à titre gratuit, un bien immobilier dont la gestion lui est confiée au bénéfice d'associations ainsi que de fondations reconnues d’utilité publique et d’organismes agréés.
Ses missions n’ont cessé de croître, développant également une emprise territoriale avec la création d’antennes destinées à valoriser sa mission d’assistance.
La dernière loi en date, du 24 juin 2024, dite loi Warsmann, ne fait pas exception et vient participer à cette même dynamique en améliorant les dispositifs de saisie et confiscation.
Le renforcement de ces dispositifs est depuis longtemps une priorité gouvernementale et une source de préoccupation constante. En ces temps de restriction budgétaire, ces derniers prennent d’autant plus de pertinence.
Cette vente s’inscrit ainsi dans un contexte plus global de recherche d’efficience et de sens de l’action de l’Etat.
En participant à cette vente, les acheteurs contribueront tout autant que les professionnels à faire œuvre de Justice.
Elle est une démonstration en soi que le crime ne profite pas.
Elle est avant tout un acte citoyen.
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter, dans l’intérêt général, de bonnes enchères.
Je vous remercie.