[Archives] Voeux 2009 - Hôtel de Bourvallais
Publié le 28 janvier 2009
Discours de Madame Rachida dati, Garde des Sceaux, ministre de la Justice
L'année 2008 a été exceptionnellement intense pour notre justice. Le rythme et le nombre de réformes engagées est inédit, mais il y avait urgence à agir.
Monsieur le Vice-Président du Conseil d'Etat,
Madame et Messieurs les ministres
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Premier Président de la Cour de Cassation,
Monsieur le Procureur Général près la Cour de Cassation,
Monsieur le Préfet de Police
Mesdames et Messieurs les Hautes personnalités,
Mesdames et Messieurs,
Votre présence, si nombreux, à la Chancellerie, pour cette cérémonie des vœux, témoigne de votre attachement à la justice.
En ce début d'année, je veux d'abord adresser à chacune et chacun d'entre vous mes meilleurs vœux pour cette année 2009. Ce sont des vœux très sincères de bonheur, de réussite et de bonne santé pour vous, vos proches et vos familles.
L'année 2008 a été exceptionnellement intense pour notre justice. Le rythme et le nombre de réformes engagées est inédit, mais il y avait urgence à agir.
Dans le discours prononcé lors de la rentrée solennelle de la Cour de cassation, le Président de la République a souligné la crise morale que traverse notre justice.
Le Conseil supérieur de la magistrature, dans son dernier rapport, évoque la crise de confiance qui existe entre l'opinion publique et l'institution judiciaire. Il faut regarder la vérité en face : les Français manquent de confiance en leur justice.
Ce constat est alarmant pour notre démocratie.
Car la justice est un pilier de l'Etat de droit et la première exigence d'une société équilibrée. C'est elle qui protège les libertés et préserve contre l'arbitraire. C'est elle qui assure la paix sociale et apaise les conflits. Elle est le recours des plus faibles, des plus vulnérables, des Français les plus modestes qui sont victimes d'injustices.
Si les Français perdent confiance en la justice, c'est un pan entier de notre démocratie qui est fragilisé. Ce sont tous nos idéaux de liberté, d'égalité et de fraternité qui sont décrédibilisés.
Le Gouvernement se devait de tout mettre en œuvre pour que la justice serve mieux les Français.
En 2008, nous avons remis l'institution judiciaire en mouvement.
La justice doit s'adapter aux bouleversements de notre société et aux nouveaux équilibres qu'ils impliquent. La justice doit rester à l'écoute de notre monde et vivre à son rythme. Elle ne peut rester immobile.
Les Français attendaient que notre justice soit mieux organisée, plus lisible, plus simple. Tout le monde était d'accord depuis trente ans pour réformer la carte judiciaire : nous l'avons fait. Nous l'avons même anticipé. Tout le monde était d'accord pour simplifier la répartition des contentieux : nous l'avons fait, avec la mise en œuvre du rapport Guinchard.
La carte judiciaire datait de 1958. Elle reposait sur des principes établis au XIXè siècle. Elle ne correspondait plus à la donne démographique, économique et sociale de notre pays. Nous avons su prendre nos responsabilités et conduire avec courage et détermination la réforme qui s'imposait. La mise en œuvre de la réforme a commencé le 1er janvier 2008 et s'achèvera en 2010.
Les Français attendaient davantage de sécurité et de fermeté vis-à-vis des récidivistes et des délinquants dangereux. Nous avons répondu à cette attente.
La loi du 10 août 2007 a mis en place un régime juridique clair, gradué et adapté contre la récidive. A ce jour, plus de 20 000 décisions ont été prises par les tribunaux sur le fondement de cette loi. Une fois sur deux, les juges ont prononcé une peine plancher.
Avec la loi sur la rétention de sûreté du 25 février 2008, nous avons amélioré la lutte contre les criminels les plus dangereux. Cette loi pose un principe clair : les condamnés qui présentent encore un danger pour la société en fin de peine ne seront pas remis en liberté. Ils seront placés dans des centres médico-sociaux-judiciaires. A ce jour, 114 condamnés sont concernés et nous avons ouvert en octobre dernier le premier centre fermé à Fresnes.
Les Français attendaient que la justice soit plus attentive aux victimes. Nous avons créé le juge délégué aux victimes en janvier 2008 et le service d'aide au recouvrement des victimes d'infractions. L'indemnisation des préjudices sera plus complète, plus simple, plus rapide. L'Etat n'abandonnera plus les victimes une fois la décision rendue.
Pendant trop longtemps, la justice est restée repliée sur elle-même. Les Français lui reprochaient de ne pas être assez ouverte, en clair : de ne pas suffisamment ressembler à la France.
Nous avons changé les choses.
La formation des magistrats a été entièrement rénovée. De nombreux rapports ont été effectués. Celui du Conseil supérieur de la magistrature en 2002, celui du Président Canivet en 2006. Je pense aussi aux travaux des Présidents Hyest, du Luart en 2006 et des sénateurs Fauchon et Gautier en 2007. Il y a aussi eu le drame d'Outreau et les préconisations de la commission Houillon-Valini, mais rien n'avançait. Nous avons agi en mettant en œuvre depuis le 1er janvier 2009 une réforme qui privilégie la dimension humaine du métier de magistrat sur les aspects purement techniques.
