[Archives] Rencontre en Sorbonne

Publié le 22 mars 2013

Discours de Madame Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice à la Sorbonne

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Pour ma part, je ne crois pas au risque communautariste en France. En tout cas, je ne le promeus pas. Je n’y crois pas. Je m’adresse en l’occurrence à des étudiants, à des personnes, qui réfléchissent, qui se cultivent, et qui ont de la rigueur dans leur pensée. Il est plus facile de vous dire à vous qu’il n’y a pas de communautarisme en France, même s’il peut exister des tendances et des risques – davantage d’ailleurs ces dernières années qu’à l’époque où l’on nous menaçait à longueur de temps de communautarisme. Pourquoi ? Parce que le communautarisme est une forme d’organisation qui se voit, se perçoit, s’identifie, parce qu’elle est structurée. Le fait de nommer communautarismes toutes les formes d’organisations, de solidarités, de regroupements, qui souvent d’ailleurs se mettent en place pour pallier la disparition de services publics pour venir en aide à des personnes qui sont quelque peu livrées à elles-mêmes dans des lieux et dans des situations économiques et sociales où elles ne peuvent sen sortir seules, est un mauvais procès que l’on a fait durant des années. Evidemment, le problème est que, lorsque l’espace public est déserté par les pouvoirs publics, il est occupé par d’autres. Il a souvent été occupé par des associations, d’ailleurs avec très peu de moyens. Il a été occupé par des personnes qui s’organisaient de manière très informelle. Et il est parfois occupé par des personnes qui ont un vrai projet, un vrai schéma de domination, d’aliénation, et qui occupent cet espace public.

La question est de savoir : pourquoi le communautarisme ? Ou bien le communautarisme est une organisation sur une base ethnique, mais à ce moment-là, on regarde si l’on a une homogénéité ethnique ; ou bien il s’agit d’un communautarisme sur une base de croyance confessionnelle, et alors on regarde comment s’organise l’autorité qui pèse sur la liberté des personnes qui sont prises dans la sphère de ce communautarisme. Ou alors on appelle communautarismes les regroupements qui visent à répondre à des difficultés, à des besoins, à la vie quotidienne, et qui sont beaucoup plus des pratiques de solidarité que de communautarisme. Simplement, la désertion progressive, ces dernières années, de la part des pouvoirs publics d’un certain nombre de territoires a provoqué une occupation par d’autres de cet espace public.

Je ne crois pas que les choses soient perdues, même si je ne pense pas qu’il faille sous-estimer les dangers dans certains endroits où la puissance publique est remplacée par des prêcheurs, par des personnes qui assurent une domination par l’économie, où une autorité non-légitime tient les gens. C’est cela le problème. Dès lors que l’on touche à la liberté des gens, c’est toute la société qui doit s’organiser pour mettre un terme à cette aliénation, à cette domination sur autrui. Nous ne devons subir que la rigueur des lois, que ce que nous imposent à tous les institutions, mais certainement pas des pouvoirs intermédiaires qui s’auto-instituent.

Je pense que c’est une discussion que l’on peut avoir avec des personnes comme vous, et qui doit pouvoir se distiller dans la société, parce que c’est à partir du moment où nous allons regarder les choses telles qu’elles sont que nous allons apporter les réponses qui conviennent. Pendant des années, on nous a dit qu’il y avait du communautarisme, que les banlieues étaient des lieux perdus pour la République, que les personnes qui y vivaient n’étaient absolument pas intéressées par la République, mais seulement par la vie qu’elles s’organisaient sur place, et qui souvent était une non-vie. Le résultat a été que les réponses apportées à ce regard, et non pas à cette réalité, ont consolidé, confirmé, aggravé les exclusions et les relégations. Je pense qu’il nous faut vraiment avoir un regard précis et exact, parce que c’est là que nous apporterons des réponses républicaines : nous interroger sur l’inclusion, nous interroger sur la façon dont chacun peut vivre sa citoyenneté. Or, vivre sa citoyenneté, c’est avoir accès à l’éducation publique, avoir accès à la formation, avoir accès à l’emploi que l’on mérite et que l’on est en capacité d’assumer, pouvoir circuler et avoir une mobilité sur le territoire. Nous devons donc veiller à ce que la citoyenneté soit partout et soit réelle.

