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Passation de pouvoirs entre Didier Migaud et Gérald Darmanin

Publié le 24 décembre 2024

La cérémonie de passation de pouvoirs entre Didier Migaud et Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la Justice s’est tenue le 24 décembre 2024 à la chancellerie.

Gérald Darmanin au pupitre devant le ministère de la Justice, Didier Migaud à ses côtés
Passation de pouvoirs entre Didier Migaud et Gérald Darmanin

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Sur proposition du Premier ministre, le président de la République a nommé Gérald Darmanin ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la Justice, le 23 décembre 2024.

La passation de pouvoirs entre Didier Migaud et Gérald Darmanin s’est tenue le 24 décembre 2024 à l’hôtel de Bourvallais, siège du ministère de la Justice, place Vendôme, à Paris.

Passation de pouvoirs entre Didier Migaud et Gérald Darmanin

Passation de pouvoirs entre Didier Migaud et Gérald Darmanin

Didier Migaud

Monsieur le Ministre d’Etat,
Chers directeurs et directrices,
Chers magistrats et agents du ministère de la Justice,
Chers membres de mon cabinet,
Mesdames, Messieurs,

Le 23 septembre dernier, il y a trois mois presque jour pour jour, je me tenais ici devant vous, sur ce perron de l’Hôtel de Bourvallais, et je ne savais pas encore que j’allais y passer l’une des périodes à la fois les plus courtes et les plus heureuses de ma vie professionnelle…
Je vous dis cela en conscience et du fond du cœur, en m’adressant à vous, magistrats, greffiers, assistants de justice, agents pénitentiaires, personnels d’insertion et de probation, agents de la protection judiciaire de la jeunesse, personnels administratifs, présents aujourd’hui ou à distance, ou qui liront ce discours dans les jours qui viennent : j’ai aimé ce ministère et je le quitte à regret.
J’ai aimé me plonger dans vos métiers, vos attentes, vos enjeux. Lors de tous mes déplacements, dans les tribunaux, dans les prisons comme dans nos écoles, partout où je suis allé, j’ai ressenti votre envie de bien faire, le sens du service public, la passion de vous engager et de servir la cause de la Justice, même dans les conditions les plus difficiles.
J’ai aimé vous écouter et retisser avec vous des liens de confiance qui avaient pu être parfois distendus par le passé. Je salue notamment l’ensemble des conférences et des organisations syndicales avec lesquelles j’ai pu m’entretenir, mais aussi tous les professionnels du droit, si importants pour l’exercice de nos fonctions, avec lesquels j’ai pu échanger au cours de ces 12 semaines.
J’ai aimé défendre l’institution judiciaire auprès de nos concitoyens, à la recherche de leur confiance perdue, pourtant indispensable, en rappelant en toutes circonstances que la Justice est là pour protéger, sanctionner et réparer, et qu’il n’est pas de démocratie viable sans une Justice solide et respectée.
J’ai aimé me battre avec ardeur pour que ce ministère regagne une partie des moyens budgétaires qui lui avaient été enlevés cet été – avant que la motion de censure emporte tout sur son passage.

Ensemble, en si peu de temps, nous avons déjà fait de grandes choses et posé les jalons indispensables qui contribueront, je l’espère et je le dis en confiance à mon successeur, à améliorer le fonctionnement de la Justice au service des citoyens.
Je pense au plan de lutte contre la criminalité organisée, urgence absolue et mal endémique qui nécessitaient des décisions immédiates, que nous avons prises, et des engagements forts pour demain. L’examen de la proposition de loi du Sénat, fin janvier, sera l’occasion d’y revenir et de consolider le dispositif existant, que nous avons déjà substantiellement amélioré.
Je pense à l’immobilier pénitentiaire, enjeu crucial à la fois pour nos personnels, dont les conditions de travail sont souvent rudes, et pour les détenus, dont les conditions de détention sont parfois indignes. J’ai mené une opération vérité, difficile mais nécessaire, pour dire que l’objectif de construire 15 000 places de prison nettes d’ici 2027 ne serait pas tenu, en dépit des engagements pris par mes prédécesseurs, et qu’il fallait donc trouver les voies et moyens pour améliorer rapidement la situation dans les années qui viennent : elles existent, nous avons commencé à les identifier et j’ai confié à Laurent Ridel la mission de les explorer avec l’appui des services du ministère.
Je pense naturellement aussi aux trois missions d’urgence, structurantes pour l’avenir de la Justice, que j’ai annoncées et installées, et qui doivent rendre leurs travaux le 15 février prochain. Il s’agit d’accélérer le temps judiciaire, de mieux exécuter les peines et de recentrer la Justice sur ses missions les plus essentielles. Ces trois missions vont de pair avec le chantier de l’immobilier pénitentiaire que j’évoquais précédemment. Elles forment un tout qui est ni plus ni moins la recherche des solutions les plus opérationnelles pour construire la Justice de demain, laquelle, je l’ai dit plusieurs fois, n’est pas encore réparée. Mais je sais aussi que la Justice peut compter sur de grands talents individuels, sur l’investissement de tous et toutes, sur des idées de transformation qui fourmillent et ne demandent qu’à germer. C’est l’objet de ces missions d’urgence que de les faire fructifier.
Je pense également aux violences faites aux femmes, à l’importance de cet enjeu pour notre Société, aux récits glaçants qui m’ont été faits de l’acharnement dont leurs corps sont l’objet dans le cadre des féminicides. Je pense aux débats auxquels j’ai pu moi-même contribuer en relançant la question de la nécessaire prise en compte du consentement, même si cette question est sensible, difficile voire périlleuse juridiquement parlant. Mais je le redis car j’y crois : les temps ont changé et le XXIe siècle ne peut plus, ne doit plus, être celui de la domination des hommes sur les femmes.