J'ai aussi voulu que nous aidions les étudiants méritants de condition modeste qui voulaient devenir magistrats, éducateurs, greffiers ou surveillants pénitentiaires. Pour eux, nous avons mis en place des classes préparatoires spécifiques. Elles existent dans chacune des quatre écoles du ministère. Aujourd'hui, ces classes accueillent 105 étudiants. Certains d'entre eux n'imaginaient même pas qu'ils pourraient un jour intégrer la justice, comme d'autres ne pensaient pas devenir un jour Garde des Sceaux. C'est une réforme dont je suis très fière.
Pendant trop longtemps, les prisons françaises n'étaient pas à l'honneur de la France. Ce n'est pas parce que l'on est privé de sa liberté que l'on est privé de sa dignité et de ses droits fondamentaux.
J'ai voulu qu'un contrôleur général des lieux de privation de liberté soit instauré. Il était attendu depuis dix ans.
Dans une démocratie, il est essentiel qu'une autorité indépendante puisse porter un regard extérieur sur les conditions de détention mais aussi mettre en valeur le travail difficile de l'administration pénitentiaire si souvent caricaturé.
Nous avons également œuvré à la modernisation de notre système pénitentiaire. De 2002 à 2007, 2 500 places de prisons ont été crées. En 2008, nous en avons ouvert 2 800. 7 établissements ouvriront en 2009 soit 5 130 nouvelles places. Elles offrent des conditions de détention dignes et modernes. La sécurité des établissements a été renforcée. Je veux néanmoins avoir une pensée pour tous les personnels de l'administration pénitentiaire qui ont été blessés, parfois gravement, dans l'accomplissement de leurs fonctions.
Nous avons développé une politique ambitieuse d'aménagement des peines. C'est le meilleur moyen de faciliter la réinsertion et de lutter contre la récidive. Depuis mai 2007, les aménagements de peine ont progressé de + 32 %. Avec cette politique pénale ferme et claire, nous avons obtenus des résultats : la délinquance générale a baissé de 2 % en 2008 et la population carcérale a diminué de 2 % depuis décembre.
Les Français attendaient également que la justice les protège face à la crise. Pour aider les ménages en difficultés, nous simplifions la procédure de surendettement, pour la rendre plus souple et plus accessible.
Pour aider les entreprises en difficultés, nous avons réformé la procédure de sauvegarde. Les chefs d'entreprise peuvent mieux anticiper leurs difficultés et saisir plus facilement la justice avant qu'il ne soit trop tard. Nous éviterons des faillites et sauverons des emplois.
Nous avons également voulu que les personnes fragilisées par l'âge ou la maladie soient mieux accompagnées. C'est pour cela que nous avons mené à terme la réforme des tutelles qui est effective depuis le 1er janvier 2009.
Les Français attentaient enfin que notre démocratie soit modernisée et rénovée.
Avec la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Parlement jouera un rôle plus efficace, les pouvoirs du Président de la République seront mieux équilibrés, nos concitoyens disposeront de nouveaux droits.
Trois dispositions contribuent à resserrer le lien entre la justice et nos concitoyens :
- la possibilité pour tout citoyen de s'assurer que la loi qui lui est appliquée est conforme à la Constitution
- la réforme du Conseil supérieur de la magistrature : il sera plus ouvert, plus moderne et son indépendance sera renforcée ;
- la possibilité offerte aux justiciables de saisir le CSM en cas de dysfonctionnement de la justice.
Ces nouveaux droits étaient attendus. Ils sont essentiels dans une République moderne. Je suis certaine que la justice bénéficiera très largement de ces avancées démocratiques.
Toutes ces réformes ont été possibles grâce aux moyens accordés par le Gouvernement et adoptés par le Parlement. En 2008, le budget du ministère a progressé de 4,5 %. Il augmente de 2,6 % en 2009. Dans le même temps, 1 615 emplois ont été créés en 2008 et 952 en 2009.
C'est un effort budgétaire considérable. Je veux remercier le Parlement pour l'avoir soutenu dans l'intérêt de la justice et des Français.
Ces nouveaux moyens ont par exemple permis aux juridictions de recourir depuis le 1er janvier 2008 aux nouvelles technologies pour accélérer le règlement des litiges : la numérisation des procédures, la visioconférence, la communication électronique, c'est-à-dire que chacun pourra consulter l'état d'avancement de sa procédure sur internet. A terme, en 1 clic vous pourrez obtenir un jugement. Comme pour la sécurisation des tribunaux, cela faisait des années que l'on attendait que des décisions soient prises. Nous l'avons fait.
Nous pouvons être fiers du travail accompli en 2008.
Ces résultats, nous les devons aux efforts déployés par l'ensemble du monde judiciaire : les magistrats, les greffiers, les fonctionnaires, les personnels de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, les professions juridiques et judiciaires. Les changements ont été nombreux. Chacun a eu à cœur, même ceux qui ont exprimé leurs inquiétudes, de surmonter les difficultés et de privilégier l'intérêt général. Je tiens à saluer tous les efforts réalisés individuellement ou collectivement.