Une autre question liée à cela était : comment accueillir chacun en tant que personne ? Tel est le grand défi républicain. La réalité et en même temps la merveille de la société est que nous sommes tous différents. Mais une république laïque est une république qui dit clairement que la différence ne peut servir de prétexte à la discrimination. Souvent, on pense que la république laïque est la guerre aux religions. La loi de 1905 ne fait pas la guerre aux religions. Elle sépare les Églises de l’État ; elle veille à ce que les institutions soient neutres, qu’elles ne subissent pas l’influence confessionnelle. Il faut dire que, depuis cette séparation, d’autres influences pèsent sur les institutions publiques. Or, nous devons faire en sorte qu’elles ne pèsent pas, qu’il s’agisse des influences partisanes lorsque des partis politiques confisquent les institutions publiques, qu’il s’agisse d’influences financières, parce que des forces économiques et financières viennent peser sur les décisions des institutions publiques. Nous n’avons pas à accepter qu’il existe, dans une république, ce type d’influences qui contribuent à séparer la société. La laïcité est un principe de concorde, qui permet que, malgré nos différences, nos croyances différentes, nos réalités différentes, nos appartenances, malgré tout cela, nous appartenions à la même société, nous soyons protégés par la même république.

C’est donc cela la réponse à la question : comment accueillir chacun. Tel est évidemment le principe. Au quotidien, nous devons lutter contre les discriminations, contre toutes les discriminations. Vous avez cité tout à l’heure les formes de discrimination les plus flagrantes, celles qui frappent les femmes. Une des réponses qui a été apportée a été la loi sur la parité. Je vous entends, madame, mademoiselle. Je dois vous dire que la loi sur la parité me dérange aussi. Malheureusement elle est indispensable. Elle me dérange parce que je considère – et je l’ai dit à l’époque à la tribune de l’Assemblée nationale – que le fait que nous soyons contraints d’adopter une loi sur la parité constitue un constat d’échec. C’est la preuve que la société soi-disant démocratique se trouve dans l’incapacité d’assurer l’égalité en son sein. Si plus de la moitié de la société ne peut avoir accès à un certain nombre d’emplois, à des responsabilités, à de nombreuses activités et métiers, il existe un vrai problème. On a pénalisé par l’argent, on a fait des discours, on a tout essayé. Finalement, on organise par la loi. Il s’agit d’un constat d’échec, mais il n’empêche que cela a permis que des femmes accèdent aux responsabilités politiques. On s’est d’ailleurs rendu compte que la loi était inachevée ; il a fallu procéder à un second convoi, et faire en sorte que, dans les exécutifs, par exemple, les femmes soient à parité. En effet, dans un premier temps, au niveau des responsabilités électives, il s’est trouvé que les listes étaient paritaires parce que cela était obligatoire ; mais au moment de la constitution des exécutifs, il n’y avait plus de femme. Donc, la femme qui était en deuxième ou quatrième position disparaissait. Nous avons donc dû prendre de nouvelles dispositions législatives pour que les exécutifs soient également paritaires : si le maire est un homme, la deuxième est bien une femme. Auparavant, sur la liste, la deuxième était bien une femme, mais les dix adjoints étaient des hommes. Cela prouve à quel point il a fallu légiférer, pour faire en sorte que la moitié, et même plus de la moitié de la population participe aux décisions et aux responsabilités. Cela n’est pas satisfaisant, mais cela était devenu une nécessité, sans quoi l’on continuait encore à parler, à dire qu’il fallait que les femmes « accèdent à »…

[Un intervenant (Gilbert Branchet, président de Réald) : « Dans le prolongement de cet échange, puisque les jeunes issus des quartiers de différents territoires ont du mal à s’insérer sur le marché du travail parce qu’ils ont une couleur de peau particulière, faudra-t-il créer de nouveaux indicateurs, avec des sentiments d’appartenance – on en entend en effet beaucoup parler actuellement –, dans le prolongement des indicateurs qui ont été créés pour lutter contre les (terme non identifié 9’’30) par rapport à la condition des femmes dans la société ? »]

