[Archives] Assises de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes

Publié le 30 novembre 2007

Discours du Garde des Sceaux, ministre de la Justice

Temps de lecture :

8 minutes

Monsieur le Député européen, Cher Jean-Pierre Audy

Monsieur le Président de la compagnie nationale des commissaires aux comptes,

cher Vincent Baillot,

Madame la Présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes, chère Christine Thin,

Monsieur le Président de l'Autorité des Marchés Financier, cher Michel PRADA

Mesdames et Messieurs,

 

Je suis très heureuse d'intervenir aujourd'hui à l'occasion des XXè assises de la compagnie nationale des commissaires aux comptes. C'est pour moi l'occasion de m'adresser à l'ensemble des membres de la profession et de faire un point sur les chantiers en cours.

 

Cher Vincent Baillot,
J'ai été particulièrement sensible à vos propos d'accueil. Vous avez montré que votre profession était résolument tournée vers l'avenir.

 

Vous avez dit, cher Vincent Baillot, que vous étiez heureux d'accueillir « votre » Ministre. C'est vrai. Le Garde des sceaux est l'autorité de tutelle des commissaires aux comptes. Je suis aussi votre ministre parce que je partage votre vision de l'économie.

 

Vous représentez la liberté d'entreprendre. Vous représentez l'authenticité et la rigueur morale. Vous représentez une économie plus sûre et plus respectueuse de chacun.

 

Ces valeurs et ces convictions sont aussi les miennes.

 

Vous avez voulu faire de ces assises les premiers « Etats généraux » de votre profession. Il est donc naturel qu'à cette occasion, vous me confiez vos craintes pour l'avenir. Ce sont les craintes d'une profession qui a connu beaucoup de changements. Ce sont les craintes d'une profession à qui l'on demande encore de s'adapter. Vous auriez pu vous limiter à un simple constat. Vous avez choisi de me proposer des solutions pour dépasser ces incertitudes.

 

J'y reconnais la marque des commissaires aux comptes. Constater ne suffit pas. Il faut proposer. Il faut sans cesse créer et anticiper.

 

Vous m'avez demandé d'être à vos côtés dans cette démarche de réflexion et d'innovation. Je serai là. Vous avez mon entier soutien. Vous avez le soutien de l'ensemble du gouvernement.

 

Je serai à vos côtés pour construire l'avenir de votre profession.
J'ai deux objectifs dans cette construction :

Je veux défendre votre place dans notre économie. (I)
Je veux renforcer l'exemplarité de votre profession. (II)

 

I- Premier objectif : Je veux défendre votre place dans notre économie

 

1- Les commissaires aux comptes jouent un rôle essentiel dans notre économie. Ils sont les garants de la crédibilité de l'information financière. Ils veillent au bon respect des règles par les entreprises. Ils confondent ceux qui trichent.

 

Par leur action, ils contribuent au développement de la confiance. Confiance en la réalité du présent. Confiance en l'avenir. Avoir confiance en l'avenir, c'est pouvoir anticiper. C'est pouvoir investir. C'est créer des emplois. La confiance engendre la croissance. Les commissaires aux comptes, par leur mission, préparent les conditions de la croissance.

 

2- C'est pour cela que le Gouvernement défend votre profession. Tout acteur de la croissance doit être encouragé. Son action doit être préservée.

 

Je pense tout particulièrement à votre action en faveur des Petites et moyennes entreprises. Elles sont le moteur de notre économie. Elles ont droit à la sécurité financière. Leurs chefs d'entreprise doivent pouvoir bénéficier de comptes fiables. Leurs créanciers doivent pouvoir bénéficier des assurances données par la certification. Selon une enquête récente de l'IFOP, 87 % des dirigeants estiment que le contrôle des comptes est indispensable pour les PME.

 

Les PME ont besoin d'outils d'analyse et de prévention. Elles ont besoin des commissaires aux comptes.

