[Archives] Congrès national de la Conférence générale des juges consulaires

Publié le 21 novembre 2008

Discours de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, ministre de la Justice - Avignon

Monsieur le Président Garofalo,
Mesdames et Messieurs les Présidents et juges consulaires
Mesdames et Messieurs,

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En début de matinée, je suis allée rendre visite à la société CEPABA à Avignon. Il s'agit d'une entreprise qui connaît des difficultés et qui a réussi à rebondir grâce à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et grâce à la justice.

Le dirigeant et les salariés de cette entreprise m'ont dit que cette procédure avait été une chance unique de redresser la situation et de sauver les emplois. Le chef d'entreprise m'a également dit qu'il avait pu trouver un véritable soutien auprès du tribunal de commerce d'Avignon et du juge commissaire.

C'est un exemple parmi beaucoup d'autres de l'apport de notre justice commerciale.

Vous participez avec efficacité au service public de la justice et vous êtes au cœur de la vie économique de notre pays.

Depuis dix-huit mois, j'ai eu l'occasion d'apprécier le dynamisme de la justice consulaire : vous contribuez à rendre notre justice plus simple, plus lisible, plus moderne. La justice consulaire réalise également d'importants efforts en matière de formation, pour que les Français fassent davantage confiance à la justice. C'est le sens des réformes que nous menons ensemble..

Vous souhaitez, ainsi que l'a rappelé votre président Jacques Raibaut, mettre en place de bonnes pratiques. Vous avez demandé que le Conseil National des Tribunaux de Commerce reprenne ses travaux. C'est une nécessité. Je réunirai ce Conseil en début d'année prochaine.

J'ai demandé aux services de la Chancellerie de concevoir un projet de « guide méthodologique » à l'attention des présidents des tribunaux de commerce. Il se veut pratique et reprend les textes principaux qui vous sont utiles. Le Conseil National en examinera le contenu.

Je serai également intéressée à ce qu'il reprenne l'ensemble des travaux déjà engagés sur le contrat de procédure. Je souhaite aussi que les tribunaux de commerce aient des objectifs de performance à remplir, comme les autres juridictions.

A l'image du Président Raibaut, les juges consulaires sont les dévouées serviteurs du droit et de l'intérêt général. Votre Président est aujourd'hui retenu pour des raisons de santé. Je souhaite qu'il puisse reprendre rapidement ses activités, dans l'intérêt de votre profession et de la Justice. Je forme des vœux pour son très rapide rétablissement.

Cet attachement à l'intérêt général et à la réforme de la justice, les juges consulaires le montrent chaque jour :

- vous avez été et vous êtes encore aujourd'hui les moteurs de la réforme de la carte des tribunaux de commerce ;
- vous êtes aux côtés de nos entreprises, notamment celles qui rencontrent des difficultés.

Nous avons engagé, ensemble, la réforme de la carte des tribunaux de commerce. Comme l'a souligné le Président Raibaut, c'est une nouvelle page de leur histoire qui s'ouvre.

Cette réforme était une nécessité pour rendre la justice commerciale plus efficace.

Je tiens à remercier la Conférence générale pour la qualité des contributions fournies lors de la préparation de la réforme de la carte judiciaire. Nous avons fait le même constat : Il fallait que la justice commerciale soit davantage spécialisée et qu'elle soit la même pour tous.

Dans certaines régions, les chefs d'entreprise étaient jugés par leurs pairs. Dans d'autres, ils étaient jugés par des magistrats de l'ordre judiciaire. J'ai souhaité rétablir l'égalité.

Aujourd'hui, les tribunaux de commerce sont les seules juridictions économiques de première instance sur l'ensemble du territoire. C'est cela, le respect du principe de l'égalité.

Au 1er janvier 2009, on passera de 185 tribunaux de commerce à 135 :

- l'activité commerciale de 55 tribunaux de commerce sera regroupée sur 46 tribunaux ;
- celle de 23 tribunaux de grande instance sera transférée aux tribunaux de commerce ;
- 5 nouveaux tribunaux de commerce et 1 tribunal mixte de commerce seront créés ;

Le succès de cette réforme repose sur votre engagement au service de la justice.

La nouvelle carte judiciaire des tribunaux de commerce entraîne de nombreux changements. J'ai conscience des difficultés que les présidents, les juges, les greffiers et les personnels des tribunaux de commerce regroupés peuvent rencontrer en ce moment. Je connais leur volonté et sais qu'ils sauront s'adapter.

Il faut voir la réforme de la carte judiciaire comme une opportunité pour vous : avec le transfert des compétences des TGI vers les tribunaux de commerce, c'est votre activité qui s'accroît.

Nous avons tenu à assurer un avenir professionnel à l'ensemble des titulaires des greffes appelés à disparaître. Ils ne seront pas laissés sur le bord du chemin.

Au final, la justice commerciale sera mieux rendue. Ce sont les entreprises qui sont gagnantes.

En période de crise, la justice commerciale doit plus que jamais veiller à l'intérêt des entreprises en difficultés, et surtout à sauvegarder l'emploi des Français.

Aujourd'hui, les entreprises sont inquiètes : inquiètes pour leur activité, l'accès au crédit, la sauvegarde des emplois.

