[Archives] Ecole Nationale de la PJJ - Roubaix - 28 septembre

Publié le 28 septembre 2009

Discours de Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés

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5 minutes

Madame la Directrice,

Monsieur le Maire,

Monsieur le Député,

Monsieur le Préfet,

Monsieur le Premier Président,

Monsieur le Procureur Général,

Monsieur le Directeur,

Mesdames et Messieurs les éducateurs et directeurs de service en formation,

Vous avez choisi de travailler avec des jeunes, confrontés à de graves difficultés d’insertion sociale, souvent auteurs d’infractions pénales, en manque de repère.

Eduquer, c’est refuser la fatalité.

Eduquer ces jeunes, c’est refuser l’idée que mal partis dans la vie, ils seraient condamnés à demeurer un danger pour eux-mêmes et pour autrui.

Refuser l’inhumanité qui dénierait le droit à une deuxième chance, celle que leur famille n’ont pas su ou pu leur donner.

Mesdames et messieurs,

Pour lutter contre la récidive, la protection judiciaire de la jeunesse fait le pari de l’éducation.

Pour réussir, elle doit pouvoir compter sur des éducateurs engagés, pleinement conscients de leurs responsabilités, fiers de leur métier (I).

Elle doit bénéficier d’un encadrement législatif adapté aux spécificités de la Justice des mineurs (II).

Mesdames et Messieurs les éducateurs en formation,

Vous avez réussi un concours difficile. Je vous en félicite.

Je salue aussi ceux d’entre vous qui ont rejoint la classe préparatoire intégrée. Je leur souhaite bonne chance pour les échéances à venir.

 

I. Tous, vous avez voulu devenir éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse.

Eduquer les mineurs en difficulté, c’est un choix, souvent une vocation, faite de générosité, d’altruisme et de goût pour la pédagogie. C’est aussi une responsabilité.

Une responsabilité à l’égard des jeunes dont vous aurez la charge. Une responsabilité à l’égard de la société.

A) Une responsabilité à l’égard d’un individu, ou d’un groupe d’individus, particulièrement fragile.

Pour les jeunes qui vous seront confiés, mineurs délinquants ou mineurs en danger, vous serez un repère, un référent, parfois un modèle, parfois le dernier recours.

- Votre formation vous préparera à une pédagogie diversifiée.

Trop longtemps, la pédagogie à l’égard des mineurs en difficulté s’est réduite au seul culte de la parole.

Savoir écouter le mineur est nécessaire. Savoir vivre avec lui est indispensable, savoir lui donner envie de se projeter l’avenir conditionne la réussite.

Qu’il s’agisse d’activités sportives, d’activités d’apprentissage,  ou d’activités scolaires, il n’y a pas de responsabilité éducative sans expérience partagée.

- Au-delà de la technique, vous devrez faire preuve d’adaptabilité, d’inventivité, de créativité.

Les expérimentations de terrain qui ont prouvé leur efficacité doivent profiter à tous. Le partage des bonnes pratiques est un élément essentiel du progrès de la pédagogie.

Je pense aux techniques d’anticipation et de gestion de violence dans les établissements de la PJJ. Je pense aussi aux livrets d’accueil des jeunes pris en charge dans les foyers.

B) Responsabilité à l’égard des jeunes en difficulté, le métier d’éducateur comporte une responsabilité à l’égard de la société.

Vous êtes fonctionnaires du ministère de la Justice et des Libertés. Vous participerez à l’exécution de ses missions de service public dans le respect de ses valeurs.

C’est vrai des éducateurs. C’est vrai des directeurs de service. C’est vrai de l’ensemble des métiers qui concourent à la mission.

Educateurs de la PJJ, votre métier ne se réduit pas au face à face avec les jeunes dont vous aurez la charge.

- Mandatés par l’autorité judiciaire, gardienne du Droit et des libertés, vous travaillerez en lien étroit avec elle, vous agirez dans le cadre de la Justice.

Vous devrez, dans toutes vos interventions, donner du sens à la mesure qu’il vous est demandé d’appliquer.

Votre ambition éducative, c’est l’accompagnement du jeune vers son autonomie.

- Vous travaillerez avec de nombreux partenaires institutionnels, avec les élus locaux, souvent en première ligne face aux difficultés de nos concitoyens.