En ce lendemain de deuil national, je pense enfin à Mayotte, à ses habitants, aux 400 magistrats et personnels de Justice qui y travaillent et ont subi ce cyclone dévastateur. Nous ne vous oublions pas. Dans cette période particulière que vit un Gouvernement démissionnaire, réduit à l’exécution des affaires courantes, la situation dramatique de ce département a été l’objet ces derniers jours de tous nos soins, de toute notre attention, à mon niveau comme à celui de mes équipes et des services du ministère. Cet engagement ne s’arrête pas aujourd’hui et se poursuivra demain.
Être garde des Sceaux – vous vous en rendrez compte rapidement par vous-même, Monsieur le ministre d’Etat, même si vous avez déjà pu connaître cela en tant que ministre de l’Intérieur – c’est être ainsi la vigie des dysfonctionnements et des drames de notre société, de la violence extrême qui peut être à l’œuvre sur tout notre territoire – dans la rue, dans les maisons, au sein des familles ; c’est voir et apprendre des choses dont on préfèrerait qu’elles n’existent pas ; c’est savoir que les gens de Justice, quelles que soient leurs missions ou leur position hiérarchique, sont souvent menacés dans l’exercice de leurs fonctions ; c’est avoir à appeler régulièrement des magistrats et des agents, blessés ou en souffrance, pour les soutenir, les rassurer, les protéger.
Être garde des Sceaux, c’est aussi ne pas pouvoir s’exprimer publiquement dans un grand nombre de cas – contrairement à d’autres membres du Gouvernement qui, plus éloignés de la Justice, peuvent s’y sentir davantage autorisés – et donc garder pour soi ses opinions, ses réactions, ses émotions, car la neutralité, l’impartialité et l’indépendance de la Justice doivent primer par-dessus tout.
Être garde des Sceaux, c’est enfin être garant de l’Etat de droit, protecteur des libertés publiques, ministre des victimes, c’est définir la politique pénale de la Nation sans la moindre intervention dans les affaires individuelles : des tâches nobles et fondamentales lorsque l’on croit, comme vous et moi, aux valeurs de la République et aux vertus de la démocratie. J’ai été fier de les défendre jour après jour, y compris lorsque l’émotion submergeait notre société.
Être garde des Sceaux, en définitive, c’est occuper l’un des plus beaux et des plus exigeants postes qui soient, l’un de ceux auxquels je repenserai avec émotion et nostalgie, au sein d’une institution et auprès d’une communauté d’hommes et de femmes auxquelles je suis profondément reconnaissant et je resterai toujours attaché. Je veux d’ailleurs saluer ici l’appui constant que m’ont apporté les directeurs d’administration centrale, mais aussi et surtout le concours inestimable des membres de mon cabinet, dont l’investissement, la solidarité et l’équanimité, sous l’autorité à la fois rigoureuse, bienveillante et éclairée de Charles Touboul Moracchini, directeur de cabinet, ont été tout bonnement exceptionnels. Je leur dis, je vous dis un immense merci.

Monsieur le ministre d’Etat, vous le comprenez, je ne quitte pas ces fonctions sans un pincement au cœur, mais je vous souhaite plein succès à la tête de ce ministère. Je ne doute pas que vous y réussirez et que vous prolongerez et amplifierez ce que nous avons initié, à votre manière et avec votre propre sensibilité bien sûr, pour continuer à transformer et réparer l’institution judiciaire, dans la concorde et avec la bienveillance dont elle a besoin.
Dans un instant je vous remettrai solennellement les Sceaux de la République, dont vous aurez la garde après moi. Je vous souhaite de les conserver le plus longtemps possible. Je dis cela pour vous-même mais aussi pour la Justice de notre pays, car elle mérite que l’on poursuive durablement nos efforts à son service.

Je vous remercie.

Gérald Darmanin

Monsieur le ministre, cher Didier Migaud, merci de votre accueil républicain, votre accueil chaleureux. J'ai pour vous et pour vos équipes évidemment une pensée émue et je veux vous adresser mon respect.

