[Archives] Remise des préconisations du Comité d'Orientation Restreint

Publié le 22 octobre 2007

Le 11 juillet dernier, nous nous sommes donnés rendez vous à l'automne.
Je suis très heureuse de vous retrouver aujourd'hui.
J'avais en effet besoin de votre réflexion, avant d'élaborer la loi pénitentiaire.

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Monsieur le Procureur Général,

Monsieur le Directeur de l'Administration Pénitentiaire

Mesdames et Messieurs les membres du comité,

Mesdames et Messieurs,

 

Le 11 juillet dernier, nous nous sommes donnés rendez vous à l'automne.

Je suis très heureuse de vous retrouver aujourd'hui.

J'avais en effet besoin de votre réflexion, avant d'élaborer la loi pénitentiaire.

Cette loi est très attendue, et il ne fallait pas sans cesse la reporter.

Je tiens à vous remercier d'avoir tenu les délais, serrés, qui vous étaient impartis.

Je veux surtout vous dire ma gratitude pour le travail remarquable que vous avez accompli, avec le soutien du directeur de l'administration pénitentiaire.

Vous y avez mis beaucoup de rigueur. Je sais que vous vous êtes réunis à 9 reprises en formation plénière et encore plus souvent en sous-comités.

Au cours de votre travail, vous aurez procédé à 19 auditions.

 

Tous les acteurs qui s'intéressent au monde pénitentiaire auront pu enrichir votre réflexion.

Vous avez fait preuve d'exigence et de volontarisme.

Vous avez pris de votre temps pour participer à cet effort de réflexion collective.

 

Vous avez apporté la somme de vos expériences. Que vous soyez représentants des mondes judiciaire, pénitentiaire ou associatif, vous avez apporté chacun votre sensibilité propre.

Vous avez travaillé dans un esprit de dialogue et d'ouverture. Vous n'avez pas hésité à regarder au delà de nos frontières, pour étudier les solutions appliquées par nos voisins européens.

Je tiens à rendre un hommage particulier à Monsieur le Procureur Général Jean-Olivier Viout.

Avec le don pour l'écoute et la finesse d'analyse qui le caractérisent, il a conduit très efficacement les travaux du comité.

Vos travaux montrent que la place de la prison aujourd'hui appelle une réponse de la société tout entière. Les préconisations que vous venez me présenter en témoignent.

Je compte m'appuyer sur vos préconisations pour élaborer la loi pénitentiaire.

En effet, je veux que ce projet de loi soit maintenant élaboré avec votre participation.

Je compte m'appuyer sur vos préconisations pour élaborer la loi pénitentiaire

Vos préconisations sont nombreuses.

Certaines de vos préconisations n'ont pas besoin d'être inscrites dans la loi. Elles relèvent de simples décrets, voire de bonnes pratiques.

D'autres nécessiteront une réflexion approfondie de la Chancellerie au regard de l'ensemble des impératifs qui s'imposent à nous.

Mais je peux, d'ores et déjà, vous indiquer que je souhaite reprendre plusieurs de vos propositions dans le projet de loi pénitentiaire.

Sur la question des droits des détenus :

Il est nécessaire d'apporter des solutions concrètes aux difficultés des détenus afin de favoriser leur réinsertion sociale et professionnelle.

Nous devons améliorer l'accès des détenus aux droits sociaux, ainsi qu'à des formations qui leur permettront de se réinsérer.

Vous proposez la création d'un parcours de mobilisation. Cette proposition me paraît particulièrement importante. Je veux que nous puissions organiser ce parcours pour tous les détenus en situation de grande difficulté personnelle.

Vous proposez de permettre aux détenus d'élire domicile à l'établissement pénitentiaire pour faciliter leur accès aux droits sociaux. C'est une idée qu'il faut inscrire dans la loi.

Vous proposez d'améliorer la formation des détenus en recherchant des solutions innovantes avec les régions. Il faut que nous expérimentions ces solutions.

Vous préconisez d'améliorer la situation des détenus les plus pauvres pour leur assurer un minimum vital. C'est une question essentielle. J'engagerai une concertation avec l'ensemble des acteurs concernés pour améliorer cette situation. Je veux examiner toutes les questions, y compris celle de l'extension et de l'amélioration des conditions d'accès au RMI.

Je partage votre souhait de favoriser le maintien des liens familiaux en prison. Nous devons favoriser les visites des familles. Je suis notamment prête à examiner la possibilité d'accès au téléphone dans les maisons d'arrêt et à maintenir le droit de visite pour les détenus en quartier disciplinaire .

Je partage également votre volonté de clarifier le régime du travail en détention. Il faut néanmoins veiller à ne pas créer un cadre trop rigide qui serait incompatible avec les contraintes de l'emprisonnement et qui risquerait de réduire l'offre de travail en prison. Ce point devra être approfondi.

  • Sur la question des régimes de détention :

Vous portez une attention particulière à la question de l'encellulement individuel. Vous avez raison. Votre préoccupation doit pourtant croiser une réalité que nous devons tous assumer.

J'ai conscience que les modalités de mise en œuvre des fouilles méritent une réflexion approfondie, qui passe par le respect de la dignité humaine et le maintien de la sécurité, dans les établissements pénitentiaires.

Vous proposez de faire évoluer le régime de détention des prévenus pour l'aligner sur celui des condamnés. Nous devrons examiner cette question en tenant compte des contraintes de l'activité judiciaire.