La loi du 5 mars 2007 a placé le Conseil Général au cœur de la protection de l’enfance.

Educateurs, directeurs territoriaux, magistrats du siège et du parquet, conseils généraux sont appelés à travailler ensemble.

La circulation des informations est essentielle à la protection de tous.

Il ne faut pas craindre le secret partagé, y compris pour des informations nominatives sur les mineurs dont vous aurez la charge.

La Justice devra jouer tout son rôle au sein des nouvelles structures de coordination. Les cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) visent à évaluer l’information et à coordonner protection administrative et judiciaire de la jeunesse. Vous devrez y prendre part activement.

 

Mesdames et Messieurs,

Notre société évolue. La délinquance des mineurs aussi.

Plus violente, plus précoce, elle appelle une adaptation de la Justice des mineurs, dans le respect des principes rappelés par le Conseil Constitutionnel en 2002 :

-         l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge.

-         la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées.

 

II. Trois objectifs guideront la réforme de la Justice des mineurs.

A)    Premier objectif, renforcer la lisibilité et l’efficacité des procédures.

L’ordonnance de 1945 est devenue illisible à force de réformes successives. Un code de la justice pénale des mineurs la remplacera.

Les délais de traitement des dossiers sont souvent trop longs. Il s’ensuit un oubli de la faute, un affaiblissement de la pédagogie de la sanction, parfois une réitération de délits avant le jugement.

De nouvelles mesures seront prévues pour accélérer les procédures : saisines directes des formations de jugement, limitation de la durée de certaines investigations, tribunaux de mineurs statuant à juge unique pour les infractions les moins graves.

Pour garantir l’effectivité des décisions de justice, l’inexécution des obligations du mineur pourra être mieux sanctionnée, dans le respect de sa dimension éducative.

B)    Deuxième objectif : trouver des réponses adaptées à la réalité de la délinquance des mineurs.

Adaptées à la personnalité et l’histoire du mineur.

Pour agir, il faut savoir. Pour aider, il faut connaître.

Un dossier unique de personnalité réunira l’ensemble des informations recueillies au cours des différentes étapes judiciaires.

Adaptée à la gravité des faits établis.

L’emprisonnement ferme des mineurs doit demeurer exceptionnel.

Pour les primo-délinquants, il faut privilégier les alternatives à l’incarcération

Si le juge prononce une peine d’emprisonnement, il faut faire du temps de l’incarcération une chance de reconstruction. Pour cela, on doit donner toute sa place à l’éducation.

Au sein des établissements de mineurs, la collaboration des équipes éducative et pénitentiaire est une réalité. Le nouveau code de justice des mineurs la confortera.

A l’égard des multirécidivistes, nous n’avons pas droit à la faiblesse. Clairement graduées, les sanctions doivent être dissuasives. La spécificité de la Justice des mineurs ne saurait être une garantie d’impunité pour les multirécidivistes.

C)    Troisième objectif, la Justice des mineurs doit mieux associer l’ensemble des acteurs concernés.

Je pense aux parents. Responsables naturels des mineurs et de leur éducation, ils doivent être pleinement impliqués dans l’action éducative.

Je pense aussi aux victimes. La Justice des mineurs doit mieux reconnaître leur droit à la réparation et l’indemnisation.

Professionnels de l’éducation spécialisée au ministère de la Justice, vous avez un rôle essentiel à jouer dans la mise en œuvre de ces mesures.

Mon objectif est d’aboutir à un projet de loi d’ici l’été 2010. Vous serez naturellement associés à la concertation.

 

Mesdames et Messieurs,

Face aux nouveaux enjeux de la Justice des mineurs, la Protection Judiciaire de la Jeunesse doit évoluer, s’adapter, se moderniser.

Pour chacun d’entre nous, la réforme est porteuse d’exigences nouvelles. Elle doit s’effectuer dans un climat de sérénité et de consensus.

J’ai demandé la rédaction d’une charte du dialogue social afin que le la concertation, l’écoute et le respect de chacun soient pleinement garantis.

La Protection Judiciaire de la Jeunesse est une grande et belle maison. Je souhaite que chacun s’y sente bien.

Vous exercez ou exercerez une mission difficile. Une mission nécessaire. Une mission magnifique.

Au nom de tous les Français, de notre ministère et en mon nom personnel, j’adresse à chacune et chacun tous mes vœux de réussite.