Je veux aussi remercier le Parlement pour le soutien très déterminé qu'il a apporté en 2008 à la réforme de la justice. Je tiens à rendre un hommage particulier au travail accompli par les membres des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat et en premier lieu par leurs présidents : Jean- Luc Warsmann et Jean-Jacques Hyest. Ils sont les artisans passionnés de la réforme de la justice. Nos réformes se sont largement inspirées de travaux parlementaires qui ont fait consensus à droite comme à gauche.
Nous aurons encore l'occasion, Mesdames et Messieurs les parlementaires, de porter ensemble de nouvelles réformes.
Trois chantiers seront prioritaires en 2009.
Le premier, c'est la réforme de l'Ordonnance de 1945.
La délinquance des mineurs progresse, c'est une réalité. Elle est le fait de mineurs de plus en plus jeunes et de plus en plus violents. Le ministère de la justice doit apporter des réponses appropriées : pour protéger nos concitoyens, bien sûr, mais aussi pour sortir les adolescents de la spirale de la délinquance et répondre à leur souffrance.
La Commission présidée par le Recteur Varinard m'a remis son rapport le 3 décembre dernier.
Il comporte de nombreuses propositions très innovantes destinées notamment à assurer la progressivité des sanctions prononcées contre les mineurs, à permettre un suivi de la personnalité ou à rendre les procédures plus compréhensibles et plus efficaces.
Un code des mineurs est en cours de rédaction et me sera remis en mars. Il respectera l'équilibre entre la sauvegarde des intérêts des jeunes confrontés à la délinquance et la sécurité des Français.
Le deuxième chantier, c'est le renforcement des libertés individuelles dans notre procédure pénale.
Le Président de la République a annoncé sa volonté d'instituer un véritable « habeas corpus à la Française » et de créer un « juge de l'instruction ».
Il s'agit de promouvoir un système plus respectueux des libertés individuelles, des droits des victimes et des droits de la défense. Nous devons redonner de la cohérence à un système qui a fait l'objet, au fil des années, d'un grand nombre d'ajustements en ordre dispersé.
Les travaux menés par la commission présidée par l'avocat général Philippe Léger permettront d'éclairer notre réflexion. J'ai moi-même engagé de nombreuses consultations avec les responsables politiques et les représentants du monde judiciaire.
Un pré-rapport sur la réforme de l'instruction me sera remis en février. Un rapport définitif me sera remis en juin.
Le troisième chantier, c'est l'adoption de la loi pénitentiaire.
Il s'agit d'un texte fondateur qui fait entrer nos prisons dans le XXIè siècle. Il facilite la réinsertion des détenus et la lutte contre la récidive. Le projet de loi examiné par la commission des lois du Sénat le 22 décembre dernier sera débattu au Parlement dès le mois de mars.
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Mesdames et Messieurs,
Toutes les réformes voulues par le Président de la République et attendues par les Français ont été mises en œuvre. J'avais un mandat clair, difficile, mais très clair.
Plus que jamais, notre pays a besoin de justice.
Plus que jamais, les Français ont besoin d'être protégés et soutenus face aux difficultés.
La Présidence française de l'Union européenne m'a montré que tous les Européens avaient besoin de davantage de justice et les mêmes attentes concernant leur protection.
Que l'on soit Suédois, Italien ou Irlandais, on souhaite que l'Europe s'engage dans la lutte contre la pédophilie. C'est pour cela que nous avons développé le plan Alerte enlèvement et l'interconnexion des casiers judiciaires pour lutter contre la criminalité organisée.
Les Européens veulent que les personnes fragilisées soient mieux accompagnées : nous avons renforcé la prise en charge des personnes vulnérables ou atteintes de maladie. En 2050, 10% de la population européenne aura plus de 80 ans. Pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, les souffrances et les besoins sont les mêmes que l'on vive à Paris, Madrid ou Varsovie. Désormais, une décision de justice de protection sera exécutoire de la même manière au sein de toute l'Union Européenne, quelle que soit l'organisation judiciaire.
Tous les magistrats veulent que leurs décisions soient exécutées à travers toute l'Europe : nous avons renforcé la reconnaissance mutuelle des décisions de justice et développé des formations communes car pour une bonne exécution des décisions, il faut que les magistrats se connaissent.
Les Européens attendent davantage de sécurité : nous avons voulu que l'agence Eurojust qui regroupe 27 magistrats des Etats membres ait plus de pouvoir, plus d'autonomie pour être plus efficace dans la lutte contre tous les trafics et la criminalité organisée.
Le Président de la République a souhaité confier à une équipe proche de lui le soin d'amplifier la dynamique qu'il a su créer durant les six mois de la présidence française de l'Union Européenne.
Il est convaincu que l'Europe est bien le principal défi pour les générations futures. Je vais m'y investir avec énergie, enthousiasme et passion, comme je l'ai toujours fait et comme vous avez pu le remarquer dans toutes les tâches qui m'ont été confiées.
Je vous remercie.