Nous avons eu une période où était en vogue la discrimination positive. Personnellement, je me suis toujours positionnée contre. J’ai eu une période de flottement, parce que je constatais que nous n’avancions pas. J’entendais les arguments de ceux qui y étaient favorables. Pendant environ six mois, je me suis interrogée, et j’en suis revenue à ma position première. Je crois que l’histoire de la France, l’histoire de l’organisation de la nation française, il faut le rappeler, s’est structurée autour d’un rassemblement et une unification, parfois forcée, parfois brutale, de territoires qui possédaient une forte identité territoriale, une forte identité régionale, une forte identité linguistique, une forte identité culturelle. La nation française s’est construite, parfois de force, en rassemblant ces territoires. Elle a imposé ce rassemblement sur la base de belles et grandes valeurs : l’égalité républicaine, la citoyenneté pour tous, et, dans cet élan, l’égalité d’accès à l’éducation et l’éducation gratuite et obligatoire. Mais ces réalités culturelles, territoriales existent. Elles sont encore là et sont encore fortes. Mais même si elles sont encore fortes, la nation française est encore plus forte que les éventuels désirs de séparation. Cette histoire fait que la France a non seulement instauré l’égalité comme idéal suprême, mais a fait payer cet idéal suprême au prix fort. Aujourd’hui, aller vers des quotas, vers une discrimination positive, vers un communautarisme – même organisé par la loi… Cela existe. Certaines sociétés ont une histoire différente. Les sociétés anglo-saxonnes ont une autre histoire, y compris durant la période des empires coloniaux. Les doctrines coloniales française et anglo-saxonne étaient différentes. Les doctrines coloniales hispanique, latine, portugaise étaient également différentes. Ces histoires ont laissé des traces. L’histoire de la France, dans son territoire hexagonal, mais aussi dans son empire colonial, consiste à postuler constamment l’égalité, même quand elle a connu des contradictions et qu’elle a inscrit dans son droit des niveaux différents, des catégories de personnes différentes. Pour l’Algérie, par exemple, les « citoyens musulmans », les « Français musulmans ». Il y avait les sujets, les collèges électoraux. Elle a inscrit dans son droit des dispositions de ségrégation, mais elle a continué dans son discours politique à prôner l’égalité. Et de ce fait, je crois que son patrimoine solide est un patrimoine de citoyenneté et d’égalité. Par conséquent, je pense que nous devons avoir suffisamment d’imagination, de volonté et d’ambition pour poser que nous pouvons régler les problèmes de la différence et de la discrimination par l’ambition de l’égalité, par l’idéal de l’égalité. Je le crois profondément. C’est pour cela que je vois, j’entends ces discriminations, je les ai combattues pendant des années, je continue à les combattre ; mais je ne veux pas les combattre par une organisation morcelée de la société, où je renvoie chacun à un univers rétréci. Le fait de renvoyer chacun dans une communauté revient à limiter son univers. Cela revient à lui dire qu’il ne peut pas s’étaler, se répandre, se considérer comme étant partie du tout, et que je le renvoie comme partie d’une partie. Je n’accepte pas cela. Frantz Fanon disait qu’il ne « faut pas essayer de retenir l’homme, parce que son destin est d’être lâché ». Je pense pour ma part que le destin de chacun d’entre nous est d’être lâché. Cela veut dire que chacun d’entre nous doit pouvoir échapper à ses conditions de naissance, à ses conditions familiales, à ses conditions économiques, sociales, à ses croyances, à celles qu’on lui inflige ou à celles que lui-même choisit. Chacun d’entre nous doit pouvoir être lâché, se lâcher, s’envoler. Et s’envoler signifie justement ne pas être enfermé dans une communauté ; cela signifie repousser, chaque fois, aussi loin que l’on veut la frontière de son appartenance.

C’est pour ces raisons que je n’ai pas flotté très longtemps et que je ne crois pas à la discrimination positive. En revanche, je crois indispensable de mener une bataille sans répit et sans failles contre les inégalités, contre l’injustice. Vous disiez qu’un jeune doit pouvoir sentir qu’il a accès à tout. Oui, un jeune, où qu’il soit né, a le droit de décider que, parmi ses rêves, il sera astronaute, ou Prix Nobel de chimie, ou Prix Nobel de littérature, ou médecin… Il doit pouvoir rêver. Il doit pouvoir rêver également d’être menuisier et d’inventer de nouvelles façons de travailler le bois. Il doit pouvoir rêver d’être architecte et de changer les formes comme l’a fait Oscar Niemeyer, par exemple. Un jeune doit pouvoir rêver. Et il est du devoir de la république de rendre les rêves accessibles. Et nos rêves doivent être grands. Oscar Wilde disait : « Ayez des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue lorsque vous allez les poursuivre. ». Il faut avoir de grands rêves. La république doit donner à chacun les moyens et les conditions d’avoir de grands rêves.