L'ensemble du Gouvernement est mobilisé pour soutenir notre économie : un plan de 22 milliards d'euros est mis en œuvre pour assurer le financement des petites et moyennes entreprises.

La justice doit participer à cet effort en faveur des entreprises.

La justice protège les entreprises et les emplois : c'est la loi sur la sauvegarde des entreprises en difficultés.

La justice sanctionne ceux qui mettent en danger la vie des entreprises : ces sont les sanctions financières, civiles ou pénales prononcées contre les dirigeants qui commettent des abus.

La justice est au service des entreprises : c'est la réforme de la carte judiciaire qui permet à la justice commerciale d'être plus performante.

Les juges consulaires sont ancrés dans la vie de la cité. Ils doivent disposer d'outils modernes et adapter pour exercer leur office.

C'est pour cela que le Gouvernement a engagé une réforme de la loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises en difficultés.

  • Cette loi a été une avancée importante mais pas suffisante.

La procédure de sauvegarde a entraîné un véritable changement des mentalités : aujourd'hui, se placer sous la protection de la justice n'est plus synonyme d'échec.

La loi a également permis une meilleure anticipation des difficultés : la procédure de sauvegarde offre un accompagnement judiciaire avant que les problèmes financiers ne deviennent insolubles.

Le dispositif issu de la loi du 26 juillet 2005 a connu un vrai succès auprès des PME : en 2006, 90 % des procédures concernaient des entreprises de moins de 50 salariés. Plus de 30 % des procédures ont été ouvertes à l'égard d'entreprises de moins de 5 salariés.

Il s'agit pour le dirigeant de placer son entreprise sous la protection de la justice. Avec la sauvegarde, la justice est là pour protéger l'entreprise et les emplois.

Les progrès de la loi du 26 juillet 2006 ne sont pas suffisants :

- La procédure est trop lourde : beaucoup de contraintes pour le chef d'entreprise ;
- La procédure reste trop peu utilisée : en 2006, 500 procédures de sauvegarde et 800 conciliations ont été ouvertes. Ces chiffres sont faibles, comparés aux 45.000 défaillances d'entreprises constatées chaque année, sans doute davantage cette année.

  • La réforme de la procédure de sauvegarde va permettre de mieux protéger les entreprises :

Le projet d'ordonnance portant diverses dispositions en faveur des entreprises en difficulté, à la préparation duquel le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a été étroitement associé, est actuellement examiné par le Conseil d'Etat. Je le présenterai au Conseil des Ministres avant la fin de cette année.

Le texte pourra ainsi entrer en vigueur le 1er janvier prochain.

Les représentants du monde économique, des entreprises et les professionnels de la justice ont été largement associés à la préparation de ce texte.

Je veux vous en présenter les principales mesures :

  • Une procédure plus accessible :

o Les critères d'ouverture seront assouplis : le chef d'entreprise n'aura plus besoin de démontrer que ses difficultés sont de nature à le conduire à la cessation des paiements. C'était difficile dans la pratique. Le rôle du juge, votre rôle, restera essentiel, il sera même accru. Car vous aurez à vous assurer que les difficultés invoquées sont réelles et que la procédure est loyale à l'égard des créanciers.

o Les prérogatives du chef d'entreprise pendant la procédure seront renforcées :

 Il restera à la tête de son entreprise durant le plan de sauvegarde. Le chef d'entreprise qui demandera l'ouverture d'une sauvegarde n'aura plus à craindre d'être « exclu » de la gestion de son entreprise ;

 Lui seul pourra demander au tribunal d'ordonner la cessation partielle de l'activité s'il estime que cela est nécessaire au sauvetage de l'entreprise ;

 il participera davantage au projet de réorganisation de l'entreprise.

Les dirigeants des entreprises en difficulté doivent avoir confiance dans la justice. Leur rôle doit être accru et la Justice doit leur faire davantage confiance.

  • les créanciers seront mieux pris en compte :

 le fonctionnement des comités de créanciers et des assemblées obligataires va être revu ; ils seront ainsi mieux et plus utilisés.

 une partie des créances pourra être reconvertie en capital sous forme d'actions : cela permettra de recapitaliser les entreprises en difficultés et d'améliorer le traitement de la dette.

  • La prévention sera renforcée : Je sais que c'est une attente très forte des juges consulaires. La procédure de conciliation (entre l'entreprise et ses créanciers) sera développée.
  • La procédure de liquidation judiciaire va être améliorée : Le régime simplifié sera obligatoire pour les petites entreprises. Plus la procédure de liquidation judiciaire est courte, moins l'entreprise se déprécie et plus le rebond est possible pour l'entrepreneur qui a connu une période d'activité difficile.

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Mesdames et Messieurs,

Dans les circonstances actuelles, nous devons conjuguer nos efforts pour faciliter la vie des entreprises, pour sauvegarder l'activité, pour sauver des emplois.

Je sais que la justice commerciale sera à la hauteur des attentes des entreprises et des Français.

Je veux vous dire une nouvelle fois que le Gouvernement fait pleinement confiance aux juges consulaires qui, aux côtés des magistrats des ordres judiciaires et administratifs, sont les garants d'une société plus juste, plus équilibrée et plus protectrice.
Je vous remercie.