 

La Commission européenne s'interroge sur ce qu'elle appelle « les mesures de simplifications des charges administratives des entreprises ». Certains évoquent la possibilité d'alléger les obligations comptables des PME. Ils veulent « libérer » les PME des charges inutiles. Ils pensent ainsi favoriser la croissance.

 

Pardonnez-moi de le dire aussi simplement : ils font fausse route. Rechercher la simplification des charges des entreprises est une attention louable.

 

Mais, alléger les obligations comptables est une fausse bonne idée. Je vous l'ai dit. C'est par la sécurité et la transparence financière que nous amènerons la croissance.

 

Dès que le Gouvernement a eu connaissance de ces réflexions, il a marqué son opposition à toute modification du périmètre de votre intervention. Notre position sera maintenue dans les mois à venir. Ce sera l'un des axes d'effort de la présidence française de l'Union européenne.

 

Je sais que j'ai votre soutien. Je sais que je peux compter sur votre mobilisation. Je vous demande de rester exemplaires dans votre travail quotidien. Car c'est par cette exemplarité que vous démontrerez que vous êtes indispensables.

 

 

II- Mon second objectif est de renforcer votre exemplarité

 

Votre intervention s'inscrit dans un cadre délicat. Vous contrôlez et certifiez les comptes d'une entreprise. En retour, cette entreprise vous rémunère pour le travail effectué.

 

Vous êtes dans une relation de contrôle. Vous pouvez être conduits à dénoncer certains faits au Procureur de la République.

 

Vous êtes aussi dans une relation commerciale. C'est l'entreprise certifiée qui vous rémunère. C'est un contexte tout à fait particulier.

 

Il faut veiller à garantir votre indépendance en toute circonstance. Vous devez rester irréprochables.

 

1- Cette impartialité repose avant tout sur des règles d'indépendances claires. La loi sur la sécurité financière de 2003 a fixé des règles précises. Elle a séparé les fonctions d'audit et de conseil. Nous avons su tirer profit de l'expérience américaine. Nous avons su éviter les compromissions entre ceux qui conseillent et ceux qui contrôlent.

 

Ces règles d'indépendance doivent s'appliquer aux plus gros cabinets, les fameux « big four ». Elles doivent aussi s'appliquer aux plus petites structures. Leur notoriété et leur taille ne permettent pas toujours de lutter contre les pressions d'un client. Elles sont particulièrement vulnérables. Il faut maintenir des règles exigeantes d'indépendance. Il faut aussi sanctionner ceux qui ne les respectent pas.

 

Le code de déontologie permet d'assurer que vous êtes fiables et indépendants. Ce code a fait l'objet de nombreuses discussions, avant et après son adoption. Il contient les règles essentielles. Il vous protège d'une appréciation qui serait faite au cas par cas par des juges saisis d'une question.

 

Les dernières discussions ont montré un accord pour modifier quatre points de ce code portant sur les règles applicables :
- aux réseaux d'audit (deux points),
- aux associations techniques,
- aux liens personnels entre les dirigeants de la personne contrôlée et les commissaires aux comptes.

 

Vous avez mon accord de principe. Cela sera rapidement fait. Je veillerai à ce que cet engagement soit tenu.

 

2- Votre exemplarité passe également par la définition de normes d'exercices professionnelles. Elles doivent être claires, lisibles et efficaces. Elles garantissent la crédibilité de votre action. Elles renforcent la sécurité de l'information financière.

 

Je partage votre point de vue, Cher Président Baillot. Il est indispensable que la compagnie nationale accompagne tous ceux qui exercent la profession de commissaires aux comptes.

 

Cela vaut pour les grandes sociétés comme pour les plus petites. Je sais qu'un important travail a déjà été réalisé pour l'homologation des normes d'exercice professionnel.

Il faut le poursuivre avec les normes sur les diligences directement liées à la mission. Elles permettront de distinguer ce qui relève du conseil et de l'audit.

 

Certains actes, qui peuvent relever du conseil, doivent pourtant vous être autorisés, car ils sont directement liés à votre mission. Ils sont essentiels pour vous permettre d'effectuer des missions importantes.