Il nous faut donc lutter contre les discriminations, qui qu’elles frappent. Les femmes : c’est particulier, nous sommes plus de la moitié de la planète, nous sommes plus de la moitié de la société. Si nous voulons, nous vous éduquons de sorte que vous faites des maris absolument admirables ou des goujats insupportables. Nous avons cette responsabilité, dans la mesure où nous contribuons à la reproduction des comportements dans la société. Souvent, nous sommes plus fines, plus tenaces, plus victorieuses face à l’adversité. Nous avons de meilleurs résultats… Cela ne proteste pas, là ?

[Rires et applaudissements.]

Il est juste inconcevable que les femmes n’aient pas accès à toute une série de responsabilités dans la société. Cela vaut d’une autre façon pour les jeunes. Je crois que le féminisme est un humanisme. Il reste d’actualité. Les discriminations organisées par les sociétés contre les femmes, les exclusions organisées, les légendes construites pour exclure les femmes, les faux – vous savez que la loi salique est issue d’une série de faux : la royauté française a, à une époque, inventé que les femmes ne pouvaient pas hériter du trône et ne pouvaient être que régentes et attendre la majorité de leur fils, alors que dans d’autres sociétés, des femmes ont été reines, y compris dans les sociétés précolombiennes ou précoloniales –, la façon dont les sociétés ont pensé et organisé l’exclusion des femmes, soit la moitié de l’humanité, inspirent tous les autres mécanismes d’exclusion. C’est pour cela que le féminisme est essentiel ; c’est pour cela qu’il faut continuer à se battre contre l’exclusion des femmes. Vous disiez tout à l’heure, madame, que vous n’étiez pas d’accord avec la parité, parce que si davantage d’hommes veulent être dans un métier, pourquoi pas. Oui, pourquoi pas ? L’ennui est que, la plupart du temps, ce sont davantage d’hommes qui sont dans un métier, notamment lorsque celui-ci est valorisé par la société, notamment lorsqu’il est bien rémunéré, notamment lorsqu’il produit du pouvoir, qu’il fournit du prestige. On constate, de façon très dynamique, que l’arrivée de femmes dans un métier soit provoque une dévalorisation du métier, soit révèle une dévalorisation du métier – révèle au sens où les hommes sont en train de l’abandonner et où les femmes parviennent à s’en emparer ou le provoquent. Le pouvoir est en effet structuré de telle façon que lorsque les femmes prennent des citadelles d’assaut, ils organisent la dévalorisation de la citadelle. C’est une réalité qu’il faut affronter.

Je vois que je fais des réponses trop longues.

[Un intervenant : « Le temps passe en effet. Il reste encore trois thématiques. »]

Je vais répondre rapidement sur le récépissé. Vous avez en effet suivi l’actualité et avez assisté récemment à un tollé. (Pardon, je regarde, parce que deux personnes peuvent me joindre à tout moment sur mon portable et j’ai l’obligation de répondre. [Rires] Je suis donc obligée de surveiller un peu.) Concernant le récépissé, il existe une revendication que j’ai soutenue pendant des années – et je ne m’en cache pas, même si cela amène des difficultés – sur le fondement d’études du ressenti. Evidemment, le ressenti n’est pas une donnée objective. On ne fait pas une politique publique à partir du ressenti, même si les personnes qui ressentent sont de bonne foi. Mais des études ont prouvé que, selon l’apparence et selon les territoires, selon aussi parfois simplement la tenue vestimentaire, il existait sept à huit fois plus de risques d’être contrôlé. La demande de récépissé était donc une demande qui consistait à dire : « Moi, je veux pouvoir prouver que j’ai été contrôlé plusieurs fois dans la journée. ». Il s’agit d’une revendication civique de citoyens qui disent : « Moi, je veux une arme qui me permette de saisir la justice. ». Et, parce que le sujet a fait débat, les policiers ont évidemment fourni une réponse : « Attention, vous nous mettez en cause. Nous, nous faisons notre travail. Nous, nous appliquons les lois, puisque celles-ci disent qu’il faut effectuer des contrôles d’identité. ». Je pense qu’il faut vraiment que nous parvenions, dans notre société, à considérer que, dans une république justement, nous devons vivre ensemble, et que dans une république, il existe des institutions, des services publics, et que ceux-ci peuvent vouloir fonctionner normalement.