Nous nous connaissons depuis un certain temps, depuis que vous avez vu arriver ce jeune ministre des Comptes publics dans votre bureau de président de la Cour des Comptes. Je veux à travers vous, si vous me permettez, avoir une pensée aussi particulière pour votre prédécesseur, Éric Dupont Moretti, avec qui j'ai travaillé pendant plus de quatre ans, je crois, pour le bien des Français.

Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs les directeurs, mesdames et messieurs, dans un moment si difficile pour notre démocratie, je mesure pleinement l'importance de la mission qui m'est confiée.

Être à la tête de la chancellerie, vous l'avez dit monsieur le ministre, est une grande responsabilité. Comme tous ici au ministère de la Justice, je connais l'importance, l'envie, la soif de justice de notre peuple. Quand on aime la France, quand on respecte ses institutions quand on sait l'importance de l'institution judiciaire dans le quotidien des Français et son poids immense dans la bonne marche de la République, il était de mon devoir d'accepter cette mission si exigeante et je le sais si difficile que m’ont proposée monsieur le Premier ministre et le Président de la République.

En premier lieu, je veux dire aux magistrats, aux greffiers, aux agents pénitentiaires, à ceux du service public de la protection de la jeunesse et de l'enfance, aux auxiliaires de justice, à l'ensemble des agents du ministère de la Justice, que je veux contribuer à redonner toute la noblesse à leur fonction. Leur rôle est si essentiel dans notre société. Dans des conditions, que je sais très difficile, ils exercent leur grand rôle. Je veux leur dire que je les respecte. Je veux dire comme élu local que je les admire et que je les défendrai. Ils sont attendus par les Français même s'ils se sentent déconsidérés et parfois même malmenés. Je serai celui qui les réconciliera, qui réconciliera la Justice et nos concitoyens. Je veux leur dire que je suis parmi eux.

Pour cela je crois que nous ne devons jamais perdre de vue l'essentiel, nous sommes là pour les Français, au nom du peuple français nous sommes là pour les Français. C'est pourquoi nous allons travailler main dans la main avec le ministère de l'Intérieur pour la sécurité et le respect des libertés de nos compatriotes. Et je sais d'expérience, monsieur le ministre de quoi je parle, nous sommes là pour les Français et c'est pourquoi je veux dire que je serai toujours, comme vous l'avez été, du côté des victimes et de ceux qui les aident et jamais du côté des délinquants, des criminels définitivement condamnés.

Nous sommes là pour les Français et c'est pourquoi je veux répondre à l'incompréhension grandissante de nos concitoyens qui voient des actes de violence du quotidien pourrir leur vie et douter dans notre démocratie. Aussi dans les tous prochains jours les procureurs, dont je connais le rôle primordial et essentiel, et que je remercie pour leur action quotidienne, recevrons des instructions générales de politique pénale très claire et très fermes pour engager systématiquement des poursuites contre les violences fait aux personnes et singulièrement contre les femmes et les enfants, contre le séparatisme islamiste et les extrémismes violents qui veulent atteindre notre démocratie, notre République, contre le narcobanditisme, et le trafic de drogue qui sera la priorité absolue de mon mandat au ministère de la Justice. Comme élu à Tourcoing, comme Français, comme chacun d'entre vous, je sais que la drogue pourrit tout. Elle menace jusqu'au magistrat du parquet et du siège aux agents pénitentiaires, dont je vais avoir une pensée pour les familles endeuillées. Je sais qu'ils font tous très courageusement leur travail, je veux leur dire que je les défendrai et soutiendrai jusqu'au bout.

Nous sommes là pour les Français, qui en un mot, chérissent l'indépendance des magistrats et qui réclament en même temps la sévérité et leur fermeté.

Nous sommes là pour les Français parce que nous croyons à la réinsertion et à la prévention d'une récidive qui malheureusement, cette récidive est responsable de bien des maux.

Nous sommes là pour les Français, c'est pour cela que je serai aussi particulièrement attentif à la justice civile qui doit enfin soulager nos concitoyens, à la protection des mineurs que nous devons renforcer pour l'intérêt supérieur de l'enfant, à la justice sociale, en aidant les prudhommes et les tribunaux de commerce à faire fonctionner notre économie, en respectant chacun des individus.

Mesdames, messieurs, nous sommes là pour les Français pour tous ceux qui profession du droit, les avocats, les huissiers, les notaires, les commissaires de justice sans qui rien ne serait possible et dont je serai aussi pleinement le ministre pour les défendre et pour les écouter.

Monsieur le ministre, comme vous je crois qu'une France sans justice ne peut fonctionner. Notre tâche est immense dans la rapidité et l'exécution des décisions de justice, dans la fermeté demandée par les Français, dans le respect des victimes, dans l'efficacité du plus beau service public qui soit, du plus difficile et du plus noble, être juge, être fonctionnaire de ce ministère. La tâche est immense. Vous aurez compris quels sont mes objectifs, les mêmes que ceux du peuple français, les mêmes que ceux des fonctionnaires du ministère de la Justice : détermination, sévérité et fermeté.

Les Français nous attendent, je vous remercie.