 

Tant que ces normes ne sont pas homologuées, la loi interdit ce type de missions. J'ai bien conscience que vous en avez besoin. Il est donc très urgent que la Compagnie nationale me transmette des projets.

 

Je sais que d'autres réflexions sont en cours. Je vous encourage à les poursuivre. C'est en renforçant votre doctrine professionnelle que vous renforcerez votre exemplarité.

 

3- Cette exemplarité passe enfin par une supervision publique de qualité. Je veux saluer ici l'action conduite par le Haut conseil du Commissariat aux comptes.

 

C'est grâce à l'engagement de Christine Thin et de Philippe Steing que le H3C a acquis une légitimité incontestable. Le Haut conseil représente l'excellence de votre profession. Il est devenu votre partenaire privilégié.

 

Cet organisme est de plus en plus sollicité. Sa renommée dépasse désormais nos frontières.

 

J'en veux pour preuve les relations qu'il entretient avec son homologue américain. J'en veux aussi pour preuve les concours qu'il prête à la Commission européenne.

 

Son intervention ne cesse de s'accroître.

 

Pour lui donner les moyens de ses nouvelles ambitions, il était devenu urgent de réformer son mode de financement. Le Haut conseil sera désormais financé par votre profession.

 

Les contributions seront calculées au plus juste. Elles ne seront pas un poids excessif sur votre profession. Le prélèvement total avoisinera les 5 millions d'euros. Je veillerai à sa stabilité.

 

Le nouveau mode de financement sera simple et transparent. Chaque commissaire aux comptes inscrit sur les listes versera une contribution annuelle, très modique, de l'ordre de 10 euros. Un droit fixe sera en outre perçu sur chaque rapport de certification. Il sera fixé aux environs de 20 euros pour un petit rapport et de 1000 euros pour un rapport de société cotée.

 

La Compagnie nationale assurera le recouvrement des contributions. Elle les reversera au Haut conseil qui arrêtera son budget. Vous serez informés de la destination des fonds. J'y veillerai.

 

Ce budget sera d'ailleurs soumis au contrôle de la Cour des comptes. Le Code de commerce sera prochainement modifié pour inscrire ce nouveau mode de financement. Le Sénat sera saisi de cette modification dans les prochains jours (le 10 décembre). Mes services prendront très vite votre attache sur la rédaction du décret d'application.

 

Cette réforme s'inscrit dans un mouvement international. La plupart des homologues du H3C sont financés par la profession.

 

Cette réforme sera doublement bénéfique :

Sur le plan national, elle permettra de renforcer l'efficacité du Haut conseil. Il est dans votre intérêt que le H3C puisse rendre ses avis dans les meilleurs délais.

 

Il est également dans votre intérêt qu'il puisse examiner rapidement les projets de normes qui lui sont soumis. Il aura pour cela les moyens de s'entourer de personnels de valeur.

 

Sur le plan international, le Haut conseil sera mieux armé pour défendre les intérêts de votre profession. C'est d'autant plus important que les orientations futures de la profession sont prises au niveau communautaire ou international.

 

Je sais que vous avez compris les enjeux de cette réforme. Je sais aussi que je peux compter sur votre soutien pour sa mise en œuvre. Je vous en remercie.

 

Comme vous le voyez, je suis particulièrement attentive au devenir de votre profession.

 

Beaucoup de travail a déjà été accompli. Il s'agit maintenant d'achever l'œuvre entreprise. Nous le ferons à brève échéance.

 

Le Gouvernement sera à vos côtés pour défendre l'excellence et les spécificités de votre profession. Ce sont des atouts formidables. Ils font la compétitivité et la croissance de notre économie.

 

C'est grâce à vous que nous renforcerons la sécurité de notre économie. C'est ensemble que nous renforcerons la confiance. C'est ensemble que nous travaillerons à redresser la France.

 

Je vous remercie.