Aujourd’hui, sur la question du récépissé, j’assume : 10 ans de combats, 10 ans de soutien à des citoyens, à des associations, à des maires même. Je l’assume très clairement. Le Premier ministre a décidé, il a tranché il y a quelques mois maintenant, de ne pas retenir cette proposition du récépissé, mais de faire en sorte que les contrôles soient, disons, conduits d’une façon différente. Cela a abouti à la charte de déontologie, qui a été signée par les syndicats de policiers à l’initiative du ministre de l’Intérieur et qui a introduit un certain nombre d’obligations qui s’imposent aux policiers et qui concernent le vouvoiement – puisqu’existait une contestation sur le tutoiement, reçu comme une marque de mépris –, le port de matricule, les conditions de palpation, etc. Cette réponse existe. Cette charte de déontologie sera mise en œuvre. Je propose que nous voyions comment les choses vont se passer. Le constat est que les pouvoirs publics ont déserté un certain nombre de territoires, que la puissance publique n’est plus présente : plus de service éducatif, souvent, ou alors une école isolée, dans laquelle il n’y a même pas de bibliothèque ; plus de services sociaux ; pas de bibliothèque ; pas de cinémathèque ; pas de médiathèque ; pas de vie culturelle, sauf quand, parfois, les maires, le Conseil général font un effort ou en ont les moyens. Nous avons des territoires où, finalement, les seuls services publics, c’est la police. Il y a là un vrai dysfonctionnement dans notre démocratie. Un vrai dysfonctionnement. On peut rester sur le comportement des uns et des autres, c’est-à-dire des personnes ; et l’on peut raisonner, réfléchir sur ce qu’est une société démocratique, ce qu’est la citoyenneté, ce qu’est le respect des droits, ce qu’est la présence des services publics, ce qu’est l’obligation des uns et des autres.

Je crois qu’il ne s’agit pas d’un sujet mineur. Nous verrons si la charte de déontologie répond au problème. En tout cas, le sujet du récépissé, au niveau du gouvernement, n’est plus là. Je ne cache pas, je le répète, l’engagement que j’ai eu pendant des années. Et je ne vais pas faire semblant d’oublier aujourd’hui cet engagement, sans quoi la politique n’a aucun sens. Nous dépêcher de rayer nos engagements voudrait dire que nous ne méritons pas votre confiance. Quoi qu’il en soit, voilà où nous en sommes au niveau du gouvernement. Le Premier ministre a tranché. La charte de déontologie est signée. Nous verrons si cela améliore les choses. En tout état de cause, je crois que la citoyenneté ne peut reposer ni sur des contrôles qui, avec leur caractère coercitif, viseraient à tenir en respect des citoyens de territoires délégués, ni sur des contrôles très polis, très respectueux de tout, et puis c’est tout. C’est l’ensemble des pouvoirs publics qui doit assurer une vie normale sur l’ensemble du territoire, et en particulier dans ces portions de territoire victimes d’un abandon, d’un délaissement, d’une désertion. Les conséquences sont évidentes. Là où la puissance publique n’est pas présente, une autre puissance prend le relais, un autre pouvoir s’installe. Parfois, il s’agit d’un pouvoir de domination et d’aliénation intellectuelles et morales ; et parfois, il s’agit d’un pouvoir économique. La responsabilité incombe à l’ensemble du gouvernement : politique de la ville, politique de la santé, politique de l’éducation, politique sociale, politique de prévention de la délinquance, politique de la justice. Il y a tout cela. C’est donc tout le gouvernement qui doit vous faire la démonstration, dans peu de temps j’espère, que cela a bien changé.