Je pense notamment à la question de l'évaluation des détenus. Vous avez raison, nous devons progresser pour mieux appréhender la prise en charge des personnes, en fonction de leur situation individuelle. Il faut notamment porter une attention particulière à la prise en charge des personnes présentant des conduites addictives.

Cela passe aussi par une nécessaire spécialisation des établissements pour peine. Il s'agit d'optimiser la qualité de la gestion de ces personnes qui pourront bénéficier de la mise en œuvre de programmes systématiques de prévention de la récidive (PPR).

Vous préconisez le remplacement de l'actuelle commission de surveillance par un conseil d'établissement. Il est effectivement nécessaire de porter un regard sur la concertation entre les acteurs compétents.

 

L'extension de 1 à 2 ans de la possibilité de maintien ou d'affectation de condamnés en maison d'arrêt constitue une réponse qui permettrait d'accroître le maintien des liens familiaux pour les détenus qui le demandent.

D'une manière générale, la situation de la personne détenue doit être privilégiée dans les critères d'affectation.

 

Enfin, je sais que la question du régime disciplinaire des personnes détenues a retenu toute votre attention. Sachez que ce point est à mes yeux très important et notamment au regard de la situation particulière de la personne qui se trouve au quartier disciplinaire : le système français des 45 jours paraît trop sévère par rapport à ce que font d'autres pays européens.

  • Sur la question des aménagements de peine :

Vous le savez. J'ai la ferme volonté de poursuivre activement le développement des aménagements de peine. Un prochain décret devrait d'ailleurs, sans attendre la loi pénitentiaire, pérenniser les conférences régionales d'aménagement des peines que j'ai souhaité mettre en place dès le 27 juin dernier.

Nous sommes tous d'accord pour dire que les séjours de courte durée en prison, et les sorties « sèches », sans accompagnement, ne favorisent pas la réinsertion des détenus.

S'agissant des alternatives à l'incarcération, votre initiative d'une assignation à résidence conjuguée avec une surveillance électronique me paraît constituer une idée intéressante.

Il faut que nous puissions réfléchir ensemble à la façon d'articuler les missions des acteurs en charge de la mise en œuvre des aménagements de peine. Je pense notamment aux juges d'application des peines, aux personnels d'insertion et de probation, mais également aux parquets.

Je demande donc au directeur de l'administration pénitentiaire de traduire dès à présent ces différents points dans le projet de texte avec le souci qu'ils soient simples et compréhensibles pour tous les acteurs concernés.

En effet, je veux que ce projet de loi soit rapidement élaboré avec votre participation

Vingt années ont passé depuis qu'Albin Chalandon, alors Garde de Sceaux, a fait adopter la loi pénitentiaire du 22 juin 1987.

Tout votre travail montre que ce texte doit évoluer pour mieux répondre aux nouveaux enjeux de la prison.

En 20 ans, le profil des détenus a changé.

En 20 ans, l'administration pénitentiaire a évolué.

En 20 ans, c'est notre société qui a changé. Le regard qu'elle pose sur ses prisons n'est plus le même.

Je ne veux pas que ce projet de loi pénitentiaire soit encore reporté et que nous attendions encore cinq ans.

Il est temps d'agir, maintenant.

 

Ma démarche est pragmatique.

J'ai voulu une loi pénale ferme parce que j'ai conscience que chaque être humain est responsable de ses choix.

Sanctionner, c'est reconnaître le libre arbitre de chacun.

 

Mais je veux aussi que la fermeté n'exclue pas l'humanité : la prison doit respecter les droits fondamentaux.

C'est le sens de la loi sur le contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui vient d'être définitivement adoptée par le Parlement.

La privation de liberté n'autorise ni l'humiliation, ni les atteintes à l'intégrité physique, ni la rupture totale avec le reste de la société.

Elle doit permettre au détenu de maintenir des liens avec sa famille et le préparer à revenir un jour dans la société.

C'est une exigence républicaine. C'est également une exigence européenne avec les règles pénitentiaires européennes.

 

Je souhaite donc présenter rapidement un texte au conseil des ministres. Grâce à vous, le projet de loi pénitentiaire sera bientôt une réalité.

Il me semble que notre pays aurait tout intérêt à adopter cette loi avant de prendre la présidence de l'Europe le 1er juillet 2008.

Mais votre travail n'est pas terminé. Vous allez poursuivre vos auditions. Vous pourrez évidemment me soumettre de nouvelles préconisations notamment en ce qui concerne les missions du service public pénitentiaire.

Il ne faut pas que cette loi, à laquelle tous ensemble nous consacrons tant d'énergie, laisse de côté les personnels de cette administration.

Je souhaite ici leur rendre hommage pour la qualité de leur travail et leur dévouement dans une mission difficile mais essentielle.

Je vous présenterai le projet de loi lorsqu'il sera rédigé.

Je souhaite, si vous en êtes d'accord, que votre Comité d'Orientation puisse devenir un comité permanent, car j'ai besoin de vous, de votre regard et de vos réflexions.

Vous serez un interlocuteur privilégié pour l'administration pénitentiaire.
Je souhaite que vous puissiez devenir pour nous un vivier d'initiatives et de solutions concrètes.

Par votre travail, par votre dialogue, vous avez réussi à forger, au-delà de vos différences un esprit de corps, si vous me passez ce jeu de mots.

Nous partageons la même exigence. La prison doit respecter la dignité humaine.

Et la République doit soutenir le regard de ceux qu'elle a décidé d'isoler.

Je vous remercie.