Typologie de contenus: Discours du ministre

Cérémonie pour les 50 ans du discours de Simone Veil consacré à l’IVG

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Madame la présidente de l’Assemblée nationale,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Mesdames les présidentes des délégations aux droits des femmes,

Mesdames et Messieurs les députés,

Mesdames, Messieurs,

Je suis à la fois honoré et ému de m’exprimer ici, à l’Assemblée nationale où, il y a 50 ans jour pour jour, intervenait Simone Veil pour défendre le projet de loi légalisant l’avortement.

Je vous remercie, madame la présidente, de me donner cette occasion de saluer le courage politique, la fine stratégie et le résultat historique de ce rude combat gagné en 1975 par la ministre de la santé, lors de l’adoption de son texte par 284 voix « pour » et 189 « contre », dans une Assemblée nationale qui comptait neuf femmes sur 490 députés.

Un discours remarquable à plusieurs égards : par son caractère transpartisan, par la conviction forte sur laquelle il s’appuie, par le sens politique très aiguisé dont il atteste et par l’écoute qu’il révèle de la parole des femmes et des évolutions de la société.

Le 26 novembre 1974, le moment était venu et il a été saisi.

Simone Veil n’était pas une féministe revendiquée, comme elle l’affirmait elle-même. Elle a néanmoins réussi, en dépit ou grâce à cela, à emporter ce vote historique sur une cause portée d’abord par le MLF, par Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi. Car, rappelons-le, le « Manifeste des 343 » lancé par « l’autre » Simone (de Beauvoir) ou les procès de Bobigny, plaidés avec talent par Gisèle Halimi, avaient déjà ouvert le débat public, si ce n’est les cœurs et les esprits. Ils avaient ouvert les yeux sur cette profonde injustice qui consistait à poursuivre et à condamner les femmes qui n’avaient d’autre choix que de procéder à des avortements illégaux, au risque de leur vie. Leurs combats ont été déterminants pour faire progresser la cause des femmes.

Pourtant, Simone Veil a compris qu’elle devait se démarquer des féministes pour emporter le vote des députés, très majoritairement des hommes, peu enclins à soutenir les luttes d’émancipation féminine. Loin de moi l’idée de minorer l’importance de ces luttes et encore moins de ce qu’elles ont apporté à notre société mais, de fait, en 1974, dans l’hémicycle, les mentalités n’étaient pas prêtes à entendre ce discours légitime. C’est ce que Simone Veil avait bien compris, en femme de compromis et de consensus, et c’est ainsi qu’elle a pu poser la pierre angulaire de l’édifice juridique sur l’interruption volontaire de grossesse.

Certes pour cinq ans, en plaidant l’aspect social et médical, et en faisant preuve d’une humilité rassurante. Mais, ce faisant, elle réussissait à ouvrir la porte, à tracer la voie qui a conduit presque 50 ans plus tard, le 8 mars dernier, à la promulgation de la loi de constitutionnalisation de l’IVG. Grâce à elle, grâce à Simone Veil, qui repose désormais au Panthéon, grâce au combat des féministes, nous sommes parvenus à construire une forteresse solide pour protéger un droit si fragile et pourtant essentiel, un droit remis en question y compris dans de grandes démocraties : le droit, pour les femmes, à disposer de leur corps.

En 2024, l’objectif était, cette fois, clairement affiché, signe certain d’une grande évolution des mentalités : sanctuariser cette liberté fondamentale. « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » : c’est le texte voté en Congrès à Versailles par 780 voix « pour », émanant de tous les bords politiques, 72 voix « contre » et 50 abstentions.

Madame la présidente, j’imagine l’émotion qui a dû être la vôtre lors de l’annonce des résultats du vote du Congrès, quand la France devenait, en ce 4 mars 2024, le premier pays au monde à inscrire explicitement le droit à l’avortement dans sa Constitution.

Le Président de la République a prononcé cette phrase lors du scellement du texte place Vendôme, devant un millier de personnes : « Le sceau de la République scelle en ce jour un long combat pour la liberté ». C’est dans ce long combat que s’inscrit la figure historique de Simone Veil, femme politique, femme de paix et très grande dame. Cette liberté est à présent protégée par le juge constitutionnel et par notre Parlement.

Certes, il reste beaucoup à faire lorsqu’on soutient la cause des femmes, parce que les femmes sont encore très souvent, trop souvent, victimes de violences physiques, psychologiques, économiques, sexistes et sexuelles.

Nous devons continuer à lutter ardemment contre ce fléau qui touche la moitié de l’humanité et cause des souffrances indicibles.

Parce que la Justice protège, parce qu’elle condamne, parce qu’elle est au cœur de l’Etat de droit, mon ministère prendra toute sa part dans ce combat et j’espère, là aussi, que nous pourrons accomplir de nouveaux progrès sociaux grâce à un travail transpartisan, porté par des femmes et des hommes convaincus de la nécessité de soutenir haut et fort la cause des femmes. Je le dis sans ambages : si l’on veut atteindre l’égalité, le XXIe siècle ne peut plus, ne doit plus, être celui de la domination de l’homme sur la femme.

En cette journée de commémoration du discours historique de Simone Veil, affirmer cela me paraît essentiel.

Je vous remercie.